Les tests d’intolérances alimentaires IgG sont-ils efficaces ?

Modifié le 14 décembre 2023

Temps de lecture : 4 minutes
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Peut-on faire confiance aux tests d'intolérance alimentaire ?

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La prévalence des réactions alimentaires indésirables est en augmentation, et de nombreuses personnes sont attirées par des tests d’intolérances alimentaires. Ces tests, dont les prix sont généralement très élevés (plusieurs centaines d’euros), vous promettent de diagnostiquer vos intolérances alimentaires et de vous aider à retrouver la santé.

Si l’utilisation de tels outils semble particulièrement intéressante, la réalité des choses est bien moins claire. Voici ce que disent les chercheurs à ce sujet.

Le fonctionnement des tests d’intolérances alimentaires

Après avoir subi une extraction aqueuse, des constituants alimentaires sont fixés à la surface de cupules, qu’on remplit avec une petite quantité de sérum de la personne à tester. On observe ensuite s’il y a présence d’anticorps, les immunoglobulines G (IgG), dirigés contre ces constituants. On analyse également la quantité de ces anticorps, le cas échéant. Il existe aussi un test utilisant une biopuce permettant de doser simultanément de très nombreux aliments.

Ces tests mesurent ensuite la présence d’IgG dans leur ensemble. Il s’agit d’une démarche in vitro, c’est à dire hors de l’organisme, qui ne reflète que partiellement les réactions aux substances analysées. Ce procédé expérimental est assez proche de celui utilisé pour mettre au point le régime des groupes sanguins, qu’on sait aujourd’hui être biaisé.

Est-ce que la mesure des IgG permet de déceler une intolérance alimentaire ?

La mesure des IgG n’est pas forcément significative. Il existe en effet 4 sous-classes de ces immunoglobulines, les IgG1, les IgG2, les IgG3 et les IgG4 qui ont toutes des fonctions biologiques distinctes.

Ainsi, si les IgG1 peuvent bien être responsables d’une réaction immunitaire d’intolérance, les IgG4 jouent un rôle inverse : de nombreuses études ont pu mettre en évidence qu’ils sont produits pour permettre l’acquisition de la tolérance alimentaire, et non de l’intolérance. Aussi contre-intuitif que cela puisse paraitre, les IgG4 se comportent comme des anti-inflammatoires et ne devraient donc pas être associés à une réaction erratique de l’organisme.

Les tests d’intolérance in vitro sont-ils pertinents ?

De plus, on ne peut pas considérer que la réaction qui a lieu dans une éprouvette hors du corps humain est la même que celle qui a vraiment lieu dans un fluide biologique complexe. Dans certains cas, ce que ces tests présentent comme des intolérances peut en réalité être une tolérance ou, tout simplement, ne rien vouloir dire du tout. 

Néanmoins, selon le Dr Habib Chabane, praticien allergologue et responsable du groupe de travail de la Société Française d’Allergologie, que j’ai interviewé :

Si le test met en évidence une activation d’IgG face à de nombreux aliments (plus de 20 environ) alors il est fort probable que vous ayez une perméabilité intestinale altérée. On retrouve typiquement ce genre de résultats chez les personnes touchées par une maladie inflammatoire chronique intestinale (maladie de Crohn, rectocolite).

Dr Habib Chabane
Les tests d'intolérance in vitro sont peu pertinents car les conditions des tests sont très différents des conditions in vivo

Les réactifs alimentaires utilisés ne représentent pas la réalité de l’aliment

L’autre problème important de ces tests est qu’on utilise des extraits de protéines alimentaires, sans aucun processus exhaustif ou scientifique. Par exemple, si l’on teste la tolérance à la pomme, de nombreuses imprécisions subsistent : De quelle pomme s’agit-il ? Quelle variété exacte du fruit a été utilisée ? La pomme a-t-elle été cuite ? Quelle est la nature des protéines extraites et fixées pour rechercher des IgG ?

Tous ces éléments peuvent influencer les résultats dans de grandes proportions. Ce phénomène fait apparaitre des faux positifs et des faux négatifs, et peut aussi expliquer les écarts de résultats observés dans le cas de l’utilisation de différentes biopuces. On peut donc découvrir des intolérances radicalement différentes selon le laboratoire où on fait les analyses !

Pour des chercheurs de Cambridge en Angleterre, les tests d’intolérance alimentaires ne sont pas fiables. Ces chercheurs regrettent que des entreprises en tirent un bénéfice financier en mettant en avant auprès du public des études cliniques parcellaires et parfois biaisées.

Comment savoir si vous avez une intolérance alimentaire ?

Si les test d’intolérance sont inefficaces, alors comment savoir si on est concerné par une intolérance alimentaire ?

Le seul moyen véritablement fiable consiste à mettre en place une stratégie d’éviction. Il faut procéder comme suit :

  1. D’abord on supprime de son alimentation tous les aliments suspects
  2. Lorsque les symptômes qui posaient problème s’améliorent (douleurs, acné, maladie auto-immune, etc.) alors on réintroduit les aliments un par un.

Dans la plupart des cas, les aliments problématiques sont les céréales à gluten, les produits laitiers animaux, les produits à base de soja, les solanacées ou les légumineuses.

Faut-il faire des rotations alimentaires pour diminuer le risque d’intolérance ?

Notre système immunitaire possède une mémoire. Lorsqu’il est exposé à un antigène auquel il a déjà été exposé auparavant, il réagit de manière plus rapide et plus forte. C’est un principe très utilisé pour les vaccins : les rappels permettent de réveiller et d’amplifier la défense immunitaire acquise. Faire des rotations en espérant que le système immunitaire « oublie » est illusoire : cette mémoire cellulaire peut en effet perdurer pendant plusieurs dizaines d’années, ou même toute la vie, comme par exemple dans le cas de la maladie cœliaque.

En pratique, ce phénomène dépend du type de cellules immunitaires mémoire impliquées, ainsi que d’autres facteurs. C’est le cas par exemple des maladies auto-immunes, où on sait que les attaques auto-immunitaires sont modulées par différents éléments. Ainsi, les personnes qui manquent de vitamine D ou qui mangent trop de sel subiront plus d’attaques immunitaires, indépendamment de la question de la mémoire immunitaire. Pour éviter les intolérances, il est donc essentiel de considérer ces autres aspects qui interviennent dans la régulation de l’immunité.


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