Comment optimiser les effets anticancer du brocoli

Modifié le 14 décembre 2023

Temps de lecture : 5 minutes
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salade de choux riche en brocolis

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Le brocoli, et les crucifères en particulier, sont reconnus pour leur nombreux bénéfices pour la santé. Parmi ceux-ci on peut noter un effet anti-inflammatoire, un apport important en vitamine B9 (une vitamine qui fait souvent défaut dans l’alimentation), un effet protecteur cardiovasculaire et, surtout, des effets anticancer bien documentés, en particulier contre les cancers de la prostate, du côlon, du sein, du rein et des ovaires (1).

Mais certains aspects du brocoli sont moins connus : tout d’abord la manière dont vous préparez le brocoli peut considérablement diminuer ses effets anticancer, voire les supprimer totalement; et il peut aussi provoquer des problèmes de santé dans certains cas. c’est ce que nous allons voir ici.

Isothiocyanates, sulforaphane : les secrets du brocoli

Les effets anticancer et anti-inflammatoires du brocoli sont attribués au sulforaphane. Mais le sulforaphane ne se trouve pas réellement dans le brocoli, c’est une molécule produite dans le légume en cas d’agression extérieure. En particulier, cette molécule est libérée quand le végétal est attaqué (bactérie, parasite). Son rôle est d’empoisonner l’envahisseur dans l’espoir de survivre. Lorsque nous mangeons ce légume, le sulforaphane est donc produit au moment où nous mâchons : c’est une forme d’agression.

Concrètement, le sulforaphane est produit sous l’action du déchiquetage qui met en contact une enzyme présente dans le brocoli, la myrosinase, avec un autre composé qu’on appelle la glucoraphanine. La glucoraphanine est une molécule de la famille des glucosinolates. On trouve des glucosinolates dans tous les légumes de la famille des crucifères, ce sont eux qui sont responsables de ce petit goût piquant (moutarde, roquette, radis, choux, raifort, etc.). Chaque glucosinolate (différent selon les légumes considérés) produit en cas d’attaque une autre molécule de la famille des isothiocyanates. Le sulforaphane est donc l’isothiocyanate retrouvé dans le brocoli mais on retrouve d’autres isothiocyanates dans les autres crucifères. par exemple, en cas de dommages faits au cresson, on va retrouver du phénethyl-isothiocyanate qui est fabriqué à partir du gluconastrutiine (un glucosinolate). Tous les isothiocyanates sont suspectées de posséder des effets anticancer.

Première conclusion de tout ceci : quand vous mangez un légume de la famille des crucifères qui “pique” en bouche, vous êtes entrain de déclencher la production de molécules bénéfiques, notamment anticancer.

Pour que tout cela soit bien clair, voici un petit tableau récapitulatif qui permet de bien visualiser tout ceci :

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Optimiser la présence et les effets du glucoraphane du brocoli

Le glucoraphane du brocoli a de nombreux bénéfices sur la santé. Si vous avez bien compris le rôle de cette molécule dans la plante, vous avez donc compris qu’un de ces effets est d’être antibactérien. L’application la plus pratique de cet effet est dans le traitement de la bactérie Helicobacter Pylori, responsable de la majorité des ulcères de l’estomac et de plus en plus résistante aux antibiotiques (de plus, sa présence augmente le risque de cancer de l’estomac). De petites études ont montré que la consommation de brocoli pouvait éradiquer cette bactérie, même sans autre traitement dans environ 60% des cas. Je recommande la consommation de brocoli deux fois par jour en conjonction avec les antibiotiques si vous êtes concerné (2, 3, 4).

Une étude sur plus de 200 malades d’un cancer de la vessie a montré que la consommation régulière de brocoli cru était associée à une nette augmentation des chances de survie au bout de 8 ans (5). Une autre étude a montré une protection de l’ADN face aux agressions extérieures telles que le tabac (6) et de nombreuses études in vitro ont montré des effets anticancer du sulforaphane.

Toutefois, pour bénéficier des effets positifs du sulforaphane, il ne suffit pas de manger du brocoli il faut aussi que le sulforaphane se forme en quantité suffisante. Or l’enzyme responsable de cette fabrication, la myrosinase possède deux propriétés importantes : elle est sensible à la chaleur et elle est soluble dans l’eau. Autrement dit, des brocoli cuits dans une casserole d’eau auront perdu la quasi-totalité de leurs capacités à produire du glucoraphane. Dans le même ordre d’idée, les brocolis surgelés sont peu intéressants car ils ont perdu la majorité de leurs enzymes à cause du processus de blanchiment (passage rapide dans de l’eau bouillante avant congélation). Des chercheurs anglais ont poussé le raisonnement en mélangeant des brocolis cuits ainsi avec des graines de moutarde en poudre. Pour rappel, les graines de moutardes appartiennent à la même famille que le brocoli et contiennent aussi la myrosinase. Résultat : la production de glucoraphane a pu avoir lieu efficacement (7).

Les autres méthodes efficaces pour maximiser la présence de sulforaphane sont : manger le brocoli cru en le mâchant bien ou le cuire à la vapeur pendant 5 minutes maximum (8). Si vous voulez faire cuire du brocoli autrement qu’à la vapeur, les chercheurs recommandent de le couper en tous petits morceaux et de laisser reposer le mélange pendant une heure à une heure et demie environ avant cuisson (9). Avec cette dernière méthode, même une cuisson au wok (dans de l’huile très chaude) permet de conserver de bons niveaux de glucoraphane.

Danger méconnu du brocoli et des crucifères

La consommation régulière de légumes de la famille des crucifères expose à un danger peu connu, celui de développement de problèmes de thyroïde. En effet, toutes les molécules de la famille des isothiocyanates ont la particularité de gêner la captation de l’iode par la glande thyroïde. or c’est l’iode qui permet la fabrication des hormones (10). Cette problématique se retrouve aussi avec d’autres molécules proches comme les glycosides cyanogènes (dans le manioc par exemple) (plus d’informations à ce sujet dans mon livre Paléo Nutrition). Toutefois, ce risque n’est toutefois significatif que dans le cas d’une alimentation trop pauvre en iode; en tant normal l’abondance de l’iode permettant d’apporter suffisamment à la thyroïde, même en présence d’isothiocyanates. Les personnes les plus vulnérables face à ce problème sont donc les personnes qui ne consomment que peu ou pas de produits de la mer. Si c’est votre cas car vous êtes végétarien ou végétalien, la prise d’un complément alimentaire est recommandé.

Références : (1) Bayat Mokhtari R, Baluch N, Homayouni TS, Morgatskaya E, Kumar S, Kazemi P, Yeger H. The role of Sulforaphane in cancer chemoprevention and health benefits: a mini-review. J Cell Commun Signal. 2017 Jul 23.

(2) Galan MV, Kishan AA, Silverman AL. Oral broccoli sprouts for the treatment of Helicobacter pylori infection: a preliminary report. Dig Dis Sci. 2004 Aug;49(7-8):1088-90.

(3) Yanaka A. Role of Sulforaphane in Protection of Gastrointestinal Tract Against H. pylori and NSAID-Induced Oxidative Stress. Curr Pharm Des. 2017;23(27):4066-4075. 

(4) Fahey JW, Haristoy X, Dolan PM, Kensler TW, Scholtus I, Stephenson KK, Talalay P, Lozniewski A. Sulforaphane inhibits extracellular, intracellular, and antibiotic-resistant strains of Helicobacter pylori and prevents benzo[a]pyrene-induced stomach tumors. Proc Natl Acad Sci U S A. 2002 May 28;99(11):7610-5.

(5) Tang L, Zirpoli GR, Guru K, Moysich KB, Zhang Y, Ambrosone CB, McCann SE. Intake of cruciferous vegetables modifies bladder cancer survival. Cancer Epidemiol Biomarkers Prev. 2010 Jul;19(7):1806-11.

(6) Riso P, Martini D, Visioli F, Martinetti A, Porrini M. Effect of broccoli intake on markers related to oxidative stress and cancer risk in healthy smokers and nonsmokers. Nutr Cancer. 2009;61(2):232-7.

(7) Ghawi SK, Methven L, Niranjan K. The potential to intensify sulforaphane formation in cooked broccoli (Brassica oleracea var. italica) using mustard seeds (Sinapis alba). Food Chem. 2013 Jun 1;138(2-3):1734-41.

(8) Sarvan I, Bouwmeester H, Dekker M, et al. Sulforaphane formation and bioaccessibility are more affected by steaming time than meal composition during in vitro digestion of broccoli. Food Chemistry, Volume 214, 1 January 2017, pages 580-586. 

(9) Wu Y, Shen Y, Wu X1,3, Zhu Y, Mupunga J, Bao W, Huang J, Mao J, Liu S, You Y. Hydrolysis before Stir-Frying Increases the Isothiocyanate Content of Broccoli. J Agric Food Chem. 2018 Feb 14;66(6):1509-1515. 

(10) Felker P, Bunch R, Leung AM. Concentrations of thiocyanate and goitrin in human plasma, their precursor concentrations in brassica vegetables, and associated potential risk for hypothyroidism. Nutr Rev. 2016 Apr;74(4):248-58.

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