Les effets sur la santé du butyrate intestinal

Modifié le 14 décembre 2023

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Le butyrate intestinal est produit dans le colon par fermentation

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Le butyrate est un acide gras à chaîne courte produit par la fermentation de fibres alimentaires dans l’intestin. Il y joue de nombreux rôles pour la santé.

Les acides gras à chaîne courte : butyrate, propionate et acétate

Les acides gras à chaîne courte (AGCC) comprennent le butyrate, le propionate et l’acétate. Ils sont produits dans la lumière intestinale, au niveau du gros intestin, ou côlon, grâce à la fermentation réalisée par des bactéries du microbiote. Le propionate et l’acétate sont produits par des bactéries du groupe des Bacteroides, alors que le butyrate est produit par différentes espèces de Firmicutes, des bactéries anaérobies.

Pour cette fermentation, les microorganismes utilisent des fibres qui n’ont pas été digérées auparavant, et, dans une moindre mesure, des protéines. La concentration en AGCC est plus élevée dans le côlon proximal, c’est-à-dire au début du colon.

Le butyrate : un acide gras à chaîne courte produit dans le côlon

Le butyrate est le moins abondant des trois principaux acides gras à chaîne courte, puisqu’il ne représente que 15 % des AGCC produits chez l’homme, contre 60 % pour l’acétate et 25 % pour le propionate. Comme l’indique sa formule chimique (C4H7O2), le butyrate, aussi appelé butanoate, est un anion qui compte quatre atomes de carbone. L’acétate possède quant à lui deux atomes de carbone et le propionate trois.

Le butyrate est en fait la base conjuguée de l’acide butanoïque (ou acide butyrique ou encore acide éthylacétique) : butyrate et acide butanoïque forment un couple acide/base. Le terme d’acide butyrique vient d’un mot grec signifiant beurre, à cause de l’odeur désagréable de beurre rance à laquelle il est rattaché. Le butyrate se trouve en effet dans le beurre et des produits laitiers.

Contrairement au propionate et à l’acétate qui passent plus facilement dans le sang, le butyrate est essentiellement métabolisé dans le côlon. Une partie du butyrate produit dans l’intestin passe toutefois dans la veine porte et est absorbée par le foie. La concentration en AGCC dans la circulation sanguine d’un adulte en bonne santé est de 100 à 150 µmoL/L pour l’acétate, 4 à 5 µmoL/L pour le propionate, et seulement 1 à 3 µmoL/L pour le butyrate.

Le butyrate C4H7O2- est la base conjuguée de l’acide butanoïque C4H8O2
Représentation 3D de la molécule de butyrate (C4H7O2) – PubChem

Le butyrate est la principale source d’énergie des colonocytes

Les AGCC servent de nourriture aux cellules épithéliales du côlon, aussi appelées colonocytes, et comptent pour 60 à 70 % de leurs ressources énergétiques. Une fois que le butyrate est libéré dans la lumière intestinale, les colonocytes l’absorbent au niveau de la membrane apicale, du côté de la lumière intestinale. À la surface de ces cellules, des transporteurs aident le butyrate à traverser la membrane plasmique. 

Le butyrate peut alors être utilisé comme source d’énergie par la cellule, et métabolisé. De plus, le butyrate influence le fonctionnement de la cellule grâce à des modifications épigénétiques : c’est un inhibiteur de l’histone désacétylase, une enzyme qui modifie les histones, et agit sur l’expression génétique.

La production de butyrate dépend de l’alimentation

La production de butyrate dans l’intestin et son abondance dépendent de l’alimentation, en particulier de la présence de fibres. Ainsi, les fibres prébiotiques de fructanes, comme l’inuline, stimulent la production de butyrate par les bactéries.

Le butyrate intervient dans la santé gastro-intestinale

Le butyrate intervient principalement au niveau de l’intestin, où sa concentration est la plus élevée.

Les effets anti-inflammatoires du butyrate

L’inflammation est un processus normal de défense contre les infections. Cependant, quand les réactions inflammatoires sont excessives, elles causent des dommages aux tissus et favorisent des maladies. C’est le cas notamment pour les maladies inflammatoires de l’intestin et les maladies auto-immunes.

Différentes études montrent que le butyrate inhibe des cytokines pro-inflammatoires et stimule des cytokines anti-inflammatoires. Ceci peut être dû au fait que le butyrate inhibe le facteur de transcription NF-κB qui contrôle certains processus impliqués dans l’inflammation et l’immunité.

Le butyrate agit également sur la migration des cellules immunitaires dans l’intestin, quand elles se dirigent vers les sites d’inflammation. Il influence aussi la réponse immunitaire via une action sur la prolifération et l’apoptose des cellules.

Une étude parue en 2019 a testé l’effet d’une complémentation orale en butyrate chez dix personnes obèses et neuf personnes de poids normal. Un apport de 4 g de butyrate de sodium par jour pendant quatre semaines conduit à une diminution de l’état inflammatoire des personnes souffrant de syndrome métabolique. Cet effet anti-inflammatoire du butyrate pourrait être intéressant pour lutter contre des maladies inflammatoires de l’intestin.

Le butyrate est prometteur contre les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI)

Les MICI comprennent la maladie de Crohn et la colite ulcéreuse, ou rectocolite hémorragique. Le butyrate a été évalué dans chacune de ces deux maladies, au cours de deux petites études qui apportent des résultats encourageants.

Le butyrate réduit les symptômes de la maladie de Crohn

13 patients, atteints de la maladie de Crohn à un stade léger à modéré, ont pris 4 g par jour de butyrate pendant huit semaines. Un patient est sorti de l’étude et trois n’ont pas vu d’amélioration. Neuf patients (69 %) ont répondu au traitement : sept étaient en rémission et deux répondaient partiellement au traitement.

Le butyrate agit en synergie avec la mésalazine pour soigner la rectocolite hémorragique

30 patients atteints de rectocolite hémorragique à un stade léger à modéré ont pris pendant six semaines un anti-inflammatoire (la mésalazine), soit avec un placebo, soit avec 4 g par jour de butyrate de sodium. Les symptômes se sont améliorés dans les deux groupes, mais la combinaison des deux molécules semblait plus efficace, ce qui suggère que le butyrate améliore le traitement à la mésalazine.

Le butyrate favorise la fonction barrière de l’intestin

Les cellules épithéliales de l’intestin représentent une première ligne de défense contre divers agents nocifs pour l’organisme. Or une perméabilité excessive de l’intestin favorise l’inflammation, dans la mesure où elle permet à des antigènes de traverser la paroi intestinale.

Le butyrate protège la muqueuse intestinale de plusieurs façons conjointes :

  • il active la production d’une mucine qui renforce la couche de mucus, qui protège les cellules contre de potentiels agents pathogènes présents dans la lumière intestinale
  • il active la production des protéines des jonctions serrées
  • il stimule la production de peptides antimicrobiens, comme le peptide LL-37 chez l’homme

Dans une étude autrichienne récente portant sur 102 femmes, il a été montré une corrélation entre la présence de bactéries productrices de butyrate et la qualité de la fonction barrière de l’intestin. Dans cette expérience, la perméabilité de l’intestin a été mesurée grâce à la zonuline.

Chez les femmes dont le taux de zonuline était bas, et qui bénéficiaient donc d’une meilleure fonction barrière de l’intestin, les bactéries Faecalibacteria, des Firmicutes productrices de butyrate, étaient plus présentes. Ces bactéries sont en revanche peu abondantes chez des patients souffrant de la maladie de Crohn ou de dermatite atopique, deux maladies inflammatoires. Selon les auteurs, les Faecalibacteria pourraient être en mesure de réduire l’inflammation en améliorant la perméabilité intestinale.

Le butyrate améliore la perméabilité intestinale
Le butyrate renforce la fonction barrière de la muqueuse intestinale

Le rôle du butyrate contre le cancer colorectal

En 2012, une étude chinoise a trouvé que les patients souffrant de cancer colorectal possèdent moins de bactéries productrices de butyrate (Roseburia, Lachnospiraceae…) que des personnes en bonne santé. Les patients présentaient aussi plus de bactéries opportunistes dans leur intestin. Cependant il est important de souligner que cette observation ne tient pas lieu de relation de cause à effet : on peut se demander si c’est le cancer qui aurait pu être à l’origine d’une modification dans la composition du microbiote.

En parallèle de ces données, nous savons qu’il existe une association entre un régime alimentaire pauvre en fibres et le cancer colorectal, d’où l’idée que le butyrate soit plutôt bénéfique pour éviter ce cancer. De plus, les patients souffrant de colite, un facteur de risque de cancer colorectal, possèdent eux aussi moins de bactéries productrices de butyrate de la famille des Lachnospiraceae.

Enfin, le butyrate contrôle l’équilibre entre prolifération, différenciation et apoptose des colonocytes, ce qui peut expliquer son rôle préventif contre les tumeurs.

Le butyrate agit sur le contrôle de la glycémie

En plus de ses nombreux bienfaits pour la santé intestinale, le butyrate se montre également bénéfique à la santé métabolique. En effet, au niveau de la cellule intestinale, il influence le contrôle de la glycémie en stimulant la libération de glucose par néoglucogenèse. Des études chez l’animal suggèrent que :

Chez l’homme, des études suggèrent que les personnes diabétiques de type 2 possèdent moins de bactéries Clostridiales (des Firmicutes) productrices de butyrate. C’est pourquoi il pourrait être intéressant de donner du butyrate par voie orale à des patients, dans l’espoir d’améliorer leur contrôle de la glycémie. Dans cette optique, une étude néerlandaise parue en 2018 a testé une complémentation orale en butyrate chez des hommes. Neuf personnes minces et dix souffrant de syndrome métabolique ont participé. Pendant quatre semaines, les participants ont pris 4 g de butyrate de sodium par jour.

La sensibilité à l’insuline des hommes s’est améliorée, mais seulement chez ceux qui étaient minces ! Aucun effet sur la graisse brune n’a été observé. Ces résultats suggèrent donc que le butyrate peut améliorer le métabolisme du glucose chez des personnes minces. On peut conjecturer une perturbation des voies de signalisation impliquant le butyrate en cas de syndrome métabolique.

Le rôle controversé du butyrate pour la gestion du poids

Chez les rongeurs, le butyrate empêche la prise de poids provoquée par un régime riche en graisses. Chez la souris, le butyrate et le propionate, mais pas l’acétate, réduisent la prise alimentaire par le biais de leur influence sur les hormones intestinales. À première vue, le butyrate semble donc intéressant pour contrer l’obésité, mais les données en santé humaine ne vont pas dans ce sens.

En effet, une revue systématique incluant 246 personnes obèses et 198 contrôles montre que les personnes obèses possèdent plus d’acides gras à chaîne courte que les personnes en bonne santé. Ces acides gras pourraient être rapidement métabolisés en glucides et lipides, et favoriser la prise de poids en augmentant l’apport calorique. Les AGCC peuvent ainsi apporter 200 calories par jour et contribuer à la lipogenèse et à l’accumulation de graisses dans les adipocytes.

Par ailleurs, la diversité du microbiote est réduite chez les personnes obèses. Il est possible que le taux élevé d’AGCC soit lié à la dysbiose, c’est-à-dire à une flore intestinale déséquilibrée.

Le butyrate agit sur l’axe intestin-cerveau

Plusieurs études suggèrent que les régimes riches en fibres améliorent la mémoire et la cognition. La consommation de fibres augmente la présence de butyrate dans le sang, et ce dernier est capable de traverser la barrière hématoencéphalique.

Chez la souris, il a été montré que le butyrate réduit les troubles cognitifs, mais les preuves restent insuffisantes pour transposer cette observation à l’humain. L’effet du butyrate sur l’appétit et le comportement alimentaire prouve toutefois qu’il agit bel et bien sur l’axe intestin-cerveau.


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