Comment le PNNS rend les Français malades (partie 2)

Modifié le 14 décembre 2023

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mélange de céréales à index glycémique élevé

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Cet article est la suite de la partie 1 (cliquez ici).

Mais alors quels conseils de bon sens doit-on adopter ? Un bon moyen de le savoir serait de se tourner vers des chercheurs en nutrition dont les compétences en matière d’alimentation ne seraient plus à prouver, une unité de recherche qui ferait référence dans le milieu scientifique.

Une telle unité existe, il s’agit du département de nutrition de l’Ecole de santé publique de Harvard (Boston, Massachusetts), la plus importante unité de recherches en nutrition au monde, présidée par le professeur Walter Willett. Voici ce qu’il déclare à propos de la consommation de céréales : « Si les Américains pouvaient éliminer les boissons sucrées, les pommes de terre, le pain blanc, les pâtes, le riz blanc et les snacks sucrés, nous balaierions presque tous les problèmes que nous rencontrons avec le poids, le diabète et les autres maladies métaboliques. » Et aussi : « Nous avons des études qui suggèrent que les glucides raffinés perturbent les mécanismes de contrôle de l’appétit. Après un repas riche en glucides rapides, on se sent rassasié dans un premier temps. Le sucre sanguin s’élève, mais sous l’afflux d’insuline, il descend ensuite à un niveau trop bas, et l’on a besoin de s’alimenter à nouveau. C’est l’un des mécanismes par lesquels les glucides [à index glycémique élevé] entretiennent la faim. Il est très possible que, selon qu’on consomme des glucides [à index glycémique élevé ou bas] on favorise ou pas la prise de poids. ». Un discours reprit dans un éditorial récent publié dans la prestigieuse revue médicale BMJ, où les chercheurs expliquent que les produits céréaliers à index glycémique élevé nous font grossir et qu’ils sont une menace pour la santé (1). L’Afssa et le PNNS envisagent donc de faire maigrir la population avec des recommandations au mieux surprenantes, au pire aberrantes.

Les dessous des recommandations officielles

En consultant le dernier rapport de l’Afssa sur les glucides dans l’alimentation humaine on peut lire que le groupe de travail a auditionné lors des réunions notamment les sociétés et organismes suivants : Ferrero, Danone, Masterfoods, Nestlé, l’Institut National de la Boulangerie-Pâtisserie (INBP) ou encore le Syndicat des Industriels Fabricants de Pâtes Alimentaires de France (SIFPAF). L’INBP est une fondation reconnue d’utilité publique et est avant tout un centre de formation spécialisé dans la boulangerie, la pâtisserie et la chocolaterie-confiserie qui se vante d’avoir des contacts réguliers avec les grandes institutions du pays comme le Ministère de la santé, le Ministère de l’éducation nationale, l’INRA (Institut Nationale de la Recherche Agronomique) ou l’Afssa pour « favoriser l’accès aux connaissances scientifiques et techniques présentant un intérêt pour les entreprises artisanales. » Quant au SIFPAF il s’agit d’une organisation professionnelle qui regroupe « les industriels de la transformation de la semoule de blé dur en pâtes alimentaires sèches et couscous non préparé » et qui comprend des membres prestigieux tels que Panzani ou Lustucru. Cette organisation déclare avoir pour mission de « défendre les intérêts de cette industrie auprès des instances nationales, communautaires et internationales. » On comprend mieux l’extrême nécessité pour la santé des Français d’avoir recours à l’avis de l’INBP ou du SIFPAF en matière de conseils sur les glucides alimentaires…

Des glucides qui rendent diabétiques

Diminuer la prévalence du diabète fait partie d’un autre objectif majeur en terme de santé publique. Il en existe deux types : le diabète de type 1 (dont nous allons parler plus loin) et le diabète de type 2 (le plus fréquent). Comme toutes les maladies ou presque, le diabète de type 2 est une maladie multifactorielle, mais son mécanisme est maintenant bien établi : après avoir mangé un aliment glucidique (par exemple, du pain), notre organisme produit de l’insuline pour stocker le sucre dans nos réserves d’énergie au niveau des muscles et/ou sous forme de graisse. Si du sucre est constamment présent dans le sang alors nos cellules sont exposées à un flot constant d’insuline, tout à fait anormal. Elles se retrouvent alors un peu « dépassées par la situation » et deviennent moins sensibles à cette hormone. De fait le sucre reste plus longtemps dans le sang que d’habitude or celui-ci est toxique pour nos cellules lorsqu’il est présent en excès : un signal d’urgence est donc envoyé au pancréas pour qu’il produise encore plus d’insuline : « Vite, évacue tout ce sucre du sang ! ». À partir de là on entre dans un cercle vicieux : l’insuline est produite en quantités toujours plus importantes et les cellules deviennent de plus en plus résistantes. Au bout d’un moment notre pancréas se fatigue, il ne peut plus produire suffisamment d’insuline et les cellules sont devenues trop résistantes à son action : le taux de sucre dans le sang reste alors anormalement élevé tout au long de la journée, c’est le diabète de type-2 ; qu’on appelle aussi diabète gras car il s’accompagne presque toujours d’un surpoids (engendré par le stockage massif des glucides avec l’aide de l’insuline).

La compréhension de ce mécanisme simple permet à n’importe quel profane de voir que l’alimentation, et en particulier les glucides, joue un rôle fondamental dans l’apparition de cette maladie. Et pour cause, c’est un secret de polichinelle ! Les études qui ont démontré ce lien se comptent par dizaines ! La dernière en date a été publiée en mars 2013 dans l’American Journal of Clinical Nutrition, un prestigieux journal médical,  par des chercheurs de l’université de Californie, à Los Angeles aux États-Unis. Les chercheurs ont passé en revue toute la littérature médicale pour déterminer avec précision le lien entre la consommation de glucides et le risque de diabète de type-2. En utilisant des critères rigoureux de sélection des études, ils ont pu réunir 24 études qui avaient examiné ce lien, totalisant ainsi des données sur l’incidence du diabète sur plusieurs millions de personnes. Leur conclusion est sans appel : « Le lien entre la consommation de glucides et le risque de diabète est visible quelle que soit la dose de glucides consommée. » Puis : « Ce lien est robuste et indique de manière forte et très significative que les personnes qui consomment moins de glucides ont moins de risque de développer un diabète de type-2. » (2) Mais ce n’est pas tout ! Les chercheurs pensent aussi que plus vous consommez des aliments à index glycémique élevé comme du pain, de la purée de pommes de terre, des biscottes ou des galettes de riz, plus vous risquez de devenir diabétique rapidement (3, 4). Et pour les personnes déjà touchées par cette maladie, les aliments à IG élevé perturbent considérablement la gestion de la glycémie, ce qui augmente à terme le risque de complications : troubles de la vue, surdité, maladies cardiovasculaires, problèmes rénaux, neuropathies, etc.

Mais j’y pense : les autorités de santé ne nous conseillent-elles pas de consommer plus de féculents ? Et sans faire de distinction entre les différents IG ? Quelle conséquence pour les Français ? Le nombre de diabétiques en France est bien connu. Les derniers chiffres ont été publiés par l’institut national de veille sanitaire dans le bulletin épidémiologique hebdomadaire du 9 novembre 2010. On peut lire que la prévalence (standardisée par nombre d’habitants) était de 2,6% de Français en 2000, 3,95% en 2006 et 4,4% en 2009. Plus concrètement, il y avait 1,6 million de diabétiques en France en 2000 et 2,9 millions en 2009, sans compter tous les malades qui s’ignorent. La solution ? Consommer plus de glucides évidemment !

 Des glucides cancérigènes

Le cancer est une croissance incontrôlée de certaines cellules. Elles peuvent alors former une tumeur ou se propager dans l’organisme, c’est ce qu’on appelle les métastases. La maladie est particulièrement complexe, mais certains points sont bien établis, notamment en ce qui concerne l’influence des gènes : elle serait au maximum de 10%, les 90% restants représenteraient l’impact des facteurs environnementaux tels que le mode de vie, l’alimentation ou encore l’exposition aux polluants (5). Comme nous ne pouvons malheureusement pas contrôler tout notre environnement, notamment en ce qui concerne les nombreux polluants, pourquoi ne pas se concentrer sur ce qui est sensible à notre action ? Avoir une activité physique régulière, maintenir un poids normal, ne pas fumer et bien se nourrir sont des choses simples et peu coûteuses qui peuvent diminuer fortement notre risque de cancer. Un exemple frappant est celui du cancer du poumon : on estime que 90% de ces cancers sont provoqués par le tabagisme (6) ; ne pas fumer est donc un moyen simple (et gratuit) de s’épargner presque complètement cette maladie. Au niveau alimentaire on sait par exemple que l’abus d’alcool et une alimentation pauvre en fruits et légumes ou riche en viandes rouges (surtout charcuteries) favorisent le développement de certains cancers comme le cancer du côlon, de sein ou du pancréas. Les hormones également joueraient un rôle significatif, qu’elles soient produites naturellement par notre organisme ou amenées de manière externe (thérapie hormonale à la ménopause, pilule contraceptive (7)).
Il existe en particulier une hormone qui augmente l’activité des facteurs de croissance, stimule la croissance des cellules et qui inhibe l’apoptose (la mort programmée des cellules, un des mécanismes de protection contre le cancer) c’est l’insuline. Et quel est le meilleur moyen de stimuler la production d’insuline ? C’est de consommer des aliments riches en glucides à index glycémiques élevés avec au premier rang le blé moderne et son IG stratosphérique.
Vous n’en avez jamais entendu parler ? Ne me demandez pas pourquoi : il existe pourtant des dizaines d’études qui ont montré que plus on consomme de féculents, à la fois avec un IG élevé ou en trop grande quantité, plus on a de risques de développer un cancer du côlon (8, 9), du corps utérin (10), de la prostate (11), du rectum, du pancréas (12) (un des cancers dont le pronostic est le plus mauvais) et même du cancer du sein d’après une étude sur des femmes Françaises menée par les chercheurs de l’INSERM et de l’institut Gustave Roussy (13). Alors pourquoi ne nous explique-t-on pas comment choisir des aliments glucidiques avec un IG plus bas ? Et faut-il pousser les Français à consommer toujours plus de céréales et en particulier de blé ? La question est ouverte.

Références : (1) Willett WC ,Ludwig DS. Science souring on sugar. BMJ 2013;346:e8077.
(2) Geoffrey Livesey, Richard Taylor, Helen Livesey, Simin Liu. Is there a dose-response relation of dietary glycemic load to risk of type 2 diabetes? Meta-analysis of prospective cohort studies. Am J Clin Nutr 2013 97: 3 584-596; First published online January 30, 2013.
(3) Willett W, Manson J, Liu S. Glycemic index, glycemic load, and risk of type 2 diabetes. Am J Clin Nutr. 2002 Jul;76(1):274S-80S.
(4) Goletzke J, Herder C, Joslowski G, Bolzenius K, Remer T, Wudy SA, Roden M, Rathmann W, Buyken AE. Habitually Higher Dietary Glycemic Index During Puberty Is Prospectively Related to Increased Risk Markers of Type 2 Diabetes in Younger Adulthood. Diabetes Care. 2013 Jan 24.
(5) Anand P, Kunnumakkara AB, Sundaram C, Harikumar KB, Tharakan ST, Lai OS, Sung B, Aggarwal BB. Cancer is a preventable disease that requires major lifestyle changes. Pharm Res. 2008 Sep;25(9):2097-116.
(6) Biesalski HK, Bueno de Mesquita B, Chesson A, Chytil F, Grimble R, Hermus RJ, Köhrle J, Lotan R, Norpoth K, Pastorino U, Thurnham D. European Consensus Statement on Lung Cancer: risk factors and prevention. Lung Cancer Panel. CA Cancer J Clin. 1998 May-Jun;48(3):167-76; discussion 164-6.
(7) Oral Contraceptives and Cancer Risk. National Cancer Institute. National Institutes of Health. United States.
(8) Meyerhardt JA, Sato K, Niedzwiecki D, Ye C, Saltz LB, Mayer RJ, Mowat RB, Whittom R, Hantel A, Benson A, Wigler DS, Venook A, Fuchs CS. Dietary Glycemic Load and Cancer Recurrence and Survival in Patients with Stage III Colon Cancer: Findings From CALGB 89803. J Natl Cancer Inst. 2012 Nov 21;104(22):1702-11.
(9) Jeffrey A. Meyerhardt, Kaori Sato, Donna Niedzwiecki, Cynthia Ye, Leonard B. Saltz, Robert J. Mayer, Rex B. Mowat, Renaud Whittom, Alexander Hantel, Al Benson, Devin S. Wigler, Alan Venook, Charles S. Fuchs. Dietary Glycemic Load and Cancer Recurrence and Survival in Patients with Stage III Colon Cancer: Findings From CALGB 89803. JNCI J Natl Cancer Inst first published online November 7, 2012 doi:10.1093/jnci/djs399
(10) Gnagnarella P, Gandini S, La Vecchia C, Maisonneuve P. Glycemic index, glycemic load, and cancer risk: a meta-analysis. Am J Clin Nutr. 2008 Jun;87(6):1793-801.
(11) Drake I, Sonestedt E, Gullberg B, Ahlgren G, Bjartell A, Wallström P, Wirfält E. Dietary intakes of carbohydrates in relation to prostate cancer risk: a prospective study in the Malmo Diet and Cancer cohort. Am J Clin Nutr. 2012 Dec;96(6):1409-18.
(12) J. Hu, C. La Vecchia, L.S. Augustin, E. Negri, M. de Groh, H. Morrison, L. Mery. Canadian Cancer Registries Epidemiology Research Group. Glycemic index, glycemic load and cancer risk. Ann Oncol (2013) 24(1): 245-251.
(13) Lajous M, Boutron-Ruault MC, Fabre A, Clavel-Chapelon F, Romieu I. Carbohydrate intake, glycemic index, glycemic load, and risk of postmenopausal breast cancer in a prospective study of French women. Am J Clin Nutr. 2008 May;87(5):1384-91.

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