Effets secondaires et dangers de la spiruline

Modifié le 19 décembre 2023

Temps de lecture : 6 minutes
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comprimés de spiruline et poudre de spiruline dans une cuillère en acier inoxydable

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La spiruline (Arthrospira platensis) est une cyanobactérie riche en nutriments, consommée de longue date dans les régions centre-africaines où elle se développe spontanément dans les lacs. Disponible en complément alimentaire pour profiter de ses bienfaits sous diverses formes, sa consommation n’est pas sans risque.

Effets indésirables

Les compléments alimentaires à base de spiruline de bonne qualité sont généralement bien tolérés en traitement à court terme. Des doses quotidiennes parfois élevées, jusqu’à près de 20g par jour pendant quelques semaines, sont utilisées dans certains contextes.

Troubles transitoires

Certains usagers rapportent toutefois des effets secondaires liés à la consommation de spiruline, le plus souvent bénins. Il peut s’agir de troubles digestifs (nausées, vomissements, diarrhées, crampes abdominales…), de fatigue, maux de tête, étourdissements, troubles du sommeil, démangeaisons voire éruptions cutanées.

Ces problèmes mineurs sont souvent passagers et cessent spontanément à l’arrêt de la complémentation. Ils peuvent être minimisés en augmentant progressivement les doses utilisées. Des événements plus sévères, attribués à la prise de spiruline, ont cependant été décrits par des équipes médicales. 

Réactions allergiques

La spiruline peut déclencher des réactions allergiques. Une manifestation de ce type a par exemple été décrite chez un jeune homme de 17 ans, avec un terrain multiallergique. Sa première prise de spiruline – un comprimé de 300g – s’est soldée par la survenue d’un angioœdème au niveau du visage et d’urticaire s’étendant sur le visage et le tronc, associée à des nausées.

Un autre adolescent a développé de l’urticaire et une crise d’asthme dans les heures qui ont suivi l’ingestion de spiruline. Dans ces deux cas, l’allergie à la spiruline a été confirmée par des tests allergologiques. L’allergène incriminé est un des pigments entrant dans la composition de la cyanobactérie, la phycocyanine C.

La prudence est donc de mise avant la première exposition à la spiruline, notamment en cas d’allergie connue aux produits de la mer.

Exacerbation d’une maladie auto-immune préexistante

La spiruline dispose de propriétés immunostimulantes, principalement attribuées à ses polysaccharides, des glucides complexes responsables d’une bonne partie de ses activités biologiques.

Si elles peuvent être bénéfiques dans certains contextes, elles représentent un risque pour les personnes atteintes d’une maladie auto-immune. Dans cette situation, le système immunitaire s’emballe et se retourne contre ses propres structures. Certains patients atteints de ce type de pathologies ont ainsi connu un épisode d’intensification de leurs symptômes avec la prise d’un supplément de spiruline.

Une personne a par exemple présenté un épisode sévère de dermatomyosite, une maladie auto-immune affectant la peau et certains muscles. Deux autres personnes, ayant pris à la fois de la spiruline et de l’échinacée, ont développé un pemphigus vulgaire, une maladie rare de la peau et des muqueuses.

Si l’on ignore la cause exacte de ce phénomène, il pourrait être lié à une augmentation de la production d’un messager inflammatoire, le TNF-α, consécutive à la prise de la spiruline.

dermatomyosite provoquant des tâches rouges sur les mains suite à la prise de spiruline
Apparition de rougeurs au niveau des articulations des mains, un des signes typiques de dermatomyosite, suite à la prise de spiruline.

Atteinte musculaire avec rhabdomyolyse

Un jeune homme de 28 ans a développé une rhabdomyolyse, une situation très sévère caractérisée par une dégradation des tissus composant les muscles squelettiques, suite à la prise de 3g de spiruline par jour pendant 1 mois. Il s’est présenté à l’hôpital pour une faiblesse et des douleurs musculaires localisées au niveau de la poitrine et des flans. Les symptômes ont progressivement disparu lorsqu’il a cessé de consommer le complément alimentaire. 

Contaminations potentielles

Si certains effets indésirables liés à la consommation de compléments alimentaires de spiruline sont provoqués par la microalgue bleue en elle-même, d’autres sont liés à la présence d’éléments étrangers. En effet, divers contaminants peuvent venir dégrader la qualité de ces produits.

Champignons, algues vertes ou bactéries

Une équipe de chercheurs espagnols et algériens a récemment examiné le contenu de dix compléments alimentaires de spiruline, chlorelle et klamath.

Ils ont identifié la présence de différents contaminants : fragments d’éléments appartenant à des champignons, microalgues de diverses espèces et bactéries. Les suppléments élaborés à partir d’algues récoltées en milieu naturel étaient plus susceptibles de comporter des éléments indésirables, témoignant de la difficulté de maîtriser les contaminations dans ces circonstances.

Photos microscopiques de micro algues et de champignons dans de la spiruline
Exemple de contamination de compléments de spiruline. (e) Fragments de microalgue Chlorococaceae. (f) Filaments et spores de champignons.

Cyanotoxines

Des espèces de cyanobactéries productrices de composés dangereux, les cyanotoxines, peuvent venir contaminer la spiruline.

Selon leur nature, elles exercent leur toxicité sur les cellules nerveuses, la peau ou le foie. Ces cyanobactéries profitent de conditions particulières – chaleur, eaux stagnantes, abondance d’éléments nutritifs – pour proliférer. L’une des espèces qui posent le plus fréquemment problème est Microcystis aeruginosa, qui produit des microcystines.

Ces composés bloquent l’action de certaines de nos enzymes, les protéines phosphatases PP1 et PP2A. Les protéines qui constituent les cellules se retrouvent ainsi dotées d’un nombre trop important de groupements chimiques phosphate et ne peuvent plus assurer leur fonction de manière optimale.

Le foie, cible privilégiée des microcystines

Les microcystines exercent principalement leur toxicité au niveau hépatique. Une exposition à de fortes doses provoque une augmentation du volume du foie, ainsi que des hémorragies au sein de l’organe.

Une quantité plus faible de microcystines, ingérée sur le long terme, génère une inflammation de ces tissus et pourrait favoriser le développement ducancer. Ces toxines n’épargnent pas le reste de l’organisme. Elles favorisent par exemple les phénomènes inflammatoires au niveau de l’intestin et altèrent le microbiote.

Des taux de microcystines dépassant parfois les seuils tolérables

Des chercheurs ont analysé 14 compléments de spiruline à la recherche d’éventuelles cyanotoxines.

Ils ont identifié la présence de microcystines dans 3 échantillons, dont la concentration allait de 0,21µg/g à 0,84µg/g. Dans l’échantillon le plus contaminé, le seuil d’apport tolérable journalier défini par l’OMS pour une personne de 60kg était dépassé. Il est fixé à 0,04 µg/kg et correspond à la quantité de microcystines qui peut être ingérée chaque jour sans conséquences notables sur la santé.

La présence d’un autre type de cyanotoxines – des dérivés d’anatoxines aux effets neurotoxiques – a été identifiée dans 3 des compléments de spiruline analysés. L’un d’eux comportait les deux types de cyanotoxines. L’existence d’une contamination à l’anatoxine avait déjà été mise en évidence dans le passé, notamment par une équipe de chercheurs italiens qui avaient analysé des compléments de spiruline vendus dans des boutiques à Rome.

De façon générale, la plupart des compléments de spiruline biologique disposent d’analyses qualité ce qui permet d’obtenir plus d’informations sur les éventuels polluants présents.

Métaux lourds

Des chercheurs polonais ont décrit le cas de deux personnes ayant développé des signes d’intoxication suite à la consommation de compléments de spiruline et de chlorelle.

Ils se présentaient sous la forme de dermatite atopique, nausées, étourdissements, maux de tête et fatigue. Pour comprendre la cause de leurs maux, des analyses des deux produits en provenance de Chine ont été réalisées. Si aucune trace de cyanotoxines n’a été décelée, ils contenaient des niveaux élevés de métaux lourds (cadmium, plomb, mercure) et d’aluminium. 

Leur présence révèle une propriété remarquable de la spiruline et plus généralement des microalgues : elles absorbent en abondance les métaux lourds contaminants leur milieu de vie. Elles les prélèvent à la fois par des mécanismes passifs et des phénomènes actifs. La spiruline est ainsi une candidate intéressante pour dépolluer les eaux contaminées.

Si l’intérêt environnemental est manifeste, cette propriété invite à sélectionner les méthodes de production les plus rigoureuses quand il s’agit de consommer la microalgue bleue.

dessin illustrant la capacité de la spiruline à absorber des polluants et xénobiotiques
Les microalgues englobent les composés toxiques de leur milieu de vie.

Hydrocarbures aromatiques polycycliques

Les compléments de spiruline contiennent parfois des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP). Ces composés indésirables proviennent d’une combustion incomplète de la matière organique et peuvent se former lors de l’étape de séchage qui suit la récolte.

Une étude menée par des équipes belges et autrichiennes a mis en évidence des taux d’HAP dépassant parfois les normes européennes dans des compléments alimentaires de spiruline. Un des critères réglementés, la somme de quatre HAP spécifiques, atteignait des valeurs comprises entre 56 et 84μg/kg dans certains lots, alors que le seuil est fixé à 50μg/kg.

Une étude menée en 2015, où ont été analysées les teneurs en HAP de près de 100 compléments alimentaires divers de plusieurs pays européens avait mis en évidence un niveau de contamination encore plus élevé dans un échantillon de spiruline, qui atteignant 275,2 50μg/kg. Parmi les 10 produits les plus contaminés identifiés par ces chercheurs, 3 étaientà base de spiruline. 

Précautions d’usage

Outre les dangers précédemment évoqués, qui concernent tout un chacun, la prise de spiruline peut poser des problèmes spécifiques à certaines parties de la population.

Dangers dans le cadre de certaines maladies

La consommation de spiruline est déconseillée en cas de phénylcétonurie. Dans le cadre de cette affection d’origine génétique, un acide aminé dont la cyanobactérie est riche, la phénylalanine, s’accumule anormalement au sein de l’organisme.

La spiruline contient par ailleurs une quantité importante d’ADN et d’ARN, transformés en acide urique dans l’organisme. La supplémentation expose donc à un risque de rechute en cas d’antécédents de crise de goutte ou de calculs rénaux

Sa richesse en fer – 28,5mg pour 100g – est problématique pour les personnes souffrant d’hémochromatose. Cette affection héréditaire provoque une absorption excessive de l’oligo-élément au niveau du tube digestif. Le surplus de fer devient néfaste pour le pancréas, le foie et les articulations.

Comme évoqué précédemment, la supplémentation est peu compatible avec les maladies auto-immunes (sclérose en plaques, lupus érythémateux, polyarthrite rhumatoïde…) et les terrains allergiques.

La spiruline ne doit pas être utilisée comme source de vitamine B12 par les végétaliens et végétariens. La forme qu’elle contient est inactive et n’apparaît pas en mesure de corriger l’anémie liée à la carence en B12.

Interactions médicamenteuses

L’administration de spiruline réduit le niveau de cytochrome P450 (sous-famille CYP1A2) produit par le foie. 

La spiruline pourrait interférer avec certains traitements médicamenteux car elle exerce un effet inhibiteur sur certaines enzymes, les cytochromes P450, impliquées dans leur métabolisme. Une étude chez l’animal montre qu’elle agit notamment sur deux d’entre eux, CYPA2 et CYPE2.

Ceux-ci participent au métabolisme de médicaments comme l’acétaminophène (le paracétamol), le chlorzoxazone (un relaxant musculaire), l’isoniazide (un antibiotique utilisé contre la tuberculose), la warfarine (un médicament anticoagulant), le vérapramil (un antagoniste du calcium), le propranolol (un bêta-bloquant) ou la lidocaïne (un anesthésique local).

Elle pourrait également de cette manière perturber l’activité de l’acénocoumoral (un anti-vitamine K), du tolbutamide (un hypoglycémiant) et du losartan (un antihypertenseur).

La spiruline semble s’opposer au mécanisme de coagulation sanguine, il est donc conseillé d’être prudent en cas de prise de médicaments anticoagulants.

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