À quel moment prendre son bicarbonate pour la performance ?

Modifié le 19 décembre 2023

Temps de lecture : 6 minutes
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La formule chimique du bicarbonate est écrite sur une ardoise. A côté, se trouve un pot rempli de poudre blanche et une cuillère avec cette même poudre.

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Le bicarbonate de sodium exerce un effet favorable sur les performances sportives en raison de sa capacité à neutraliser l’acidité. À condition toutefois de le prendre au bon moment, pour profiter de hauts niveaux sanguins tout en limitant le risque de troubles digestifs.

Lutter contre l’acidose musculaire

Au cours d’un exercice physique, le pH musculaire a tendance à diminuer. La dégradation du glucose par glycolyse en situation de manque d’oxygène génère en effet de l’acide lactique. De plus, la décomposition de l’ATP, la principale source d’énergie cellulaire, libère des ions hydrogène (H+). Cette acidification génère de la fatigue musculaire et altère les performances sportives.

La diminution du pH musculaire est dépendante de l’intensité de l’exercice. Une étude menée auprès de volontaires a suivi l’évolution de ce paramètre au cours d’un exercice d’extension du genou de 5 minutes, à des puissances de 30, 50 et 70W. Au repos, le pH musculaire était de 7,38 en moyenne, puis il a diminué pendant l’exercice, atteignant 7,27, 7,16 et 7,04 avec les intensités croissantes.

Les systèmes tampons du corps

Notre organisme met en œuvre des mécanismes tampons pour maintenir l’équilibre acido-basique. Des tampons intracellulaires, comme la carnosine, un dipeptide dérivé de la bêta-alanine, neutralisent une partie de l’acidité. Leur action est complétée par celle de tampons extracellulaires, les principaux étant les ions bicarbonates (HC03) circulants dans le sang. La supplémentation en bicarbonate de sodium est une méthode couramment employée par les sportifs pour atténuer l’acidification et ses conséquences négatives.

Action du bicarbonate de sodium

Le bicarbonate de sodium, de formule chimique NaHCO3, est hautement soluble dans l’eau. Après ingestion, il se dissocie dans l’estomac en ion sodium (Na+) et en ion bicarbonate. L’acide chlorhydrique présent dans l’organe va se combiner avec l’ion bicarbonate, générant de l’acide carbonique (H2CO3). Celui-ci se dépose en eau et dioxyde de carbone, un gaz libéré du suc gastrique sous forme d’éructation et qui peut générer des ballonnements.

Le pH du suc gastrique augmente alors. L’alcalinisation du milieu va stimuler un transporteur présent à la base des cellules pariétales de la muqueuse de l’estomac. Il s’agit d’un échangeur, qui expulse des ions bicarbonate dans le sang pour permettre l’entrée d’ions chlorure. Ce transport est couplé à une pompe à protons, qui envoie des protons dans l’estomac, permettant d’abaisser son pH.

En parallèle, l’élévation de la quantité d’ions bicarbonate dans le sang va stimuler l’activité de transporteurs présents au niveau des cellules musculaires, MCT1 et MCT4. Ils vont alors expulser une partie de l’acide lactique et des protons produits au cours de l’exercice, permettant de limiter l’acidification des muscles.

Mécanisme d'action du bicarbonate de sodium responsable de l'effet tampon au niveau du muscle.
Mécanisme d’action du bicarbonate de sodium,
d’après Jozo Grgic et al

Passage direct dans le sang

Graphique présentant l'évolution du pH sanguin en fonction du temps après la prise de 0,2g/kg ou 0,6g/kg de bicarbonate.
Augmentation du pH sanguin après ingestion de 0,2 ou 0,3g/kg de bicarbonate de sodium par kg de poids corporel.

En cas de supplémentation en bicarbonate de sodium, une partie de la dose ingérée atteint l’intestin grêle. Elle est absorbée au niveau de son deuxième segment, le jejunum et vient augmenter le stock de bicarbonate sanguin. La concentration sanguine en ion bicarbonate augmente rapidement après la prise de bicarbonate de sodium, et élève le pH sanguin.

Impact positif sur les performances

Les effets ergogènes de la supplémentation en bicarbonate ont été mis en évidence lors de nombreuses études. Selon les résultats d’une méta-analyse, il améliore les performances dans les activités d’endurance musculaire, dans les sports de combat, le cyclisme, la course à pied, la natation et l’aviron. Il est particulièrement efficace pour les exercices de haute intensité, d’une durée de 30 secondes à 12 minutes, aussi bien pour des séances uniques que multiples. La dose optimale est de 0,3g/kg de poids corporel.

Optimiser les modalités de la supplémentation

Pour maximiser les avantages du bicarbonate sur la performance, il est essentiel de suivre un protocole de supplémentation approprié, en accordant une attention particulière au choix du moment optimal pour son ingestion.

Faut-il personnaliser la prise selon son pic de bicarbonate ?

Le moment où le bicarbonate est consommé exerce une influence sur la quantité de bicarbonate circulant dans le sang au moment de l’exercice physique. Certains spécialistes considèrent qu’il faudrait adapter le protocole de supplémentation en fonction de ce paramètre, pour pratiquer quand la concentration sanguine est maximale.

Variabilité individuelle

Le moment où le pic de bicarbonate sanguin, et par conséquent de pH, est atteint présente d’importantes variations individuelles. Des chercheurs ont examiné ce phénomène au sein d’un groupe de 11 participants, après l’administration d’une dose de 0,3g/kg de poids corporel. Le temps pour moyen observer le pic de pH était de 68,2 minutes après l’ingestion, mais la plage pouvait varier de 10 à 90 minutes selon les personnes.

Un cycliste en plein effort roule sur une route.
La prise de bicarbonate soutient les performances des cyclistes.

Certains protocoles de supplémentation intègrent ainsi ce paramètre. Dans une étude menée auprès de 11 cyclistes, une première phase a consisté à déterminer le moment de survenue du pic sanguin de bicarbonate, après ingestion de 0,2g/kg et 0,3g/kg. En fonction des données individuelles, la supplémentation a été administrée au moment opportun, avant une épreuve de contre la montre de 4km. Avec succès, puisque les performances se sont améliorées de 8,3 secondes en moyenne avec la plus faible dose et de 8,6 secondes avec la plus élevée.

Une autre recherche est particulièrement intéressante, car elle compare de manière directe un schéma standard de supplémentation – une prise une heure avant l’entraînement pour tous les participants – au protocole personnalisé. Chacun des 23 rameurs professionnels recrutés a reçu la dose de 0,3g/kg de bicarbonate lors de deux sessions de contre la montre sur 2000 mètres. Un avantage léger, mais significatif, a accompagné la prise personnalisée : le temps de performance a été de 367 secondes contre 369 secondes.

Fenêtre d’efficacité prolongée

L’application de cette approche dans un contexte non professionnel s’avère complexe, et son utilité est remise en question par d’autres chercheurs.

Cette approche est cependant difficile à mettre en œuvre dans la pratique non professionnelle, et son utilité est remise en question par d’autres chercheurs. Une étude récente, portant sur trois administrations consécutives de bicarbonate de sodium, a révélé que le temps nécessaire pour atteindre la concentration sanguine maximale en bicarbonate est inconstant pour une même personne. Cette supplémentation produit une fenêtre d’efficacité ergogène de longue durée, avec une augmentation continue pendant environ 120 à 160 minutes avant d’atteindre un plateau. Des valeurs élevées ont persisté jusqu’à la fin de la période d’observation de 4 heures. Ainsi, la prise de bicarbonate quelques heures – de 1h à 3h selon le consensus – avant la pratique serait ainsi efficace, éliminant le besoin d’une précision accrue.

Graphique montrant l'évolution du taux sanguin de bicarbonate évalué en trois occasions par rapport à un placebo.
La concentration sanguine en bicarbonate reste élevée pendant au moins 4h après ingestion.

Adaptation selon la tolérance digestive

Le bicarbonate de sodium peut déclencher des troubles digestifs. Par exemple, la prise d’une dose de 0,3g/kg de poids corporel 65 minutes avant un entraînement par des rugbymen a provoqué une augmentation de la survenue d’éructations, de maux d’estomac, de diarrhées, de ballonnement et de nausées en comparaison avec la prise d’un placebo.

Ces effets indésirables peuvent ainsi contre-balancer les bénéfices du bicarbonate de sodium, comme l’illustre une étude menée auprès de 21 hommes soumis à du cyclisme à haute intensité. Lorsque les performances de l’ensemble du groupe ont été considérées, aucune amélioration n’a été constatée en termes de volume de travail effectué. En revanche, une amélioration significative a été constatée lorsque les 4 participants ayant éprouvé des troubles digestifs ont été exclus des analyses.

Un laps de temps long

Pour éviter ces désagréments, il est conseillé pour les personnes sensibles de prendre le bicarbonate de sodium bien en amont de l’entraînement. Une étude a été menée auprès de huit athlètes masculins, qui ont reçu 0,3g/kg de bicarbonate de sodium 60, 120 ou 180 minutes avant des séries répétées de sprint. Si leurs performances n’ont pas varié en fonction du moment de la prise, les inconforts digestifs ont été atténués avec l’administration 180 minutes avant l’exercice.

Il a par ailleurs été montré que le pic d’incidence des effets indésirables survient 90 minutes après la consommation du bicarbonate, et qu’une co-ingestion avec une collation riche en glucides les atténue. La prise de gélules gastro-résistantes représente un autre moyen de tempérer les troubles digestifs, toutefois plus onéreux.

Étalement sur plusieurs jours

Une autre approche consiste à consommer des petites doses quotidiennes de bicarbonate pendant plusieurs jours, généralement 3 à 5, avant une épreuve. La dose quotidienne utilisée est en général un peu plus élevée que celle utilisée en supplémentation unique, soit 0,4 ou 0,5g/kg, en 3 ou 4 doses quotidiennes. Une supplémentation de ce type – 0,5g/kg répartis en 4 prises quotidiennes pendant 5 jours – a amélioré la puissance maximale lors d’un exercice de haute intensité de 60 secondes sur ergocyle, sans déclencher de troubles digestifs. Cette méthode augmente les capacités tampons du sang, produisant un effet durable pendant au moins 24h après la dernière prise.

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