Des polluants du quotidien diminueraient la taille du pénis

Modifié le 14 décembre 2023

Temps de lecture : 8 minutes
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bouteilles plastique

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Phtalates, composés perfluorés ou bisphénols sont autant de composés chimiques qui ont envahi notre quotidien au cours des dernières décennies. Fléau environnemental, ils affectent notre santé et semblent nuire au développement de l’appareil génital des hommes.

Une zone fortement polluée comme laboratoire à ciel ouvert

ustensiles de cuisine anti-adhésifs
Le PFOA est massivement utilisé pour les revêtements anti-adhésifs

La Vénétie, dans le nord de l’Italie, est l’une des quatre régions au monde les plus polluées aux composés perfluorés (PFC). Elle représente ainsi le terrain d’étude idéal pour mieux cerner l’influence des polluants sur l’appareil reproducteur masculin. Dans ce territoire, la contamination aux PFC provient d’une usine qui relargue ces substances chimiques dans l’environnement depuis 1968.

Peu coûteux, ils sont en effet largement employés dans l’industrie et sont présents dans de nombreux produits du quotidien comme les revêtements des ustensiles de cuisine, les vêtements ou les tapis. Dans cette zone, les eaux présentent des niveaux de PFC plus de 1000 fois supérieurs aux valeurs normales. Le taux de PFOA, l’un de ces PFC, est 5 fois plus élevé dans le sang et le sperme des hommes qui y vivent, en comparaison avec ceux vivant sur le reste du territoire italien.

Un pénis plus court chez les hommes exposés aux polluants

Des chercheurs ont recruté 212 jeunes hommes habitant dans cette région. Ils ont réalisé différentes mesures (taille, poids, qualité de la semence, concentration en hormones sexuelles…) et les ont comparées à celles de 171 hommes moins exposés à ces polluants.

Les analyses ont révélé que les hommes contaminés aux PFC ont un sexe plus court, 8,6cm en moyenne, contre 9,7cm au sein du second groupe. Le volume de leurs testicules est plus faible et la qualité de leur sperme est altérée.

L’impact de ce type de polluants sur l’appareil génital masculin a également été pointé par une équipe de pédiatres de l’université du Caire en Égypte. Une augmentation de la fréquence des cas de micropénis est observée chez les bébés les plus exposés.

représentation 3D d'une moléule de PFOA ou acide perfluorooctanoïque
Le PFOA ou ou acide perfluorooctanoïque est un composé perfluoré très répandu

Une tendance à la bioaccumulation manifeste chez l’homme

Dans le cadre de l’étude Esteban conduite en France, la présence de deux PFC, le PFOA et le PFOS, a été identifiée chez 100% des sujets testés, aussi bien adultes qu’enfants des deux sexes. Des données suggèrent que la bioaccumulation de ces composés pourrait varier selon le genre. Des expériences chez l’animal indiquent en effet que les femelles parviennent à éliminer plus facilement ces polluants de leur organisme.

L’impact négatif des polluants débute dès la gestation

Chez le fœtus, le développement des organes génitaux s’amorce dès le deuxième mois de la grossesse. Cette phase est particulièrement sensible, et toute interférence externe peut avoir des conséquences négatives sur son déroulement.

Les polluants raccourcissent la distance anogénitale

L’étude italienne a montré que les hommes exposés au PFC présentent une autre singularité : un raccourcissement de la distance qui sépare l’anus de leur sexe. L’impact de l’exposition aux produits chimiques sur cet indicateur, appelé distance anogénitale ou AGD, a été mis en évidence dès 2005. L’équipe de Shanna Swan, une spécialiste qui alerte sur les méfaits des substances chimiques sur la reproduction, a documenté l’effet des phtalates sur l’AGD. Ces composés sont présents dans la majorité des matières plastiques et dans certains produits cosmétiques.

relation entre l'exposition aux phtalates et la distance anogénitale
Les enfants les plus exposés aux phtalates présentent une distance anogénitale plus courte

La distance anogénitale a été mesurée chez des petits garçons de 2 à 36 mois. L’analyse d’un échantillon d’urine maternel prélevé avant leur naissance a permis d’évaluer leur niveau d’exposition à différents phtalates. Un lien a ainsi pu être établi entre la contamination des bébés par ces substances et un raccourcissement de la distance anogénitale, proportionnellement à leur taille. Une étude plus récente a confirmé ces données et souligné les méfaits d’une exposition précoce, lors du premier trimestre de grossesse. D’autres polluants comme la dioxine, qui émane de l’incinération des déchets, ou le bisphénol A, utilisé pour la fabrication de plastiques, ont également montré leur influence négative sur la distance anogénitale.

Une période sensible au cours du développement précoce du fœtus

Il existe une période sensible au cours du développement du fœtus pour l’acquisition des traits masculins, appelée « fenêtre de programmation de la masculinisation ».

Dès la huitième semaine de la grossesse, les testicules du fœtus commencent à produire de la testostérone, l’hormone responsable des caractères sexuels masculins. Le pic de sécrétion survient généralement entre la 11ème et la 14ème semaine de gestation.

Couverture du journal Human Reproduction

La testostérone permet un développement harmonieux des organes génitaux. La présence de polluants dans l’environnement de la maman à cette période du développement peut venir contrarier son action. Ces produits sont en effet capables de traverser la barrière protectrice formée par le placenta. Le raccourcissement de la distance anogénitale est le témoin de ces perturbations. Comme la distance anogénitale est associée à la taille du pénis, des testicules et à la qualité du sperme chez l’homme, l’exposition du fœtus aux polluants du quotidien peut avoir des conséquences durables sur l’anatomie et la physiologie masculine.

Les répercussions à l’âge adulte d’une exposition prénatale aux polluants

Observer les effets d’une exposition anténatale aux produits chimiques chez des hommes devenus adultes n’a rien d’aisé. Cela implique de recruter un groupe de femmes enceintes, d’évaluer leur niveau de contamination et de suivre ensuite leur progéniture sur plusieurs années.

Un tel projet a été mené par une équipe danoise. Les chercheurs ont collecté des données auprès de 169 jeunes hommes de 19 à 21 ans, dont l’exposition des mères aux PFOA et PFOS avait été évalué pendant la grossesse. Les participants les plus exposés in utero au PFOA présentaient une concentration plus faible en spermatozoïdes et un nombre total de spermatozoïdes réduit par rapport aux autres participants.

Une exposition à l’âge adulte affecte différents aspects de la reproduction

L’exposition à ces polluants, même en dehors de la phase critique de mise en place de l’appareil génital au cours du développement in utero, exerce une influence négative sur plusieurs aspects liés à la reproduction.

Les polluants entrainent une baisse de la qualité du sperme

Ces polluants affectent la production des hormones sexuelles chez les hommes adultes, ce qui peut altérer la production de sperme et avoir un impact négatif sur la fertilité masculine. La présence d’un taux élevé de PFOA et PFOS dans l’organisme est par exemple associée à une augmentation du nombre de spermatozoïdes présentant des anomalies morphologiques. Chez les hommes fortement contaminés, l’éjaculat héberge 6,2 millions de spermatozoïdes normaux, contre 15,5 millions chez ceux les plus faiblement exposés.

L’étude menée en Vénétie a par ailleurs mis en évidence une réduction de la motilité des spermatozoïdes. Or, le succès de la fécondation dépend de la capacité des spermatozoïdes à se mouvoir pour atteindre l’ovule. Elle requiert de l’énergie, produite au sein d’un compartiment interne de la cellule sexuelle mâle, la mitochondrie. Des expériences conduites en laboratoire par une équipe indo-américaine indiquent que l’un de ces polluants, le bisphénol A, altère le fonctionnement de ces unités productrices d’énergie. Une étude italienne a quant à elle souligné les effets délétères des PFC sur la membrane qui entoure les spermatozoïdes.

représentation 3D de spermatozoïdes

La qualité de la vie sexuelle est impactée par les polluants

Les polluants pourraient également nuire à la reproduction humaine en atténuant le désir sexuel. Une étude a été conduite en Chine auprès de 427 hommes exposés à des niveaux importants de BPA à travers leur activité professionnelle. Les analyses ont révélé qu’une quantité importante de BPA dans les urines, témoin d’un niveau élevé de contamination, est associée à une baisse de libido, des difficultés à atteindre l’érection, une plus faible force d’éjaculation et une moindre satisfaction générale de la vie sexuelle. Le manque de désir dans ces circonstances ne concerne pas uniquement les hommes. En effet, les femmes qui présentent les plus hauts niveaux de phtalates l’évoquent 2,5 fois plus fréquemment que les femmes les mieux préservées.

Les polluants interfèrent avec le système hormonal masculin

L’impact de ces composés sur la fonction reproductrice est lié à leur interférence avec le système hormonal. Il s’agit en effet de perturbateurs endocriniens, qui bouleversent la production et l’action des hormones sexuelles.

mécanismes d'action des perturbateurs endocriniens
Les perturbateurs endocriniens entravent le fonctionnement des hormones à de multiples niveaux

Les effets des polluants sur la testostérone

La testostérone, la principale hormone liée aux traits masculins, est une des cibles de ces polluants.

Un lien entre l’exposition aux polluants et une baisse de production de la testostérone

couverture du journal of clinical endocrinology & metabolism

Des anomalies dans la sécrétion de testostérone ont été mises en évidence au sein de différents groupes de la population en cas de contamination par ces composés. Une étude a été conduite auprès de professionnels travaillant dans la production de sol PVC, en contact quotidien avec les phtalates. Plus ces hommes présentaient une concentration importante de ces polluants dans leurs urines, plus leur niveau de testostérone libre était faible.

Ce phénomène n’est pas circonscrit aux expositions professionnelles. Les garçons de 6 à 12 ans dont l’organisme contient les plus fortes concentrations de phtalates présentent des niveaux de testostérone réduits de 29% par rapport aux enfants les moins exposés. Une baisse du taux de cette hormone a aussi été constatée chez les hommes de 40 à 60 ans.

Les polluants entraînent une baisse d’efficacité de l’action de la testostérone

Les perturbateurs endocriniens entravent également le fonctionnement des récepteurs aux androgènes, la famille d’hormones dont la testostérone fait partie. Ces récepteurs se trouvent à l’intérieur des cellules composant les organes sur lesquels l’hormone agit, comme les testicules. Lorsque l’hormone se lie à son récepteur, le duo gagne le noyau de la cellule. Ce dernier abrite l’ADN, et certains gènes qu’il contient vont s’activer ou être réprimés sous l’influence de l’hormone.

Les perturbateurs endocriniens peuvent perturber le déroulement de ces différentes étapes. Le BPA contrarie par exemple la liaison de la testostérone à son récepteur, limite le passage dans le noyau de l’hormone associée à son récepteur et contrarie sa capacité à moduler l’expression des gènes.

mécanisme d'action du bisphénol A sur la testostérone et son récepteur
Le bisphénol A perturbe l’interaction entre la testostérone et son récepteur au sein de la cellule

Les polluants miment les effets des œstrogènes

Ces polluants reproduisent également les effets des œstrogènes dans l’organisme. Ces hormones, présentes en petite quantité chez l’homme, sont responsables des caractères sexuels féminins. Bien que le bisphénol A ne possède pas une forte affinité pour le récepteur de ces hormones, il exerce des effets qui se rapprochent de leurs actions. Les phtalates et les composés perfluorés possèdent eux aussi une activité œstrogénique.

Ces perturbateurs endocriniens miment ainsi l’effet des hormones féminines tout en bloquant l’action des hormones masculines. Dans ces conditions, il n’est pas surprenant qu’ils représentent un danger pour la masculinité. Pour s’en préserver, une seule solution : se tenir à l’écart de ces substances.

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