Quelles sont les méthodes pour éliminer les pesticides de nos fruits et légumes ? 

Modifié le 19 décembre 2023

Temps de lecture : 17 minutes
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Laborantin examinant une tomate

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Les pesticides et autres produits phytosanitaires résiduels retrouvés sur et à l’intérieur des fruits et légumes pourraient poser des problèmes de santé publique. De plus en plus de personnes cherchent donc un moyen d’éliminer ces polluants. Quelles sont les méthodes d’élimination existantes et quelles sont les plus efficaces ? Cet article fait la synthèse des différentes méthodes existantes et analyse leur efficacité.

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’utilisation des produits phytosanitaires (pesticides, herbicides, insecticides…) est en constante augmentation. Plusieurs études récentes sur la santé humaine ont lié la consommation de produits contaminés par les pesticides au risque d’apparition de :

Les pesticides sont utilisés dans les champs agricoles par nos agriculteurs et dans nos jardins particuliers quand on veut se débarrasser de certains nuisibles.

Mais attention, ces molécules persistent dans l’environnement. C’est en tout cas ce qu’avancent le scientifique suédois Ian T. Cousins et son équipe. Ces derniers ont étudié le cycle de ces polluants dans l’hydrosphère. Résultat : les pesticides se retrouvent dans la pluie, l’air… Des lieux reculés dans lesquels les humains ne sont même pas installés, comme le bout du Groenland, seraient contaminés.

De plus, les analyses montrent que les eaux de boissons contiennent de plus en plus de résidus de pesticides ; on les retrouve aussi de plus en plus à la surface de nos fruits et légumes. L’OMS a donc enquêté sur le sujet et précise dans ses rapports que la contamination humaine par les pesticides se fait à 80 % par l’alimentation, 10 % par l’eau et le reste par l’air ou d’autres contacts. 

Dans cet article, nous allons passer en revue les différentes techniques de décontamination des fruits et légumes. De la plus classique, utilisée par nos grands-parents, aux dernières innovations technologiques, découvrez les techniques qui vous permettront de vous débarrasser, en partie ou totalement, des pesticides dans les fruits et légumes que vous consommez. 

Des pesticides aux propriétés différentes

Avec l’augmentation de la population humaine mondiale, la demande en fruits et légumes a explosé. Pour assurer un constant approvisionnement, les agriculteurs ont augmenté l’utilisation des pesticides. 

Il existe plusieurs familles de pesticides ; les pyréthrinoïdes, les composés organochlorés, les organophosphorés et les autres pesticides ; et l’on peut classer leurs distributions dans les aliments de 3 manières :

  1. Les pesticides non systémiques : ce sont des molécules qui vont rester à la surface des produits traités. 
  2. Les pesticides systémiques : ce sont des molécules qui vont être absorbées par la plante et vont être distribuées par la sève « à tout le système »
  3. Les pesticides translaminaires ou « pénétrants localisés » : ce sont des molécules qui vont avoir une action de surface, mais aussi pénétrer les tissus périphériques de la plante ou des fruits et légumes traités.

Une étude de 2017 menée par le chercheur Tianxi Yang du département des sciences de l’alimentation de l’université du Massachusetts (Etats-Unis) en collaboration avec un laboratoire spécialisé dans l’analyse des pesticides a démontré la pénétration des pesticides dans les tissus profonds des fruits et légumes.

Cette pénétration est d’autant plus importante pour la classe des pesticides systémiques qui peuvent contaminer la globalité du fruit ou du légume. Les pesticides non systémiques et translaminaires peuvent aussi pénétrer les fruits et légumes mais moins profondément.

Une fois que ces molécules sont assimilées par les végétaux, le phénomène est irréversible.

Comment mesure-t-on la contamination des pesticides ?

Pour déterminer si les fruits et légumes sont contaminés, on analyse les résidus de pesticides retrouvés et on les compare à la MRL. La MRL est la « Limite Maximum de Résidus » qui est légalement tolérée sur et à l’intérieur du produit lorsque les pesticides sont appliqués correctement conformément aux bonnes pratiques agricoles. Être au-dessus de cette MRL expose à des risques sérieux pour la santé.

Sauf que la MRL n’est pas une limite qui protège des effets à long terme d’une exposition aux pesticides. Elle est là pour protéger d’un risque aigu. Être en dessous n’est donc pas forcément un gage de sécurité pour la santé. 

Scientifique en blouse blanche vêtu de lunette de protection. Il tient dans sa main droite un flacon de substance verte. Dans sa main gauche, il tient un objet contenant plusieurs tubes à essai de couleur différentes (rouge, verte, transparente). Il se trouve dans une serre avec des légumes qui poussent dans la terre. Il teste les effets de différents produits.
Les molécules actives sont testées de façon individuelle sur la santé, mais rarement leurs effets cumulés ce qu’on appelle : l’effet cocktail

Une équipe d’experts français le précise : la pollution par des produits phytosanitaires pourrait avoir un effet cocktail.

C’est-à-dire que l’exposition à de faibles doses régulières pourrait avoir des effets cumulatifs et synergiques délétères sur la santé.

Cependant, peu d’études sont réalisées sur le sujet, car il est difficile d’évaluer les effets toxiques cumulés de deux ou plusieurs pesticides sur l’organisme surtout à moyen et long terme.

Il est donc très important de connaitre les méthodes et les techniques qui permettent de diminuer notre exposition aux pesticides.

Les techniques de décontamination des fruits et légumes

Une équipe de chercheurs indiens de la « Central Food Technological Research Institute » de Mysuru en Inde a réalisé une revue des techniques efficaces pour diminuer la concentration des résidus de pesticides retrouvés dans les fruits et légumes.

Il est bien entendu très difficile de tester chaque légume, chaque fruit pour toutes les molécules existantes et pour chaque technique citée ci-dessous. Néanmoins, cela donne un ordre d’idée sur l’efficacité générale des différentes méthodes. 

Les techniques modernes 

Certaines de ces technologies sont accessibles aux particuliers moyennant un investissement significatif. 

L’eau électrolysée

L’eau électrolysée ou Electrolyzed Water (EW) peut être classifiée en deux catégories :

  • Electrolyzed oxidizing water (EOW) ou eau oxydée électrolysée est obtenue en plongeant une anode dans une solution d’eau salée (NaCl) : le pH est supérieur à 11 (c’est donc très basique).
  • Electrolyzed reducing water (ERW) ou eau réduite électrolysée est obtenue en plongeant une cathode dans une solution d’eau salée (NaCl) : le pH est inférieur à 3 (c’est donc très acide).

Selon une étude réalisée par des experts chinois de l’université de Beijing, un bain d’eau électrolysée avec une concentration en NaCl de 0,1 % a permis de réduire la concentration de plusieurs pesticides.

Pour obtenir ces résultats, ils ont placé des feuilles d’épinards dans un bain d’EOW et d’ERW pendant 60 minutes et ont obtenu des résultats intéressants sur les 3 pesticides testés (Ométhoate, DDVP et Acéphate). 

Graphique représentant la diminution en résidus d’Acéphate sur des feuilles d’épinard dans un bain d’EOW et dans un bain d’ERW en fonction du temps. Une courbe bleu foncé représente l’EOW et une courbe rouge l’ERW. Les résultats montrent une diminution à 60 min quasiment égale. L’ERW agit plus rapidement. La réduction finale à 60 min est de 90 % pour l’ERW et de 85 % pour l’EOW.
Effets d’un bain d’eau électrolysée sur les résidus d’Acéphate contenus dans les épinards
Graphique représentant la diminution en résidus de DDVP sur des feuilles d’épinard dans un bain d’EOW et dans un bain d’ERW en fonction du temps. Une courbe bleu foncé représente l’EOW et une courbe rouge l’ERW. Les résultats montrent une diminution à 45 min quasiment égale. La réduction finale à 60 min est de 95 % pour l’ERW et de 70 % pour l’EOW.
Effets d’un bain d’eau électrolysée sur les résidus de DDVP contenus dans les épinards

1. Les résultats pour les résidus d’Acéphate (Insecticide systémique) montrent une diminution de 86 % pour l’ERW et de 74 % pour l’EOW après un bain de 30 min. En comparaison, pour un bain d’eau du robinet d’une durée de 1 heure, la diminution est bien plus faible et est de l’ordre de 20 %.

2. Les résultats pour les résidus de DDVP (Insecticide non systémique) montrent une diminution de 46 % pour l’ERW et de 59 % pour l’EOW après un bain de 30 min et une diminution de 95 % pour l’ERW et de 70 % après un bain de 60 min. En comparaison, pour un bain d’eau du robinet d’une durée de 1 heure, la diminution est bien plus faible et est de l’ordre de 20 %.

Graphique représentant la diminution en résidus d’Ométhoate sur des feuilles d’épinard dans un bain d’EOW et dans un bain d’ERW en fonction du temps. Une courbe bleu foncé représente l’EOW et une courbe rouge l’ERW. Les résultats montrent une diminution à 60 min quasiment égale. La réduction finale à 60 min est de 80 % pour l’ERW et de 75 % pour l’EOW.
Effets d’un bain d’eau électrolysée sur les résidus d’Ométhoate contenus dans les épinards

3. Les résultats pour les résidus d’Ométhoate (Insecticide et arachnicide non systémique) montrent une diminution de 75 % pour l’ERW et de 62 % pour l’EOW après un bain de 30 min. En comparaison, pour un bain d’eau du robinet d’une durée de 1 heure, la diminution est bien plus faible et est de l’ordre de 20 %.

Les scientifiques ont testé l’impact de ces bains sur la concentration en vitamine C des épinards : il n’y a pas eu de variation notable sur la concentration en vitamine C. Ils ont conclu que l’utilisation d’eau électrolysée est un bon moyen pour diminuer la concentration en pesticides sans impacter la qualité nutritionnelle de l’aliment. 

Plus récemment en 2018, l’université de Georgia aux États-Unis a, elle aussi, testé l’impact de l’eau électrolysée sur la réduction des résidus de pesticides. Pour cela, les scientifiques ont plongé dans un bain EOW concentré à 120 ppm pendant 15 minutes du raisin, des épinards et des haricots verts. Les résultats montrent des diminutions notables sur les résidus de 3 pesticides : le DDVP, l’Acéphate et le Cyprodinil.  

Pesticide testéProduitPourcentage de réduction
DDVPHaricots verts66,5
Raisins37,1
Épinards59,2
AcéphateHaricots verts73
Raisins49,4
Épinards85,7
Cyprodinil(Fongicide systémique)Haricots verts50
Raisins31,5
Épinards43,8
Efficacité de la décontamination de l’eau électrolysée sur le DDVP, l’Acéphate et le Cyprodinil

Les qualités organoleptiques (ici la texture et la couleur) des produits ont elles aussi été testées et les résultats ne montrent aucun impact significatif. 

L’ozone

L’ozone est un puissant oxydant qui peut aider dans la décomposition des produits organiques et polluants.

Le potentiel oxydatif de l’ozone est 1,5 fois plus fort que le chlore et 3000 fois plus fort que l’acide hypochloreux. Il est stable dans l’air, mais hautement instable dans l’eau, car il se décompose très rapidement en oxygène. Il génère des radicaux libres dans un milieu aqueux.

C’est un produit sûr qui ne laisse aucun résidu toxique dans le produit traité et dans son état gazeux a montré qu’il pouvait éliminer des pesticides, herbicides et d’autres composants chimiques.

L’ozone est utilisé de plusieurs manières pour décontaminer les aliments, il peut être utilisé de deux façons :

  • Sous forme de gaz avec deux techniques différentes où des microbulles d’ozone sont injectées dans une circulation de type eau/gaz ou dans un milieu décompressé. 
  • Sous forme d’eau ozonée.
Les propriétés de l’ozone sous forme gazeuse

Une étude japonaise du département de l’agriculture de l’université de Meiji a montré l’efficacité de l’ozone pour décontaminer la présence des résidus de Fénitrothion (Insecticide non systémique) sur 3 types de végétaux. Ils ont testé les deux méthodes et ont trouvé les résultats suivants :

Méthode utiliséeProduitsPourcentage de réduction
Microbulles d’ozone : Circulation de type eau/gazLaitue33
Tomate cerise84
Framboise62
Microbulles d’ozone : Milieu décompresséLaitue45
Tomate cerise95
Framboise87
Résultat de la décontamination des résidus de Fénitrothion par des microbulles d’ozone

Les microbulles d’ozone en milieu décompressé semblent mieux décontaminer que l’autre méthode. 

Les spécificités de l’ozone en milieu aqueux

On retrouve des résultats différents en fonction de la concentration d’ozone et du temps de bain. 

Une étude turque a mis en évidence que plus la concentration est élevée en ozone, plus la réduction du taux de pesticides est élevée pour un temps de bain équivalent.

Une étude polonaise du département de la protection des plantes de l’institut de recherche national de Chelmonskiego a montré l’efficacité d’une douche ozonée sur 16 pesticides présents sur des framboises.

L’étude montre qu’une concentration de 1 ppm d’ozone dans l’eau pour une douche d’une durée de 5 minutes peut diminuer la présence de plus de 40 % pour les pesticides suivants :

  • Alpha-cyperméthrine (Insecticide systémique)
  • Azoxystrobin (Fongicide systémique)
  • Boscalid (Fongicide systémique) 
  • Bupirimate (Fongicide systémique)
  • Chlorpyrifos (Insecticide non systémique)
  • Deltamethrin (Insecticide non systémique)
  • Fludioxonil (Fongicide systémique)
  • Iprodione (Fongicide translaminaire)
  • Pyraclostrobin (Fongicide systémique)

Cependant, la réduction était plus faible de 26 % pour le Lambda-cyhalothrine (Insecticide non systémique) et de 37 % pour la Cyprodinil.

Pour un bain d’eau ozonée avec une concentration de 10 ppm à 14 °C d’une durée de 60 minutes a pu réduire la concentration de deux pesticides sur des carottes. Cette expérience a été menée par une équipe de recherche du département du génie agricole de l’université fédérale de Viçosa en 2018. La diminution est de 96 % pour le Difénoconazole (Fongicide systémique) et de 79,8 % pour le Linuron (Herbicide systémique).

Cependant, le fort pouvoir oxydant de l’ozone à un impact sur la qualité organoleptique et nutritionnelle de certains produits en provoquant une décoloration, une perte de flaveurs (odeur et goût) ainsi qu’une oxydation de certains lipides alimentaires.

L’utilisation de l’ozone n’est donc pas une piste privilégiée.

Ultrason

L’utilisation des ultrasons dans un liquide est une méthode physique de décontamination. Les vagues d’ultrason sont produites à partir de 20 000 Hz. L’efficacité des ultrasons dépend de plusieurs facteurs comme :

  • La fréquence 
  • La puissance
  • L’amplitude des vagues
  • Le temps d’exposition 
  • Le produit traité
  • Le volume traité
  • La charge de contaminant initiale
  • La température de traitement

Peu d’études ont exploré l’utilisation des ultrasons pour décontaminer les fruits et légumes de leurs teneurs en pesticides. 

Une équipe chinoise dirigée par le professeur Liang du laboratoire de la sécurité et la qualité alimentaires de la province du Jiangsu à Nanjing (Chine) a testé l’efficacité de la décontamination de 3 pesticides organophosphorés : le Diméthoate (Insecticide et arachnicide systémique), le Trichlorfon (Insecticide non systémique) et le Fénitrothion sur des concombres. Ils ont observé une décontamination de 50 à 85 % à la surface des concombres pour un bain de 20 minutes.

L’efficacité des ultrasons pour réduire la présence des pesticides dépendrait de la nature des pesticides. Une équipe polonaise a montré que la décontamination à la surface de framboises était meilleure pour les pesticides non systémiques que systémiques.

L’étude la plus récente réalisée menée par une équipe iranienne de la « Nutrition Health Research Center » a montré que l’effet des ultrasons pour réduire la présence des pesticides était lié au temps d’exposition et à la puissance utilisée. 89 % des résidus de DDVP retrouvés dans les tomates ont été éliminés après une exposition de 30 min à la puissance de 300 W. 

Les nouvelles techniques

Il existe d’autres techniques qui ont prouvé leurs efficacités pour réduire la présence des pesticides notamment :

Cependant, ces techniques sont réservées à un usage industriel et sont compliquées ou impossibles à mettre en place pour des particuliers. 

Les traitements chimiques

Les traitements chimiques sont réalisés en immergeant complètement un produit dans une solution d’eau avec un soluté pendant un temps défini. Si certaines techniques sont réservées à un usage industriel dû à la toxicité connue de certains solutés, il est tout à fait possible et simple de réaliser ce genre de bain chimique à la maison avec des molécules naturelles.

Bain bouillonnant avec écume où se trouvent des pommes bicolores, des citrons jaunes, des poivrons rouges, des feuilles vertes de laitues et des feuilles de chou rouge.
Fruits et légumes plongés dans un bain chimique pour l’élimination des pesticides

Le chlore 

Comme l’ozone, le chlore est un puissant oxydant qui peut décontaminer les composants chimiques des produits phytosanitaires. Cependant, le chlore réagit avec les matières organiques et ses réactions créent des sous-produits chlorés qui se trouvent être plus toxiques que les résidus de pesticides.

On peut retrouver plus de 700 sous-produits plus ou moins toxiques comme la famille des trihalométhanes (le chloroforme, le bromoforme, le dibromochlorométhane et le bromodichlorométhane). 

Pour réduire la quantité de résidus de pesticides, deux méthodes avec le chlore sont efficaces :

  • L’utilisation de dioxyde de chlore : un gaz de couleur jaune-rougeâtre, de formule ClOqui a l’avantage de ne pas produire de sous-produits toxiques. Par contre, c’est un gaz prompt à exploser.
  • L’utilisation d’eau chlorée : l’ion hypochlorite (retrouvé dans l’eau de Javel) en solution à une concentration de 50 à 200 ppm est le désinfectant le plus largement utilisé dans les procédures d’hygiènes alimentaires des restaurants et des industries agroalimentaires.

L’utilisation du dioxyde de chlore a montré son efficacité dans le traitement du raisin de table et a permis la réduction de 35 à 60 % d’Azoxystrobine (Fongicide systémique), de Tébuconazole (Fongicide systémique), de Diméthomorphe (Fongicide systémique). Toutefois, les raisins ont dû être stockés pendant 27 jours avant que le taux de dioxyde de chlore devienne inférieur à la MRL.

En ce qui concerne l’utilisation de l’eau chlorée, on retrouve de nouveau nos experts polonais du département de la protection des plantes de l’institut de recherche national de Chelmonskiego. Ils ont constaté la diminution significative de résidus de plusieurs pesticides :

Pesticide testéProduitConcentration
(en ppm)
Temps de
traitement
(en min)
Pourcentage
de
réduction
Alpha-cyperméthrineCassis0,1522
Brocoli0,1538
Framboise0,1545
AzoxystrobineBrocoli0,1541
Tomate0,1540
BoscalidCassis0,1549
Brocoli0,1524
Framboise0,1536
Tomate0,1547
BupirimateCassis0,1511
Framboise0,1514
ChlorpyrifosBrocoli0,1524
Framboise0,1554
CyprodinilFramboise0,1534
Tomate0,1517
DeltaméthrineCassis0,158
Framboise0,1520
FludioxonilFramboise0,1534
Tomate0,1566
IprodioneBrocoli0,1546
Framboise0,1527
Lambda-cyhalothrineCassis0,1512
Brocoli0,156
Framboise0,1518
PyraclostrobineCassis0,1518
Brocoli0,1523
Framboise0,1526
Tomate0,1530
Mancozèbe (Fongicide systémique)Tomate102052
Tomate1002071
Les effets du chlore à différentes concentrations sur l’élimination des pesticides

Ce tableau nous montre que l’utilisation d’eau chlorée même à faible concentration avec un temps d’utilisation court est efficace pour diminuer la charge de pesticides. Il semblerait que l’efficacité de l’eau chlorée soit liée à sa concentration et son temps de traitement. De plus, les pesticides systémiques sont plus résistants à l’effet du chlore et demanderaient un temps de traitement plus long. 

Le peroxyde d’hydrogène

Le peroxyde d’hydrogène (H2O2) couramment appelé eau oxygénée est connu pour ses effets antiseptiques et hémostatiques. Il a lui aussi une forte capacité oxydante. Il ne produit pas de sous-produits toxiques.

Malheureusement à ce jour, il est complètement sous-utilisé dans les processus de décontamination. Pourtant, des bains de 20 minutes contenant une solution de peroxyde d’hydrogène à 10 ppm et 100 ppm ont montré une diminution de 48 % et de 65 % de Mancozèbe à la surface de tomate.

Le permanganate de potassium

Le permanganate de potassium (KMnO4) a un très fort pouvoir oxydant et se trouve être capable de diminuer quasi totalement la présence de pesticides. 

Une étude a utilisé une solution à 0,01 % de KMnO4 pour doucher des tomates et des concombres. Ce lavage a permis de réduire de 88 à 100 % la présence de Diméthoate et de Profénofos (Insecticide translaminaire).

Des feuilles vertes issues d’un légume baignent dans une solution violette de permanganate de potassium pour diminuer la présence des pesticides.
Bain de légume-feuille dans une solution de permanganate de potassium 

Une étude thaïlandaise réalisée par « Agricultural Science Program » de la faculté des sciences et technologies de l’université Rajabhat de Kamphaeng Phet a montré des résultats comparables sur des feuilles de chou chinois. Un bain dans une solution de KMnO4 à 0,001 % de 15 min a pu décontaminer jusqu’à 93,5 % de Carbaryl (Insecticide translaminaire) et 47,57 % de Méthomyl (Insecticide et acaricide systémique).

Cependant, c’est une substance hautement corrosive et toxique en particulier pour les yeux, la peau et le tractus respiratoire. De plus pour tout achat de permanganate de potassium, la réglementation exige de remplir un formulaire de déclaration d’usage, ce qui semble compliquer son utilisation en tant que particulier. 

L’hydroxyde de sodium

L’hydroxyde de sodium (NaHO) plus connu des particuliers sous le nom de soude caustique ou soude. C’est un produit extrêmement corrosif passé une concentration de 0,5 % qui peut bruler les tissus en les déshydratant. C’est un produit qui nécessite donc une forte vigilance lors de son utilisation. 

Deux recherches menées en 2004 et 2005 ont cherché à tester l’efficience de la soude pour diminuer les résidus de deux pesticides. Elles ont été dirigées par le professeur de chimie et de technologie M. A. Radwan du département des pesticides de l’Université égyptienne d’Alexandrie.

La soude a permis la réduction des résidus de deux pesticides sur des aubergines, des piments et des poivrons. Les résultats varient d’une réduction de 21,37 % à 92,22 % pour un bain de 0,1 % de concentration en soude pendant 1 min.

Pesticide testéProduitsPourcentage de réduction
ProfénofosPiment65,15
Poivron79,35
Aubergine92,22
Pirimiphos-méthyl (Fongicide et insecticide systémique)Piment21,37
Poivron82,77
Aubergine89,76
Réduction des résidus de Profénofos et Pirimiphos-méthyl après un bain de soude

L’acide acétique

L’acide acétique (CH3COOH) que l’on retrouve dans tous les vinaigres montre des résultats pertinents dans la diminution des taux résiduels de pesticides. Plusieurs études le montrent et leurs résultats sont synthétisés dans le tableau suivant : 

Pesticide testéProduitConcentration
(en %)
Temps de
traitement
(en min)
Pourcentage
de
réduction
CarbarylFeuilles de
chou chinois
0,11590,46
MéthomylFeuilles de
chou chinois
0,11543,40
ChlorpyrifosChou102079,80
p, p-DDT
(Insecticide et acaricide systémique)
Chou102065,8
CyperméthrineChou102074
Chlorothalonil
(Fongicide non systémique)
Chou102075
ProfénofosPiment2160,61
Poivron2185,48
Aubergine21100
Pirimiphos-méthylPiment2176,61
Poivron2195,74
Aubergine2194,58
HCBPomme de terre10Non mentionné59,70
LindanePomme de terre10Non mentionné65,3
DDTPomme de terre10Non mentionné63,4
DiméthoatePomme de terre10Non mentionné95,6
Pirimiphos-méthylPomme de terre10Non mentionné96,5
Malathion
(Insecticide et acaricide non systémique)
Pomme de terre10Non mentionné97,8
TrichlorfonConcombre 52070,7
DiméthoateConcombre 52045,6
DDVPConcombre 52098,8
FénitrothionConcombre 52053,3
ChlorpyrifosConcombre 52066,7
Effets de l’acide acétique sur la réduction des résidus de pesticides dans les fruits et légumes
Au premier plan, au centre, une bouteille en verre remplie de vinaigre de pomme jaune pâle transparent fermé par un bouchon en liège. Au deuxième plan, à gauche dans un panier en métal noir des pommes bicolores et à droite des pommes posées sur la table. Au troisième plan, un buisson.
L’acide acétique est un produit issu de la fermentation alcoolique. Il se trouve naturellement dans le vinaigre. 

L’acide acétique est efficace sur plusieurs pesticides, dont les plus persistants (DDT, Lindane…), et sur plusieurs types de légumes avec un pourcentage de réduction très important.

L’utilisation du vinaigre est une piste très intéressante car ce dernier n’est pas toxique et sa consommation peut même avoir des bienfaits sur la santé.

Attention, la teneur en acide acétique n’est pas la même pour tous les vinaigres. Plus un vinaigre est acide au goût, plus il en contient. Généralement, les vinaigres alimentaires sont concentrés entre 6 et 8 % en acide acétique. Pour les vinaigres ménagers, on peut atteindre 14 %.

Le chlorure de sodium

Le chlorure de sodium (NaCl) ou le sel de table a montré des propriétés de décontamination très intéressantes sur certains produits.

On retrouve notre étude thaïlandaise de l’université Rajabhat de Kamphaeng Phet qui a travaillé sur les feuilles de choux chinois. Pour étudier les effets du chlorure de sodium, les chercheurs ont procédé de la façon suivante : ils ont plongé les légumes dans un bain d’eau et de sel à une concentration de 0,9 % pendant 15 minutes. Résultat : les résidus de Carbaryl ont diminué de 91,18 % et les résidus de Méthomyl de 39,33 %.

Photo d’une exploitation de sel à Guérande en Loire-Atlantique. Au premier plan, un tas de sel blanc-gris sur une toile verte. Dans ce tas de sel se trouvent une petite pelle bleue et à côté un sceau vert. Au second plan, un paysage de marais salant, avec un exploitant que l’on voit de dos avec un t-shirt vert, il rejoint sa brouette pour continuer son travail. 
Le chlorure de sodium est le principal constituant du sel de table. On peut l’exploiter dans les mines de sel ou dans des marais salants.

Similairement, un lavage avec une solution d’eau concentrée à 1 % en NaCl pendant 1 min a permis de réduire les résidus de Profénofos de 75 % à 98 % sur des piments, des poivrons et des aubergines. 

Il est aussi efficace pour réduire les résidus de pesticides de la famille des organophosphorés de 50 à 75 % sur des concombres dans un bain avec une concentration en NaCl à 5 % pendant 20 minutes.

Des concentrations plus importantes (10 % de NaCl) dans un bain de 20 min ont montré une légère augmentation de l’efficacité. Les pommes de terre et les choux se sont vus enlever une bonne partie de leurs pesticides : 

  • Cyperméthrine : 73,3 %
  • Chlorpyrifos : 67,2 %
  • DDT : 65 % pour les choux et 40,1 % pour les pommes de terre
  • Chlorothalonil : 74,1 %
  • HCB : 50,6 % 
  • Lindane : 47,2 %
  • DDT : 40,1 %
  • Diméthoate : 80 % 
  • Pirimiphos-méthyl : 90,4 %
  • Malathion : 88,2 %

Le sel est un produit courant, économique et qui ne présente pas de contre-indication. C’est donc une solution intéressante.

Le bicarbonate de soude

Le champion toutes catégories confondues pourrait être le bicarbonate de soude (NaHCO3). C’est ce qu’avancent en tout cas plusieurs études.

Une étude indienne de 2014 faisant partie du « All India Network Project on Pesticide Residues » a montré qu’un bain peu concentré (0,1 % de NaHCO3 soit 4 g de NaHCO3 pour 4L d’eau) a montré des résultats en 10 minutes sur la réduction de pesticides sur des aubergines :

  • De 25,4 % en Diméthoate
  • De 21,5 % en Chlorpyrifos
  • De 34 % en Quinalphos (Fongicide systémique)
  • De 29,8 % en Profénofos
  • De 33,6 % en Phosalone (Acaricide et insecticide non systémique)
  • De 30,4 % en Lambda-cyhalothrine
  • De 61,3 % en Malathion

Une autre étude indienne, menée la même année par Vidisha Tomer, professeur du département de l’alimentation et de la nutrition à l’université d’agriculture de Punjab, a montré une diminution bien plus importante quand la concentration en NaHCO3 passe à 5 %. La présence de résidus en Cyperméthrine sur des légumes incontournables de la cuisine indienne : l’okra ou gombo a diminué alors de 89,53 % après un bain de 30 minutes.

L’étude du professeur Liang a comparé l’efficacité de ces traitements domestiques aux traitements à l’aide de la technologie des ultrasons. L’étude a conclu que le bicarbonate de soude était plus efficace. Plonger des concombres dans un bain concentré à 5 % en NaHCO3 pendant 20 minutes a permis une diminution significative de plusieurs pesticides  :

  • Trichlorfon baisse de 85,4 %
  • Diméthoate baisse de 76,1 % 
  • Dichlorvos baisse de 98,8 %
  • Fénitrothion baisse de 66,7 %
  • Chlorpyrifos baisse de 85,2 %

La concentration optimale en bicarbonate pour réduire un maximum la contamination aux pesticides serait de 10 mg/ml soit 10 g/l selon une équipe sino-américaine de l’université du Massachusetts.

Un bain de cette concentration appliqué à des pommes pendant 15 minutes a permis de réduire les résidus de Thiabendazole (Fongicide systémique) de 80 % et les résidus de Phosmet (Insecticide non systémique) de 95,6 %. 

Le bicarbonate de soude est un produit très économique que l’on peut retrouver dans toutes les grandes surfaces. Il ne produit pas de sous-produit toxique. C’est donc une excellente solution.

Les techniques domestiques

Le lavage à l’eau du robinet

Le lavage des pommes de terre à l’eau du robinet n’a quasiment pas d’impact sur l’élimination des pesticides et permet seulement de réduire leur concentration de 11 à 23 %.

Une équipe de recherche américaine de l’institut de technologie de l’Illinois a montré qu’une douche de 1 minute a permis de réduire plus efficacement la présence de pesticides sur certains fruits :

ProduitsPesticide testéPourcentage de réduction
Pomme rougeThiabendazole43,14
Diphénylamine
(Fongicide)
88,80
Pomme FujiThiabendazole50,97
Diphénylamine
(Fongicide)
46,90
Pyriméthanil
(Fongicide Translaminaire)
40,36
OrangeThiabendazole78,05
Imazalil
(Fongicide systémique)
64,71
CitronImazalil41,68
PêcheFludioxonil
(Fongicide non systémique)
71,63
Efficacité d’une douche par l’eau du robinet sur certains pesticides

On peut remarquer que la douche est peu efficace, car en fonction du type de fruit et du pesticide utilisé, l’efficacité peut varier du simple au double.

Femme avec un pull en laine rouge à gauche de l'image se trouve dans sa cuisine et lave un poivron de couleur jaune à l'au du robinet. la crédence de la cuisine est en bois ainsi que le plan de travail. L'évier est en inox.
Le lavage des fruits et légumes n’est pas efficace sur tous les types de pesticides

Une étude plus récente réalisée en 2018 par une équipe de recherche chilienne a montré qu’en réalité l’eau a beaucoup plus d’effets sur les pesticides quand ces derniers sont hydrosolubles.

Pour les pesticides qui ne sont pas hydrosolubles, la réduction est de l’ordre de 22,9 ±4,5 %. L’action de l’eau est en réalité dépendante des propriétés physico-chimiques des pesticides.

L’épluchage

L’épluchage consiste à enlever la peau des fruits et légumes. L’efficacité de l’épluchage, comme le lavage à l’eau du robinet, dépend grandement des propriétés des pesticides considérés.

Plus le pesticide va avoir des propriétés lipophiles, moins il va pouvoir passer la couche cireuse du fruit ou du légume et moins il va pouvoir pénétrer la peau et les tissus. L’épluchage va donc être très efficace sur ce genre de pesticides comme le montre une étude espagnole réalisée en 2004. Elle met en évidence une réduction de 92 % de Fénitrothion sur des kakis.

Les pesticides lipotropes ont la capacité de se fixer dans les cellules graisseuses des plantes comme les pesticides de la famille des composés organochlorés et des organophosphorés. Ils vont se concentrer dans la couche cireuse et l’épiderme du fruit ou du légume. L’épluchage va donc avoir un impact significatif sur la réduction des pesticides.

La plupart des pesticides sont capables de pénétrer l’épiderme de la plante, c’est le cas des pesticides systémiques. L’épluchage a donc un effet limité et ne réduit pas énormément les résidus de ces pesticides.

Le blanchiment

Le blanchiment des légumes ou des fruits est une technique de culinaire qui consiste à soumettre des végétaux à une haute température pendant quelques minutes avant d’arrêter la cuisson brusquement dans un bain froid.

Cela va permettre de fixer les couleurs (chlorophylles, phénols…), de détruire les peroxydases et les polyphénols-oxydases à l’origine du brunissement enzymatique, et donc de limiter les pertes en vitamine C.

Le blanchiment va permettre aussi de « ramollir » les végétaux, cela facilite la digestion des fruits, légumes et légumineuses. Il peut atténuer le goût de certains légumes et notamment l’amertume, l’âcreté et l’acidité. En contrepartie, on observe une légère fuite de vitamines hydrosolubles (les vitamines du groupe B et C). 

Les travaux menés par le professeur Radwan, et déjà mentionnés plus haut, ont montré que le blanchissement pouvait réduire de 98,06 % à 100 % la présence de Profénofos et de Pirimiphos-méthyl sur des aubergines et des poivrons. 

Cependant, le professeur Soliman et son équipe montrent une réduction sur des pommes de terre beaucoup moins significatives avec une réduction due :

  • HCB de 28,3 % 
  • Lindane de 22,9 %
  • DDT de 26 %
  • Diméthoate de 47,3 %
  • Pirimiphos-méthyl de 46,3 %
  • Malathion de 45,9 %

L’impact du blanchiment est donc corrélé à la nature du pesticide, mais aussi aux légumes ou fruits qui subit ce traitement. 

Les solutions à mettre en place à la maison

Toutes les méthodes exposées ont des avantages et des inconvénients, car chaque pesticide possède des propriétés uniques. De plus, chaque légume ou fruit va absorber ou retenir plus ou moins chaque pesticide. 

Pour obtenir une réduction optimum des résidus de pesticides, le mieux serait de croiser les méthodes. En effet, si l’on applique différents traitements, on multiplie d’autant la réduction des pesticides.

Après l’achat de vos fruits et légumes, il est conseillé de les laver à l’eau du robinet pendant 1 minutes puis de les plonger dans un bain avec du bicarbonate de soude. La solution doit contenir 10 g de bicarbonate par litre d’eau et le bain doit durer au moins 15 minutes. Certaines études précisent que l’eau pour effectuer ces traitements doit être tiède, comprise entre 20 et 30 °C, ce qui rendrait l’action chimique plus efficace que dans une eau froide (entre 5 et 10 °C).

Vous pouvez, en plus ou à la place du bain de bicarbonate, utiliser un bain avec du vinaigre ménager. Pour obtenir un bain efficace contre les pesticides, on va chercher à obtenir un bain concentré à 2 % d’acide acétique environ dans une eau ayant une température autour de 20 à 25 °C. Ensuite, pour chaque litre d’eau utilisé, vous devez ajouter 180 ml de vinaigre ménager à 14 % en acide acétique. Plongé ainsi vos fruits et légumes pendant 5 à 10 minutes pour une diminution des pesticides optimales. 

Si vous devez les conserver, n’hésitez pas à effectuer en plus un blanchiment avant de les mettre au réfrigérateur ou congélateur. 

femme asiatique avec un bandeau rouge et des lunette vêtue d'un t-shirt blanc et dans tablier de travail orangé tient un tableau noir où est écrit : "100% Organic". Elle se trouve dans une serre ou pousse des arbres et des plantes, il y a aussi des agrumes qui poussent.
Les produits issus de l’agriculture biologique sont une solution très pertinence pour limiter sa consommation alimentaire de pesticides.

Enfin, même si les végétaux issus de l’agriculture biologique peuvent aussi être contaminés par des pesticides, ils en contiennent toujours beaucoup moins. Choisir ce type d’aliment semble donc être le plus simple, lorsque le budget le permet.


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