Qu’est-ce que le diabète gestationnel ?
La survenue de diabète est l’une des complications les plus courantes de la grossesse. Le diabète gestationnel, s’il n’est que transitoire, peut entraver son bon déroulement et avoir de graves conséquences sur la santé de la mère et de l’enfant. Et pas seulement sur le court terme, d’où la nécessité de s’en préserver ou, le cas échéant, de le prendre en charge efficacement.
Une forme de diabète spécifique à la femme enceinte
Le diabète gestationnel correspond à la survenue d’une intolérance au glucose, le sucre simple qui fournit de l’énergie à notre organisme, se manifestant pour la première fois au cours de la grossesse. Il se traduit par une glycémie (le taux de glucose présent dans le sang) anormalement élevée, à jeun ou après les repas.
Le diabète gestationnel survient le plus souvent à la fin du second trimestre et disparaît rapidement après la naissance. En France, 6,4 % des femmes enceintes seraient concernées par cette affection.
Les facteurs de risque du diabète gestationnel
Toutes les futures mamans ne sont pas exposées au même risque de développer un diabète gestationnel. Les éléments favorisant sa survenue sont :
- le surpoids et l’obésité, ainsi que les variations de poids entre les grossesses
- la présence de cas de diabète dans la famille
- un âge supérieur à 25 ans
- l’appartenance à certains groupes ethniques
- des antécédents de fausse couche, de mort du fœtus in utero et de diabète gestationnel
Les femmes souffrant de troubles de l’ovulation, dans le cadre d’un syndrome des ovaires polykystiques par exemple, présentent également un risque accru de développer un diabète gestationnel.
Les polluants environnementaux augmentent le risque de diabète gestationnel
Certains facteurs externes s’ajoutent au risque de développer un diabète gestionnel. L’exposition à des polluants présents dans notre environnement semble ainsi favoriser sa survenue. Les perturbateurs endocriniens, connus pour interférer avec notre système hormonal, contrarient également la manière dont notre organisme utilise le glucose.
Une équipe américaine a par exemple établi un lien entre les concentrations urinaires en certains parabènes (le butylparabène et le propylparabène) et le taux de glucose sanguin durant le premier trimestre de grossesse chez des femmes à risque élevé de diabète gestationnel.
Les bisphénols AF et S pourraient également être des facteurs de risque de diabète gestationnel, ainsi que les phtalates ou l’arsenic, un polluant retrouvé dans l’eau, le riz ou les produits de la mer.
Le dépistage du diabète gestationnel
Le suivi classique des femmes enceintes intègre la surveillance du diabète. Au cours du premier trimestre, une analyse sanguine permet de déterminer la glycémie à jeun, qui ne doit pas dépasser 0,92 g/L. Cet examen peut ainsi déceler l’existence d’un diabète de type 2 qui n’aurait pas été détecté préalablement.
Le diabète gestationnel est dépisté entre la 24ème et la 28ème semaine d’aménorrhée, avec un test d’hyperglycémie provoquée par voie orale. Il consiste à absorber 75 g de glucose ; une mesure du taux de sucre sanguin est réalisée avant l’ingestion, puis une et deux heures après. Il permet de voir comment l’organisme maternel réagit à cette dose élevée de sucre, et d’évaluer le fonctionnement des mécanismes de régulation de la glycémie.
Résistance à l’insuline et diabète gestationnel
Lors de la grossesse, l’organisme maternel devient progressivement moins sensible à l’insuline, une hormone sécrétée par le pancréas. Cette dernière régule le taux de sucre dans le sang en permettant l’entrée du glucose dans les cellules, où il sera consommé ou stocké.
Les tissus composant le foie, les muscles ou les réserves de graisse ne répondent alors plus à des concentrations sanguines d’insuline pourtant dans la norme. La résistance à l’insuline est à son apogée au cours du dernier trimestre, où elle réduite de moitié par rapport à la normale.
Les hormones produites par le placenta sont à l’origine de la résistance à l’insuline
Ce phénomène résulte de l’effet des hormones sécrétées par le placenta. Les œstrogènes, la progestérone mais également des hormones spécifiques de la grossesse, comme l’hormone lactogène placentaire et l’hormone de croissance placentaire, sont responsables de la perte de sensibilité de la future à maman à l’insuline.
Réserver le glucose au fœtus en limitant son usage par la mère
L’objectif de cette adaptation est simple : inciter l’organisme maternel à tirer de l’énergie des matières grasses plutôt que des glucides, pour réserver le glucose qui en est issu au bébé. Le fœtus en tire partie pour obtenir l’énergie nécessaire à son développement. Au cours du troisième trimestre de grossesse, pas moins de 150 g de glucose sont utilisés chaque jour par le placenta et le fœtus.

Le diabète gestationnel survient quand le pancréas est dépassé
Ce phénomène correspond donc à une adaptation de l’organisme à la situation si particulière qu’est la grossesse. La perte de sensibilité de l’organisme maternel à l’insuline augmente la quantité de sucre dans le sang. Le pancréas va alors produire une plus grande quantité d’insuline pour lui permettre de retrouver un seuil normal. Mais chez certaines femmes, il n’y parvient pas et la glycémie s’envole : c’est là qu’apparait le diabète gestationnel.
Les risques associés au diabète gestationnel
Le diabète gestationnel a des conséquences négatives sur le déroulement de la grossesse et peut impacter la santé de la mère et de l’enfant, parfois sur le long terme.
Hypertension artérielle et pré-éclampsie
Les femmes atteintes de diabète gestationnel présentent un risque plus élevé de développer une hypertension artérielle en cours de grossesse et de développer une pré-éclampsie.
Cette situation pathologique associe une tension artérielle élevée et la présence de protéines dans les urines. Sans prise en charge adéquate, elle menace la survie de la mère et de l’enfant.
Le taux de sucre sanguin est en lien direct avec le risque de pré-éclampsie chez les femmes atteintes de diabète gestationnel. Une étude a montré que lorsqu’il se situe, à jeun, en dessous de 105 mg/dL, le taux de pré-éclampsie est de 7,8 %. La proportion passe à 13,8 % quand il est supérieur à ce seuil.
Accouchement prématuré et césarienne
Le diabète gestationnel augmente également le risque de rupture prématurée des membranes, entraînant la perte du liquide amniotique dans lequel baigne le fœtus. Elle est considérée comme prématurée lorsqu’elle survient avant 37 semaines.
Le lien entre diabète gestationnel et naissance prématurée n’est toutefois pas clairement établi. Une étude indique un risque plus important chez les femmes atteintes de diabète gestationnel par rapport à celles qui en sont épargnées, une autre un risque équivalent. Dans ces deux études cependant, un lien entre des niveaux excessifs de glucose sanguin et le risque d’accouchement prématuré a été établi. Les femmes atteintes de diabète gestationnel accouchent par ailleurs plus souvent par césarienne.
Des bébés trop gros à la naissance
Du côté du bébé, la principale complication du diabète gestationnel est la macrosomie, c’est-à-dire un poids de naissance du bébé supérieur à 4 kg. La naissance d’un gros bébé est toujours plus délicate, car elle favorise la survenue de certains incidents lors de l’accouchement. L’un des plus redoutés est la dystocie des épaules. Dans cette situation extrêmement délicate à gérer, alors que la tête du bébé est déjà sortie, ses épaules font obstacle à son passage.
Après leur naissance, les bébés peuvent présenter des épisodes d’hypoglycémie, en raison d’une sécrétion accrue d’insuline dans leur organisme. Ils développent plus fréquemment une jaunisse que les autres bébés, ainsi que des difficultés respiratoires.
Le diabète gestationnel représente un risque pour la santé de la mère et de l’enfant à long terme
Au-delà des complications survenant en période périnatale, le diabète gestationnel peut avoir des conséquences à long terme sur la santé de la mère et de l’enfant.
Les femmes ayant présenté un diabète gestationnel ont un risque accru (de 35 à 60 %) de développer un diabète de type 2 pendant les 10 à 20 ans qui suivent leur grossesse. Elles sont également plus exposées aux maladies cardiovasculaires, en particulier dans le cas d’antécédents familiaux de diabète de type 2.
Une étude menée auprès d’enfants de 4 à 9 ans nés de mère ayant présenté un diabète gestationnel a montré que ces derniers présentent un risque d’obésité et d’anomalies métaboliques plus important. Une tension artérielle plus élevée que la moyenne a aussi été mise en évidence chez ces enfants. Il semble également que cette situation favorise la survenue du trouble de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH).
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