Fumer moins ne permettrait pas de vivre plus longtemps

Modifié le 22 avril 2024

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Gros plan sur deux mains qui cassent une cigarette.

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Réfréner sa consommation de tabac au quotidien peut sembler moins difficile que de mettre un terme définitif à cette habitude. Pourtant, le tabagisme léger comporte des risques significatifs pour la santé et la baisse de consommation ne se traduit pas nécessairement par les bénéfices que l’on pourrait espérer.

Fumer peu, risquer beaucoup

Le tabac est à l’origine de 8 millions de décès chaque année à travers le monde, dont 6,7 millions liés à son usage direct. Ces décès prématurés résultent de diverses pathologies comme les maladies cardiovasculaires, les cancers, ou les maladies respiratoires chroniques.

Le taux de tabagisme a tendance à diminuer dans de nombreux pays, sous l’impact des politiques de santé publique. En parallèle, on constate une augmentation de la proportion de fumeurs qui consomment moins de 10 cigarettes par jour, tandis que le tabagisme intensif est en recul.

Un usage modéré, mais à long terme

Cette pratique a longtemps été considérée comme une phase transitoire chez d’anciens gros fumeurs qui essaient de stopper leur consommation. Pourtant, il s’agit bien d’une tendance durable chez certains usagers.

Si elle peut paraître moins problématique, il convient de souligner que les deux tiers des personnes fumant seulement de 1 à 4 cigarettes par jour sont dépendantes au tabac. Ceci concerne également le quart des consommateurs occasionnels qui fument moins d’une fois par semaine. L’impact de ce tabagisme à faible intensité, mais sur le long terme est loin d’être anodin.

Feuilles de tabac fraîches.
Les feuilles de tabac sont riche en nicotine, un alcaloïde au pouvoir addictif puissant.

Pas de seuil de consommation sans danger

Les données épidémiologiques montrent invariablement que les méfaits sur la santé du tabagisme s’accroissent avec une consommation quotidienne soutenue. Les fumeurs légers s’exposent toutefois également à des risques, même en cas de très faibles niveaux de consommation.

Globalement, les personnes qui fument de façon occasionnelle tout au long de leur vie ont un risque de décès prématuré augmenté de 64%, et de 87% pour celles qui fument de 1 à 10 cigarettes chaque jour.

Menace cardiovasculaire

L’impact de ce tabagisme de faible intensité a été évalué chez 6 879 hommes d’âge moyen, suivis près de 12 ans en moyenne. Chez les participants fumant de 1 à 4 cigarettes par jour, 11% ont été victimes d’un événement coronarien majeur au cours de cette période, contre seulement 3,7% des non-fumeurs. Il s’agit d’une complication grave de la maladie coronarienne, qui peut prendre la forme d’un infarctus du myocarde, résultant de l’obstruction ou de la réduction du flux sanguin vers le cœur.

Graphique représentant le risque relatif de développer une maladie coronarienne en fumant 1 ou 5 cigarettes/jour par rapport à 20.
Risque de développer une maladie coronarienne en fumant 1 ou 5 cigarettes/jour par rapport à 20.

Ce même niveau de consommation a d’ailleurs été associé à un risque accru de décès par maladie cardiaque ischémique, multiplié par 2,74 chez les hommes et 2,94 chez les femmes. Les hommes qui fument de manière occasionnelle apparaissent eux aussi exposés à un excès de risque de décès prématuré d’origine cardiovasculaire, 1,4 fois plus important que les non-fumeurs.

Une étude a par ailleurs révélé que la consommation d’une seule cigarette par jour est associée à un risque de développer une maladie du cœur ou un AVC équivalent à la moitié de celui des personnes qui en fument 20.

Tabagisme léger et cancer

Le tabagisme est un facteur de risque pour de nombreux types de cancers, au moins 17 d’entre eux. Une étude a été menée sur un vaste échantillon de population américaine de près de 240 000 personnes de 59 ans à 82 ans, pour cerner les conséquences d’un faible niveau de tabagisme sur leur survenue.

Ce groupe comportait des fumeurs occasionnels (niveau de consommation fixé à moins d’une cigarette par jour), et des fumeurs légers, consommant entre 1 et 10 cigarettes au quotidien. La consommation de moins de 10 cigarettes par jour a été associée à une plus grande susceptibilité de développer un cancer, en particulier du poumon, de la vessie et du pancréas. Par rapport aux non-fumeurs, le risque était multiplié par 2,34 chez les fumeurs légers.

Une autre équipe de recherche s’est intéressée à une forme particulière de la maladie, le cancer de la tête et du cou. Le tabagisme en est le principal facteur de risque. Elle a compilé les données recueillies chez 4 093 personnes souffrant de cette maladie et 13 416 témoins en bonne santé, en excluant les consommateurs de plus de 10 cigarettes au quotidien.

Les résultats ont révélé que par rapport aux non-fumeurs, ceux qui fumaient jusqu’à 3 cigarettes par jour avaient un risque de développer ce type de cancer multiplié par 1,5. Fumer 4 ou 5 cigarettes par jour le multipliait par plus de 2.

Toutefois, cette élévation du risque ne concernait que les personnes ayant fumé sur le long terme, plus de 20 ans.

Réduire sa consommation, une approche insuffisante

Certaines études se sont intéressées à l’effet des changements de niveau de consommation du tabac, pour déterminer si une réduction se traduit par des effets directs sur le taux de mortalité.

Pas de diminution de la mortalité

L’une d’elles a été menée auprès de deux populations de fumeurs en Écosse. Dans chacune, les habitudes de tabagisme ont été reportées à deux périodes différentes de la vie des participants. Lors du second dépistage, chaque participant a été classé selon l’évolution de ses habitudes par rapport à la cigarette. Quatre groupes ont ainsi été constitués, regroupant les personnes ayant augmenté, maintenu, diminué ou arrêté leur consommation de tabac.

En examinant les données liées nombre de décès au sein des différents groupes, les chercheurs constatent :

« Il n’y avait aucune preuve de mortalité plus faible chez les réducteurs par rapport aux mainteneurs. »

Carole Hart et al.

En revanche, une baisse de mortalité a été enregistrée en cas d’arrêt total du tabac. De mêmes observations ont été faites dans une étude danoise, ayant suivi près de 20 000 personnes pendant une quinzaine d’années.

Chez les participants qui fumaient initialement une quantité importante de cigarettes quotidiennes (plus de 15), et qui ont diminué leur consommation de moitié, il n’y a pas eu de baisse significative de mortalité due aux maladies liées au tabac.

Une diminution modeste de la mortalité a tout de même été mise en évidence dans un autre projet de recherche. Les fumeurs qui avaient maintenu leur consommation constante avaient un risque de décès 2,93 fois plus élevé que les non-fumeurs, tandis qu’en cas de réduction du tabac ce chiffre tombait à 2,28. Il restait tout de même bien plus élevé que chez les personnes ayant arrêté de fumer, chez lesquelles le sur-risque était de 1,32.

Tabagisme compensatoire

Comment expliquer cet impact tout au plus modeste de la diminution de la consommation quotidienne de tabac sur la mortalité ? Fumer une quantité réduite de cigarettes quotidiennes ne se traduit en réalité pas toujours par une moindre exposition aux substances toxiques du tabac. En effet, le fumeur peut involontairement modifier sa façon de consommer pour absorber davantage de nicotine et, par conséquent, les autres composants chimiques de chaque cigarette. Ce tabagisme compensatoire repose sur une inhalation plus profonde de la fumée, une augmentation de la fréquence des bouffées ou en fumant chaque cigarette au plus près du filtre.

Exposition persistante aux substances nocives

Une étude a documenté ce phénomène chez des fumeurs qui ont réussi à baisser leur consommation de tabac de 38 à 45% grâce à un traitement substitutif à la nicotine. Les niveaux de monoxyde de carbone, un gaz toxique produit par la combustion incomplète du tabac, n’ont été réduits que de 20% environ.

Les taux de cotinine, un métabolite de la nicotine utilisée comme indicateur de l’exposition à ce composé, et de thiocyanate, un produit de dégradation du cyanure présent dans la fumée, n’ont quant à eux pas variés.

Ainsi, l’exposition globale aux substances nocives ne diminue pas de façon proportionnelle à la baisse du nombre de cigarettes, illustrant les limites de cette approche pour réduire les méfaits du tabac sur la santé.

Les bénéfices à l’arrêt du tabac sont très rapides

L’ensemble de ces données incite donc à privilégier la piste de l’arrêt total du tabac plutôt qu’une simple réduction de consommation. Certaines approches peuvent faciliter cette démarche, comme le recours à la cigarette électronique contenant de la nicotine, qui pourrait s’avérer plus efficace que les approches traditionnelles de substitution. Cette méthode pourrait même bénéficier aux femmes enceintes, sans menacer le déroulement de la grossesse.

Gros plan sur le visage d'un homme qui fume une cigarette électronique.
La cigarette électronique peut faciliter l’arrêt du tabac.

À l’arrêt du tabac, les premiers bienfaits se manifestent rapidement et le risque de maladies liées au tabagisme recule progressivement au fil du temps. L’American Cancer Society récapitule la séquence des effets favorables à laquelle on peut s’attendre après :

  • 20 minutes : la tension artérielle et le rythme cardiaque diminuent ;
  • quelques jours : le niveau de monoxyde redevient normal ;
  • 2 à 3 semaines : la circulation sanguine et la fonction pulmonaire s’améliorent ;
  • 1 à 12 mois : la toux et les difficultés respiratoires s’apaisent ;
  • 1 à 2 ans : le risque de crise cardiaque diminue drastiquement ;
  • 5 à 10 ans : le risque de cancer de la bouche, de la gorge et du larynx est divisé par deux, le risque d’AVC diminue ;
  • 10 ans : le risque de cancer du poumon est réduit de moitié par rapport à un fumeur, et le risque de cancer de la vessie, l’œsophage et les reins diminuent ;
  • 15 ans : le risque de maladie coronarienne est proche de celui d’un non-fumeur.

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