Acide linoléique conjugué (CLA) : effets et dangers

Modifié le 14 décembre 2023

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L'acide linoléique conjugué, ou CLA, est associé à de nombreuses promesses, mais aussi à de sérieux dangers !

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Les acides linoléiques conjugués, matières grasses présentes dans la viande de certains animaux et les produits laitiers, sont un type de graisses censées exercer des bénéfices sur notre santé. Ils sont ainsi vendus sous forme de compléments alimentaires et consommés dans le but de perdre du poids ou d’améliorer les performances sportives. Les études évaluant leurs bénéfices chez l’Homme sont cependant souvent décevantes, et pointent même du doigt des dangers associés à ces substances.

Les CLA : des acides gras dérivés d’un oméga-6

Les acides linoléiques conjugués (CLA pour conjugated linoleic acids) sont un type de matières grasses appartenant à la famille des acides gras polyinsaturés. Ils dérivent de l’acide linoléique, un oméga-6 abondant dans les graines oléagineuses, et sont formés sous l’action d’enzyme de bactéries présentes dans la panse des ruminants. La viande de ces animaux et les produits laitiers contiennent donc naturellement des acides linoléiques conjugués.

Il en existe 28 formes dont la structure chimique varie légèrement. Les plus abondants sont :

  • le 9,11 CLA (ou CLA 9 cis, 11 trans ou acide ruménique), qui représente 85 % des CLA naturels
  • le 10,12 CLA (ou CLA 10 trans, 12 cis), qui en représente 10 %

Les apports alimentaires en CLA varient donc en fonction de notre niveau de consommation de produits d’origine animale.

Les acides linoléiques conjugués en suppléments alimentaires

Les acides linoléiques conjugués existent également sous la forme de compléments alimentaires. Ils sont produits en laboratoire à partir d’huiles riches en acide linoléique (tournesol, maïs, soja, carthame…). Ils sont généralement constitués de 40 à 45 % de 9,11 CLA et d’autant de 10,12 CLA.

Divers produits sont disponibles sur le marché : CLA 1000, Clarinol, Lipo CLA, CLA Extreme… Ils contiennent des CLA seuls ou associés à d’autres principes actifs.

Les vertus thérapeutiques potentielles des CLA

L’arrivée sur le marché de ces produits fait suite à l’engouement de la communauté scientifique qui se manifeste pour ces composés depuis plusieurs décennies. Ils ont en effet été au centre de découvertes enthousiasmantes lors d’études menées sur des cultures de cellules ou chez l’animal, qui laissaient suggérer des bénéfices thérapeutiques importants pour des pathologies variées (cancer, maladies cardiovasculaires, asthme…) ou encore pour améliorer la composition corporelle.

Les vertus potentielles des CLA sur la santé

De nombreux bienfaits pour la santé sont souvent avancés au sujet des CLA. Les données issues de la recherches incitent toutefois à considérer ces assertions avec une certaine prudence.

Les effets anti-cancer des CLA

L’intérêt de la communauté scientifique pour les CLA a débuté dans les années 1980, quand un chercheur de l’université du Wisconsin, Michael Pariza, a identifié les propriétés anticancéreuses de ces composés. 

Depuis, la majorité des études menées chez l’animal ont confirmé cet effet protecteur contre différentes formes de cancer affectant le sein, le côlon, l’estomac, la prostate ou le foie. Elles ont dévoilé une multitude de mécanismes d’action. Les CLA s’opposent à la prolifération des cellules cancéreuses, favorisent leur destruction et bloquent la formation de nouveaux vaisseaux sanguins qui alimentent les tumeurs.

Certaines données, rares cependant, ont été discordantes et ont suggéré que la supplémentation pouvait au contraire faciliter la progression de la maladie. Chez certaines souches de souris utilisées comme modèle d’étude du cancer du sein, la supplémentation en 10,12 CLA accélère la formation des tumeurs.

CLA et cancer : peu de données concluantes chez l’homme

Les propriétés anticancéreuses des CLA sont moins faciles à étudier chez l’Homme et les travaux menés à ce jour ne permettent pas d’en avoir une vision parfaitement claire.

Une étude menée dans la population finlandaise a par exemple montré que les femmes ménopausées ayant un taux sanguin élevé de CLA, grâce à une alimentation qui en est riche, présentent moins de risque de développer un cancer du sein par rapport à celles ayant de plus faibles taux.

Des chercheurs français n’ont en revanche pas retrouvé de différence de concentration en CLA dans les tissus graisseux mammaires de femmes touchées par un cancer par rapport à celles qui en sont épargnées. La quantité de CLA dans ces tissus n’a pas non plus d’influence sur le pronostic de la maladie (formation de métastases, décès).

Une seule étude a évalué les effets de la supplémentation chez des malades. Un petit groupe de 23 patientes atteintes d’un cancer du sein a reçu 7,5 g/ jour de CLA pendant les 10 jours précédant leur opération. Le traitement a abaissé le taux de S14, un composé qui régule la production des acides gras, connu pour favoriser la prolifération des cellules cancéreuses du sein.

Perdre du poids grâce aux CLA

Une autre propriété thérapeutique des CLA a attiré l’attention : ces matières grasses seraient en mesure de lutter contre le surpoids et l’obésité. Elles limiteraient notamment l’accumulation des acides gras dans les tissus graisseux en réduisant l’activité d’enzymes impliquées dans ce phénomène.

Cependant, les données provenant des études menées chez l’Homme indiquent une influence relativement faible des CLA sur l’évolution du poids.

Une analyse récente de la littérature a compilé les résultats de 13 essais cliniques menés chez des personnes en surpoids ou souffrant d’obésité, et a conclu que la supplémentation conduit à :

  • une perte de poids de 520 g
  • une baisse de l’IMC de 0,23
  • une perte de masse graisseuse de 610 g
  • une prise de masse maigre de 190 g

Les meilleurs résultats étaient obtenus chez les plus de 44 ans, pour des doses de plus de 3,4 g/jour et une durée supérieure à 12 semaines, mais l’effet reste toujours très modeste.

L’engouement des sportifs pour les CLA

Les CLA suscitent également l’intérêt chez les sportifs. Les suppléments sont supposés réduire la quantité de graisses corporelles, tout en facilitant le gain de force et le développement de la masse musculaire.

Une partie des bénéfices des CLA passerait par leur capacité à favoriser la production de testostérone, en stimulant l’activité du gène CYP17A1, impliqué dans la production des hormones stéroïdes.

Toutefois, les promesses ne semblent pas toujours tenues. Une étude menée chez des athlètes suivant un entraînement en résistance a montré l’absence de bénéfice d’une supplémentation contenant 6 g de CLA par jour pendant 28 j. Elle n’a pas eu d’influence sur la masse corporelle, la quantité de  masse maigre et grasse, la masse osseuse, la prise de force ou les indicateurs des phénomènes de dégradation musculaire (catabolisme).

Une supplémentation en CLA de 6 à 8 semaines ne semble pas non plus en mesure d’améliorer les capacités aérobie chez des jeunes hommes en bonne santé, non entraînés ou modérément entraînés.

Une étude a cependant montré un allongement du temps jusqu’à l’épuisement lors d’un test sur vélo ergométrique, dans le cadre d’une expérience menée auprès de jeunes athlètes avec une supplémentation courte et faiblement dosée (0,9 g par jour pendant 14j).

La supplémentation en CLA couplée à la prise de créatine pendant 6 mois améliore les gains de force et la composition corporelle chez des hommes de plus de 65 ans engagés dans un programme d’exercices en résistance.

En association avec la créatine, les CLA semblent bénéfiques à long terme pour les sportifs de plus de 65 ans
En association avec la créatine, les CLA semblent bénéfiques à long terme pour les sportifs de plus de 65 ans

Les effets des CLA pour la santé cardiovasculaire

Les études chez l’animal ont mis en évidence un effet protecteur des CLA, et plus particulièrement du 10,12 CLA, contre le phénomène d’athérosclérose. Ce dernier correspond à la formation de plaques à l’intérieur des vaisseaux sanguins qui favorise la survenue des accidents cardiovasculaires.

Chez l’Homme, quelques études à petites échelles ont été menées pour évaluer les éventuels bénéfices de la supplémentation en CLA dans ce cadre, avec des résultats peu concluants. Elle ne semble pas non plus en mesure de protéger contre l’hypertension artérielle.

Les effets indésirables de la supplémentation en CLA

La supplémentation en CLA est parfois mal tolérée par le système digestif et peut provoquer des nausées et diarrhées. Mais au-delà de cet inconfort transitoire, la supplémentation semble exercer des effets délétères plus préoccupants sur l’organisme.

CLA : une perte de poids au détriment de la santé métabolique ?

Une équipe suédoise a été la première à montrer l’ampleur du prix à payer pour profiter d’une perte de poids plus que modeste au moyen d’une supplémentation en CLA. L’étude a porté sur un groupe de 60 hommes en situation d’obésité, dont une partie a reçu 3,4 g par jour de 10,12 CLA pendant 12 semaines.

Non seulement ce traitement n’a pas conduit à l’amincissement escompté, mais il a de plus fait virer au rouge certains indicateurs sanguins : la résistance à l’insuline a augmenté de 19 % en moyenne et la glycémie de 4 %. En cas de résistance à l’insuline, les cellules ne parviennent plus à réagir convenablement au message envoyé par cette hormone, intimant l’ordre de prélever l’excès de sucre présent dans le sang. La glycémie augmente alors inévitablement, ce qui peut aboutir à l’installation du diabète de type 2.

De plus, la présence de l’hormone inutilisée dans le sang provoque une hyperinsulinémie qui favorise la consommation d’aliments sucrés et aggrave l’excès de poids.

La supplémentation en 10,12 CLA augmente le stress oxydatif

Une analyse complémentaire révèle que la supplémentation en 10,12 CLA a considérablement augmenté le niveau de stress oxydant, c’est-à-dire la quantité de radicaux libres dans l’organisme. Le taux d’un indicateur reflétant ce phénomène a bondi de 578 % par rapport au placebo. Le stress oxydant favorise la survenue de la résistance à l’insuline, ce qui corrobore donc les observations précédentes.

Par ailleurs, en cas de résistance à l’insuline, un composé appelé GLUT4, et permettant de transporter le glucose à l’intérieur des cellules, se raréfie. Il a été démontré dans une étude menée sur des cultures de cellules que le 10,12 CLA provoque une baisse de sa production.

La forme 9,11 CLA n’est pas sans risque

Le second isomère présent dans les suppléments est-il sans danger pour la santé métabolique ? Rien n’est moins sûr. Des chercheurs Irlandais ont montré qu’une supplémentation de 3 g par jour d’un mélange de 10,12 CLA et 9,11 CLA à part égale, administrée à des personnes présentant un diabète de type 2 stabilisé, conduit également à une augmentation du taux de sucre sanguin et à une baisse de la sensibilité à l’insuline. La supplémentation en 9,11 CLA seul augmente elle aussi le stress oxydant et la résistance à l’insuline.

Les CLA sont préjudiciables au « bon cholestérol »

Dans l’étude suédoise, un autre point défavorable a été mis en évidence : la supplémentation en 10,12 CLA a provoqué une baisse du taux de cholestérol HDL. Un taux suffisant de ce type de cholestérol est un facteur protecteur pour la santé cardiovasculaire. Là encore, d’autres études ont souligné cet effet négatif de la supplémentation, y compris chez des enfants en excès de poids supplémentés avec un mélange de 10,12 CLA et 9,11 CLA.

Une supplémentation qui pourrait altérer la qualité du lait maternel

Un effet indésirable inattendu de la supplémentation concerne les femmes allaitantes. La supplémentation en CLA pourrait avoir un effet négatif sur la composition du lait maternel, comme l’a suggéré une étude américaine conduite auprès de 9 femmes en période de lactation.

Elles ont consommé un mélange de 10,12 CLA et 11,9 CLA pendant 5 jours et un placebo à base d’huile d’olive durant la même période, avec une pause de 7 jours entre les deux. Si l’une ou l’autre des interventions n’a pas modifié la quantité de lait produite, la supplémentation en CLA a diminué la quantité de matières grasses essentielles pour le développement du nourrisson.


Références

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