Fibres solubles ou insolubles : quelles différences ?

Modifié le 28 mars 2024

Temps de lecture : 7 minutes
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bol en bois rempli de flocons d'avoine riches en fibres solubles et insolubles

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Les fibres existent sous différentes formes dans les aliments d’origine végétale que nous consommons. Selon leurs caractéristiques, notamment leur solubilité, elles exercent des bienfaits spécifiques et complémentaires pour notre santé.

Deux grandes catégories de fibres alimentaires

Les fibres alimentaires sont des constituants des céréales, fruits et légumes qui ne peuvent pas être assimilés par notre système digestif. Nous ne disposons en effet pas des enzymes nécessaires à leur dégradation. 

Elles appartiennent au groupe des glucides et sont constituées d’un assemblage de sucres plus ou moins complexes. Seule l’une d’entre elles, la lignine, fait exception : il s’agit d’un composé polyphénolique.

Les fibres se déclinent en une multitude de composés, dont les propriétés physico-chimiques et biologiques varient. Selon leur capacité à se dissoudre dans l’eau, on distingue deux grandes familles : les fibres solubles et les fibres insolubles.

Les fibres solubles : de la pectine aux gommes en passant par les oligosaccharides

Les fibres solubles sont par définition en mesure de se dissoudre dans l’eau. On retrouve dans ce groupes plusieurs catégories :

  • la pectine, un composant de la paroi des cellules végétales ;
  • les gommes, également produites en cas d’agression par les plantes, et présentes dans les graines de légumineuses (gommes de guar ou de caroube). Les carraghénanes et alginates extraits d’algues, les mucilages comme le karaya appartiennent aussi à cette catégorie ;
  • une partie des hémicelluloses (arabinoxylanes, xyloglucanes) ;
  • les oligosaccharides (FOS et GOS) ;
  • l’amidon résistant. 
Les légumineuses sont une source de fibres solubles et insolubles.

Dans notre alimentation, les céréales comme l’avoine et l’orge et dans les graines (noix, légumineuses) comportent de bonnes portions de ces fibres solubles. Certains fruits et légumes comme les carottes, les courgettes, les patates douces, l’avocat, les oranges, les pommes et les poires en sont également riches. La pectine se concentre dans la peau de ces dernières. Le psyllium, vendu sous forme de complément alimentaire, est un concentré de fibres solubles.

Les fibres insolubles : cellulose, hémicellulose et lignine

Les fibres insolubles restent quant à elles intactes lorsqu’elles entrent en contact avec de l’eau. Dans cette catégorie se trouvent :

  • la cellulose, le principal constituant des parois cellulaires végétales ;
  • les hémicelluloses ;
  • la lignine. 

Elles sont présentes dans le son de blé, les légumes et les céréales complètes. Dans la plupart des cas, les aliments végétaux contiennent les deux types de fibres, mais dans des proportions variables. Il est parfois judicieux de privilégier ceux où l’un de ces deux types de fibres prédomine et de soigneusement éviter les autres.

Les effets contrastés des fibres sur le transit intestinal

Les fibres solubles et insolubles ne se comportent pas de la même manière au sein de notre système digestif. Elles exercent une influence spécifique sur le transit intestinal et peuvent soulager ou aggraver les symptômes de certaines affections intestinales.

Schéma représentant l'échelle de Bristol utilisée pour définir les troubles fonctionnelles de l'intestin.
Type 1 : image de selle en boule dures et morcelées en billes d'évacuation difficile.
Type 2: selles dures, moulées en saucisse et bosselées
Type 3: selles dures moulées à surface craquelée
Type 4: selles molles mais moulées
Type 5: selles molles morcelées à bords nets et d'évacuation facile
Type 6: selles molles morcelées
Type 7: selles totalement liquides
Echelle de Bristol utilisé pour évaluer les troubles fonctionnelles intestinaux.
Type 1 et 2 : constipation. Type 6 et 7 : diarrhée.

Les bienfaits des fibres solubles

Au niveau du tube digestif, les fibres solubles attirent l’eau et l’absorbent, formant un gel visqueux. Elles ont tendance à retarder la vidange gastrique, ce moment où l’estomac se vide de son contenu.

Calmer la diarrhée en cas d’infection intestinale

L’effet ralentisseur du transit intestinal exercé par les fibres solubles peut contribuer à atténuer la diarrhée. Chez des enfants souffrant d’une infection intestinale, la consommation de pectine et de bananes vertes, un aliment riche en fibres solubles, réduit l’intensité des symptômes. La pectine apparaît en mesure de freiner le développement des bactéries pathogènes à l’origine de ces maladies comme ShigellaSalmonellaKlebsiellaEnterobacterProteus et Citrobacter.

Soulager le syndrome de l’intestin irritable

Les fibres solubles sont également les alliées des personnes qui souffrent du syndrome de l’intestin irritable. Ce trouble, qui affecte environ une personne sur dix, associe des désordres du transit intestinal à des douleurs abdominales. Les résultats de l’analyse de 14 essais cliniques menés auprès de 906 personnes dans cette situation ont montré que la consommation de fibres solubles peut en calmer les symptômes.

Toutes ne sont cependant pas équivalentes : les fibres solubles constituées d’une courte chaîne de sucres comme les oligosaccharides entraînent une production importante de gaz dans l’intestin, à l’origine de douleurs et d’un inconfort digestif. Ce sont en effet des FODMAP, ces sucres fermentescibles mal tolérés par les malades quand ils sont consommés en grande quantité.

Les fibres solubles composées d’une longue chaîne de sucres comme celles issues du psyllium sont dégradées plus lentement et sont bien mieux tolérées en cas de syndrome de l’intestin irritable. Il convient en outre d’éviter les fibres insolubles des sons, qui en exacerbent les signes.

L’effet laxatif des fibres insolubles

Les fibres insolubles agissent comme des éponges qui retiennent l’eau et augmentent le volume des selles. Par une action mécanique, elles stimulent les contractions de l’intestin et facilitent leur progression le long de l’intestin. En étudiant les données de la littérature scientifique, des chercheurs néerlandais ont pu déterminer que chez les personnes présentant un temps de transit long, de plus de 48h, chaque gramme de fibres insolubles consommé le réduit d’environ 45 min.

Un faible niveau d’apports en fibres insolubles, en cellulose notamment, peut ainsi favoriser l’installation de constipation chronique.

La constipation soulagée au prix d’un inconfort intestinal

Diagramme en bâton sur l'incidence du pain de seigle sur le temps de transit intestinal.
La consommation de pain de seigle accélère le transit intestinal.

Un essai clinique mené auprès de 59 femmes a montré que les fibres insolubles sont en mesure de combattre la constipation. Une partie de ces volontaires a consommé du pain de seigle pendant 3 semaines. Le temps de transit a été raccourci, la fréquence d’émission des selles augmentée, tandis que leur consistance s’est améliorée. En revanche, le pain de seigle a provoqué des symptômes abdominaux (douleurs, flatulences, ballonnement, borborygmes…) qui ont été atténués avec la consommation conjointe de yaourt contenant des lactobacilles.

La constipation chronique représente un facteur de risque des maladies diverticulaires, caractérisées par la formation de poches au niveau de la paroi intestinale qui peuvent devenir le siège d’une inflammation ou d’une infection. Les apports en fibres insolubles exercent un effet protecteur contre leur survenue.

Un degré de fermentation variable

Comme les fibres ne sont pas digérées et assimilées par l’intestin grêle, elles atteignent le gros intestin sous forme intacte. Il héberge une multitude de microbes, des bactéries notamment, indispensables à notre équilibre. Elles exploitent certaines de ces fibres par fermentation pour en tirer les ressources nécessaires à leur développement. Les fibres solubles sont le substrat préférentiel du microbiote intestinal.

Une action prébiotique

Les fibres solubles sont facilement fermentées, à la différence des fibres insolubles qui sont en grande partie évacuées du corps sous forme inchangée. Les fibres solubles jouent le rôle de prébiotiques nourriciers, dont Joanne Slavin, du département Science des aliments et nutrition de l’université du Minnesota précise la nature :

« À ce jour, l’ensemble des prébiotiques connus ou suspectés sont des composés glucidiques, principalement des oligosaccharides, connus pour résister à la digestion dans l’intestin grêle humain et qui atteignent le côlon où ils sont fermentés par la microflore intestinale ».

Joanne Slavin

Les fibres solubles prébiotiques promeuvent la croissance des bactéries bénéfiques comme les lactobacilles et les bifidobactéries. Leur administration chez des personnes âgées exerce des effets bénéfiques sur l’immunité et apaise également les phénomènes inflammatoires. Les prébiotiques pourraient ainsi être des composés clefs pour le maintien de la santé cardiovasculaire par la production de Triméthylamine N-oxyde (TMAO) et d’acide gras à chaine courte.

Schéma décrivant l'apport bénéfique de prébiotiques sur les maladies cardiovasculaires.
En haut du schéma, apport de prébiotiques qui entre dans le système digestif.
3 voies d'améliorations se dessinent : l'augmentation des bactéries bénéfiques de types lactobacillus et bifidobactérium, l'augmentation des acides gras à chaine courte et des triméthylamine N-oxyde et la diminution du ratio firmicutes / bactéroidetes. Ces 3 voies provoquent la diminution du pH intestinal et des bactéries pathogènes, la diminution de l'activité de l'enzyme histone déacétylase et une augmentation de l'intégrité de l'épithélium stomacal influençant de façon positive la capacité anti-inflammatoire. Ces 3 voies d'amélioration affectent de façon bénéfique la CRP, un marqueur de l'inflammation et diminuent le Ldl- cholestérol et le total cholestérol. L'incidence des maladies cardiovasculaires est impacté de façon bénéfique.
Les prébiotiques réduisent le risque cardiovasculaire par plusieurs mécanismes.

Production d’acides gras à chaine courte

La fermentation des fibres au niveau du côlon permet de produire des acides gras à chaîne courte, l’acétate, le proprionate et le butyrate. Ces composés exercent de nombreux bénéfices pour notre santé, notamment sur le plan intestinal et métabolique. Ils stimulent par exemple la formation de deux hormones de la satiété, le GLP-1 (glucagon-like peptide 1) et le peptide YY. Ceci pourrait contribuer aux effets bénéfiques des fibres sur la composition corporelle, dont les apports sont inversement corrélés au poids.

Une étude conduite auprès de 252 femmes d’âge moyen sur 20 mois a montré que pour toute augmentation des apports en fibres de 1g, le poids baisse de 0,25kg et la quantité de graisses de l’organisme de 0,25%.

Les effets complémentaires des fibres contre le cancer colorectal

La consommation de fibres apparaît comme un moyen de se prémunir du cancer colorectal. Les données issues de l’étude européenne EPIC ont par exemple révélé une réduction du risque de développer la maladie de 13% par tranche d’apports de 10g de fibres au quotidien. Les bénéfices semblent conférés par chacun des deux types de fibres, qui œuvrent de concert pour assurer cette protection.

Effets des fibres insolubles

Les fibres insolubles réduisent tout d’abord le risque de cancer colorectal en luttant contre la constipation qui, dans ses formes sévères, pourrait promouvoir l’apparition de la maladie chez les femmes. Par ailleurs, les fibres insolubles se lient avec les composés toxiques présents dans l’intestin et en facilitent l’élimination. Comme elles accélèrent le transit intestinal, elles réduisent leur temps de contact avec la muqueuse de l’intestin, limitant leurs méfaits. Une étude menée en laboratoire a montré que la cellulose parvient à capter très efficacement les produits cancérigènes hydrophobes comme le benzo[a]pyrène, un hydrocarbure aromatique polycyclique présent par exemple dans la fumée de cigarette ou les gaz d’échappement des voitures.

La cellulose piège également les acides biliaires, les constituants majeurs de la bile qui jouent un rôle dans la survenue du cancer colorectal. Elle favorise de cette manière leur transformation en formes inactives peu toxiques. Les apports en fibres, notamment en cellulose et lignine, sont également protecteurs contre le cancer de l’estomac. La lignine possède une activité antioxydante qui pourrait contribuer à ses effets bénéfiques contre le cancer.

Effet des fibres solubles

Les fibres ont tendance à ralentir la digestion des glucides ingérés au cours du repas. Une supplémentation en fibres solubles chez des personnes diabétiques pendant deux mois conduit par exemple à une meilleure gestion de la glycémie, la quantité de sucres dans le sang. Elle réduit la quantité d’insuline déversée dans l’organisme après un repas. Ceci apparaît crucial contre le cancer colorectal, car l’excès d’insuline aurait sa part de responsabilité dans sa survenue.

Les fibres solubles exercent également leur activité anticancéreuse à travers les acides gras à chaîne courte qu’elles génèrent. Le butyrate notamment s’oppose à la prolifération des cellules cancéreuses et favorise leur destruction. De plus, en diminuant le pH de l’intestin, ils limitent la formation des dérivés d’acides biliaires toxiques.

Les fibres solubles et insolubles sont ainsi associées à des bénéfices pour notre santé, propres à chacune parfois, qui se chevauchent le plus souvent. Les apports quotidiens en fibres devraient dans l’idéal avoisiner 28g pour une femme et 36g pour un homme, mais sont généralement bien en deçà de ces valeurs dans le cadre du régime occidental classique. Il est possible d’augmenter les quantités consommées, mais de manière graduelle pour limiter les désagréments digestifs. Selon la sensibilité intestinale de chacun, l’accent peut être mis sur l’une ou l’autre de ces catégories de fibres.


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