Pourquoi on grossit quand on arrête de fumer
Modifié le 27 décembre 2024
Temps de lecture : 6 minutes
•julienvenesson.fr ce n’est pas que des formations professionnelles en nutrition, la sélection des meilleurs livres et des consultations avec des nutritionnistes, c’est aussi les réponses à vos questions dans les articles du blog. Bonne lecture !•
La grande majorité des anciens fumeurs prennent du poids dans les mois qui suivent le sevrage tabagique. Plusieurs raisons peuvent contribuer à l’accumulation des kilos, et il est possible d’agir sur certaines d’entre elles. Les explications dans cet article.
Arrêt du tabac et prise de poids vont souvent de pair
Parmi les freins à l’arrêt du tabac, figure la crainte de prendre du poids ressentie par de nombreux fumeurs, qui n’est pas sans fondements. Une étude américaine en donne un bon aperçu. Sur une période de 5 ans, les effets du sevrage tabagique sur le poids de près de 6 000 Américains et Canadiens de 35 à 60 ans ont été examinés.
Résultats :
- parmi les participants qui ont réussi à arrêter de fumer, les femmes ont pris 5,2 kg en moyenne pendant la première année d’abstinence tabagique, les hommes 4,9 kg ;
- la prise de poids était la plus importante au cours de la première année qui suivait l’arrêt de la cigarette, mais les kilos continuaient de s’accumuler tout au long de la période de suivi (5 ans) ;
- au bout de 5 ans, un tiers du groupe des abstinents avait pris 10 kg ou plus alors qu’ils n’étaient que 6 % au sein du groupe des personnes ayant continué à fumer.
Une analyse de la littérature scientifique consacrée à ce sujet menée par un spécialiste de la médecine addictive français a montré qu’environ 80% des ex-fumeurs prennent du poids.

Pourcentage de la population susceptible de perdre du poids (en blanc), de prendre moins de 5 kg, entre 5 et 10 kg ou plus de 10 kg sur une période de 12 mois à l’arrêt du tabac.
Or, le surpoids augmente le risque de maladie cardiovasculaire. Dans ces circonstances, qu’est-ce qui est le mieux pour la santé ? Continuez à fumer et rester mince ? Ou arrêter de fumer mais grossir ?
Des chercheurs coréens sont formels : leurs travaux indiquent qu’une prise de poids à l’arrêt du tabac n’annule pas ses effets protecteurs contre le risque de crise cardiaque ou d’AVC.
Quand on arrête de fumer, on mange plus !
Globalement, les études sur le sujet montrent que lors d’un sevrage tabagique, la ration calorique journalière augmente, c’est-à-dire qu’on a tendance à manger de manière plus copieuse. Alors pourquoi ?
Modification du métabolisme énergétique
La nicotine stimule le métabolisme, favorisant les dépenses énergétiques et réduisant le stockage de graisses.
Elle exerce également un effet suppresseur de l’appétit. Ainsi, les fumeurs sont souvent plus minces que les non-fumeurs, les kilos pris à l’arrêt du tabac viennent donc en partie combler ce décalage.
Conséquence : même sans changer d’alimentation, on prend un peu de poids à l’arrêt de la cigarette.
Le manque compensé par la nourriture
Si l’appétit augmente un peu lorsque la nicotine n’est plus présente pour exercer ses effets coupe-faim, certains ex-fumeurs augmentent leur consommation de nourriture pour compenser le manque lié au sevrage.
La gestuelle consistant à porter un aliment à la bouche se substitue à celle d’y mettre une cigarette. Répétée régulièrement, les apports caloriques peuvent rapidement augmenter, ce qui va favoriser la prise de poids.
Une étude menée auprès de 13 femmes a permis d’estimer qu’elles augmentaient leur ration alimentaire de 227 calories par jour, de quoi expliquer 69 % de la prise de poids au cours de la période qui suivait l’arrêt du tabac.
Compenser l’absence de tabagisme par la nourriture est par ailleurs un moyen d’activer les circuits cérébraux de la récompense chez les ex- fumeurs et donc de calmer les envies de “clopes”.
Attirance pour les aliments riches en calories
Une équipe de psychologues de Chicago a montré que des fumeuses privées de nicotine attribuent une valeur plus importante à des friandises riches en glucides par rapport aux non-fumeurs.
Car bien sûr, ce sont rarement les carottes râpées ou les haricots verts qui suscitent l’envie, mais bien les produits riches en sucres et en gras qui stimulent les mêmes circuits de la récompense que la nicotine.
Et comme le manque de nicotine rend le seuil du plaisir plus difficile à atteindre, les anciens fumeurs se tournent vers les aliments les plus alléchants.
Enfin, un dernier élément peut contribuer à augmenter les apports alimentaires au moment du sevrage. Le tabagisme peut représenter un moyen pour certaines personnes souffrant d’un trouble du comportement alimentaire à contrôler leurs pulsions, qui reviennent en force à l’arrêt du tabac.
Lorsqu’on mange plus à l’arrêt du tabac, pour une raison ou l’autre, il est facile de comprendre pourquoi on va prendre quelques kilos. Mais plus surprenant, ils peuvent également s’accumuler chez d’anciens fumeurs qui ne consomment pas plus de calories au quotidien. Un autre élément interviendrait-il ?
Le tabac modifie la flore intestinale
Le microbiote intestinal semble aussi avoir sa part de responsabilité dans la prise de poids liée au sevrage tabagique. La composition de cette communauté d’êtres vivants microscopiques qui vit en symbiose au cœur de notre système digestif varie d’une personne à l’autre, notamment selon nos habitudes de vie.
Le tabagisme a une influence sur celui-ci et entraîne notamment une baisse de la diversité des espèces qui le composent. Mais lorsqu’on arrête de fumer, de nouvelles modifications s’opèrent et peuvent conduire à une prise de poids.
Évolution des populations microbienne au moment du sevrage
Pour observer l’impact de l’arrêt de la cigarette sur le microbiote intestinal, des chercheurs zurichois ont analysé des échantillons de selles lors de l’arrêt de la cigarette. Les analyses ont duré 9 semaines.
Les scientifiques ont ainsi découvert que l’arrêt du tabac provoque des changements dans sa composition, caractérisée par :
- une augmentation des Firmicutes (plus précisément Clostridium coccoides, Eubacterium rectale et Clostridium leptum) ;
- une augmentation des Actinobactéries (bactéries HGC et bifidobactéries) ;
- une raréfaction des Bacteroidetes (Prevotella et Bacteroides) ;
- une raréfaction des Protéobactéries (sous-groupes β et γ).

Bactéries firmicutes (Bacillus) au microscope.
Problème : les firmicutes changent l’extraction des calories et peuvent faire grossir. C’est d’ailleurs à cause des firmicutes qu’on grossit quand on prend des IPP, des médicaments utilisés contre le reflux gastrique.
Ces changements correspondent à ce qui est observé chez les personnes obèses par rapport aux plus minces : une faible proportion de Bacteroidetes et une proportion élevée de Firmicutes et d’Actinobacteria.
C’est pourquoi, même sans manger plus, il devient possible de prendre du poids.
Cela pourrait aussi expliquer l’impact du tabac sur l’évolution des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (maladie de Crohn et rectocolite hémorragique).
Les probiotiques pour arrêter de fumer sans grossir

Certaines études menées chez des personnes obèses ont montré que l’administration de probiotiques peut faire évoluer favorablement la composition du microbiote intestinal et aider à perdre du poids.
C’est pourquoi de nombreux chercheurs pensent que le meilleur moyen pour arrêter de fumer sans grossir consiste à se supplémenter en probiotiques pendant la phase de sevrage tabagique et prévenir la prise de poids.
Pas de modification de la flore intestinale avec la cigarette électronique
La cigarette électronique pourrait-elle avoir les mêmes conséquences sur l’équilibre du microbiote ?
Une étude pilote menée chez l’homme apporte des réponses rassurantes. Sur les 30 personnes recrutées, 10 ne fumaient pas, 10 autres vapotaient et les 10 derniers fumaient des cigarettes classiques. Leurs microbiotes étaient analysés suite à des prélèvements de salive et de selles.
Par rapport aux non-fumeurs et aux vapoteurs, les fumeurs présentaient un déséquilibre de leur microbiote, avec une abondance de Prevotella, des bactéries associées à différents troubles digestifs (cancer colorectal, colite) et une raréfaction des Bacteroides, considérées comme des probiotiques donc au rôle favorable.
Ainsi :
- la cigarette électronique avec ou sans nicotine ne modifie pas la flore intestinale ;
- arrêter la cigarette électronique ne provoque pas de prise de poids ;
- néanmoins, le passage de la cigarette classique à la vapoteuse n’empêche pas une légère prise de poids. Cette prise de poids est plus faible si le e-liquide contient de la nicotine.

En plus des arômes, les liquides pour cigarettes électroniques peuvent contenir de la nicotine ou en être exempts.
Autres articles





