Les vitamines A et D sont-elles incompatibles ?

Modifié le 14 décembre 2023

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Les vitamines A et D ont des actions synergiques ou opposées selon les situations. Un équilibre est à rechercher dans les apports pour prévenir certains problèmes de santé. Les études suggèrent que, pour éviter tout effet négatif, les apports en vitamine A ne doivent pas dépasser 5000 UI par jour. Découvrez pourquoi dans cet article.

Les vitamines A et D, des nutriments aux multiples rôles

Les vitamines A et D sont deux vitamines liposolubles indispensables à notre organisme. La vitamine A joue un rôle primordial pour la vision, la santé de la peau et des muqueuses, l’immunité et le développement de l’embryon. La vitamine D régule quant à elle le métabolisme du calcium, contribuant à l’équilibre osseux. Elle est également impliquée dans le contrôle des systèmes immunitaires et cardiovasculaires, et participe au fonctionnement des muscles.

Les relations entre la vitamine D et la vitamine A sont particulièrement complexes. Selon le contexte, la vitamine A favorise ou contrarie l’activité de la vitamine D.

La vitamine A facilite la captation de la vitamine D par certaines cellules

Dans la plupart des cellules, la vitamine D traverse la membrane qui les délimite de façon directe, en se faufilant à travers ses constituants.

Pour certaines, il existe un mécanisme plus sophistiqué pour capter la vitamine D circulant dans le sang accompagnée de sa molécule de transport. Il s’agit d’un dispositif principalement constitué de deux protéines, la mégaline et la cubiline. La vitamine D s’y fixe, puis est engloutie par la cellule au sein d’une vésicule. Arrivée à destination, elle en est libérée pour exercer ses fonctions.

L’entrée de la vitamine D dans certaines cellules est facilitée par un complexe mégaline/cubiline

Ce phénomène a tout d’abord été mis en évidence au niveau du rein. Celui-ci réabsorbe en effet la vitamine D pour éviter qu’elle ne soit rejetée dans les urines, et la transforme en forme active.

Il concerne également d’autres tissus présents au sein de la prostate, du sein, du côlon, de la glande parathyroïde ou du placenta.

L’application de vitamine A sur des cultures de cellules de ce type apparaît en mesure d’augmenter la production des composantes du système mégaline/cubiline, facilitant l’entrée de la vitamine D. En plus d’en améliorer la disponibilité au cœur de la cellule, la vitamine A peut prolonger ses effets. Elle s’oppose à la fabrication d’une enzyme qui transforme la vitamine D en une forme inactive.

Les vitamines A et D partagent un même partenaire pour agir sur les gènes

La vitamine D liée à son récepteur doit s’associer au récepteur RXR pour contrôler l’expression des gènes.

Les vitamines A et D exercent leurs multiples actions en agissant sur l’expression des gènes, par l’intermédiaire de leurs formes actives. Il s’agit de l’acide rétinoïque pour la vitamine A et de la 1,25-dihydroxyvitamine D pour la vitamine D. Pour y parvenir, elles doivent préalablement se lier à un récepteur présent au sein de la cellule. La vitamine D s’associe au VDR (« vitamin D receptor ») tandis que l’acide rétinoïque se fixe au RAR (« retinoic acid receptor »).

Une étape supplémentaire doit cependant avoir lieu avant que la vitamine associée à son récepteur ne gagne le noyau de la cellule, où se trouvent les gènes à activer ou désactiver. Chacun de ces récepteurs doit s’associer à un autre partenaire. La particularité de ces deux vitamines est qu’elles partagent le même : il s’agit du RXR (retinoid X receptor). Le RXR est lui-même activé par sa liaison avec un dérivé de la vitamine A, l’acide 9-cis rétinoïque. 

La vitamine A est nécessaire à l’activation des gènes par la vitamine D

Lorsque l’acide rétinoïque est indisponible, la vitamine D et son récepteur ne parviennent pas à s’ancrer solidement à l’ADN pour moduler efficacement l’expression des gènes. En effet, l’acide rétinoïque facilite ce processus, notamment grâce au recrutement de composés activateurs. Il apparaît même en mesure de restaurer l’activité du récepteur de la vitamine D dans des circonstances où une mutation génétique l’a rendu défaillant. De telles mutations sont à l’origine de cas de rachitisme, une maladie affectant le développement du squelette chez l’enfant.

La vitamine A peut devenir antagoniste de la vitamine D

Si la vitamine A est nécessaire à l’activité de la vitamine D sur les gènes, sa présence en excès peut la contrarier. Car la vitamine A tend à mobiliser l’ensemble du pool de récepteurs RXR partenaires à son profit. Ils ne sont alors plus disponibles pour établir de liaison avec le VDR. Dans ce cas, les vitamines A et D deviennent antagonistes. La vitamine A a par ailleurs tendance à diminuer l’absorption des autres vitamines liposolubles, dont la vitamine D, au niveau de l’intestin.

Les vitamines A et D coopèrent pour détruire les cellules cancéreuses

Les liens étroits entre les vitamines A et D peuvent aboutir à des situations où elles renforcent leurs actions de façon mutuelle. Les effets additifs, voire synergiques, de ces deux nutriments sont par exemple observés dans le cadre du cancer.

Les propriétés anticancéreuses des vitamines D et A

Chacune de ces vitamines dispose de propriétés anticancéreuses. Un bon statut en vitamine D apparaît protecteur contre différents types de cancer (côlon, pancréas, poumon, thyroïde…). Des dérivés de vitamine A sont utilisés dans le domaine de l’oncologie pour aider au traitement de certains cancers, des leucémies et lymphomes. Leur efficacité est en cours d’évaluation pour les cancers de la tête et du cou, le cancer du sein ou du poumon.

Les chercheurs expérimentent sur des cellules cancéreuses en culture au laboratoire

Un effet synergique mis en évidence au laboratoire

Les propriétés anticancéreuses de ces vitamines ont été mises en évidence au cours de nombreuses études menées en laboratoire sur des cultures de cellules ou chez des animaux. Si la plupart de ces travaux ont testé l’efficacité de chacune d’entre elles de façon indépendante, certaines équipes ont exploré leurs effets lorsqu’elles sont combinées. Des chercheurs ont ainsi montré que les vitamines A et D agissent en synergie pour enrayer la prolifération de cellules issues de cancers du côlon et de l’estomac. Elles favorisent l’apoptose des cellules cancéreuses, c’est-à-dire leur mort cellulaire. 

L’effet synergique est observé contre différents types de cancer

Les effets synergiques de ces deux vitamines ont été mis en évidence contre différentes formes de cancer, affectant le foiele sein ou la prostate. Certaines cellules cancéreuses parviennent à développer des résistances aux traitements déployés pour les combattre. Elles peuvent ainsi devenir insensibles à l’action de l’acide rétinoïque. L’ajout de vitamine D représente un moyen de lever cette résistance.

Des données divergentes selon le type de cancer chez l’homme

Incidence du cancer du poumon chez les personnes qui ont pris le traitement (bêta-carotène et rétinol) ou le placebo

Il apparaît plus difficile d’évaluer les bénéfices communs de ces deux vitamines dans le cadre du cancer chez l’être humain. On dispose toutefois de données pour le cancer du poumon, grâce à l’étude CARET (Beta-Carotene and Retinol Efficacy Trial). Cet essai clinique qui a démarré en 1985 a été mené par une équipe de l’université de Washington à Seattle. L’objectif était de déterminer si une supplémentation en vitamine A et en bêta-carotène, son précurseur présent dans les végétaux, pouvait prévenir l’apparition du cancer du poumon chez les fumeurs. L’expérience été stoppée prématurément car plutôt que de réduire ce risque, la supplémentation l’avait augmenté de 28 %. 

L’effet protecteur de la vitamine D contre le cancer du poumon renforcé par la vitamine A

Dans une autre analyse de cette étude, les chercheurs se sont intéressés à l’influence des apports en vitamine D sur l’apparition de la maladie. Pour cela, ils ont exploité les données de 749 personnes ayant développé cette maladie et 679 personnes en bonne santé ayant participé à l’essai CARET. Les auteurs ont constaté qu’une dose de plus de 400 UI par jour est associée à une diminution du risque de cancer de poumon de 64 %, mais uniquement chez les fumeurs qui ont des apports élevés en vitamine A (de plus de 1500 μg équivalent rétinol par jour). Ces résultats suggèrent que la vitamine A pourrait renforcer l’effet préventif de la vitamine D contre le cancer du poumon dans cette population. Ils sont cependant à prendre avec précaution et concernent un cas très particulier. Ces quantités de vitamine A sont supérieures aux références nutritionnelles pour la population (RNP), fixées à 650 µg pour les femmes et 750 µg pour les hommes. Les fortes doses d’antioxydants peuvent s’avérer néfastes pour la santé. 

Un niveau élevé de vitamine A atténue la protection de la vitamine D contre le cancer du côlon

La situation semble très différente pour une autre forme de la maladie, le cancer colorectal, comme l’a montré une étude d’observation menée auprès d’un échantillon de la population européenne. Si une forte concentration sanguine en vitamine D apparaît protectrice face à celui-ci, l’effet bénéfique s’émousse en cas de forts apports en vitamine A, de plus de 1000 µg/jour. De la même façon, la meilleure protection contre l’apparition de polypes au niveau du côlon – ces tumeurs bénignes qui peuvent évoluer en cancer – est conférée par des apports élevés en vitamine D conjugués à de faibles apports en vitamine A. Des apports en rétinol supérieurs à 4800 UI par jour (1440 µg) pourraient contrecarrer les effets bénéfiques de la vitamine D sur le risque de polypes du côlon.

Les rôles antagonistes des vitamines A et D sur la santé osseuse

Les effets opposés que peuvent exercer la vitamine A et la vitamine D sur notre santé apparaissent encore plus clairement dans le contexte de la santé osseuse.

Un risque élevé de fracture ostéoporotique dans les pays nordiques

Il existe une disparité géographique face au risque d’être victime d’une fracture de la hanche liée à l’ostéoporose, cette affection caractérisée par une perte de la densité osseuse. Il est maximal dans les pays scandinaves et il est globalement plus élevé dans les pays du nord de l’Europe que dans ceux du sud. Une des hypothèses pour expliquer cette situation repose sur le déséquilibre d’apports en vitamine A et D. Dans les pays nordiques, le faible niveau d’ensoleillement favorise les carences en vitamine D au sein de la population. En parallèle, les apports alimentaires en vitamine A, à travers la consommation de produits laitiers et de foie de poisson notamment, sont généralement importants.

Aliments riches en vitamine A

Les apports élevés en vitamine A augmentent le risque de fracture à la ménopause

L’effet délétère de la vitamine A sur les os a été mis en lumière au cours d’études conduites auprès de femmes ménopausées, dont le squelette est fragilisé par la raréfaction des hormones féminines. L’une d’elles a porté sur un vaste groupe de 72 337 femmes, et a mis en évidence un risque accru de fracture de la hanche de 89 % chez celles ayant les plus forts apports en vitamine A (supérieurs ou égaux à 2000 µg/jour) par rapport à celles ayant les plus faibles (moins de 500 µg/jour). Les apports en bêta-carotène n’étaient en revanche pas associés à ce risque. 

En France, l’Anses (agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation) considère que des apports supérieurs à 1500 µg par jour augmentent le risque de fractures chez les femmes ménopausées.

Risque maximal d’ostéoporose en cas de déficit en vitamine D et d’excès de vitamine A

Une étude menée en Espagne s’est penchée sur les concentrations sanguines en vitamine A et D de 124 femmes, dont 101 souffraient d’ostéoporose. Elle a révélé que, chez les participantes qui présentaient les plus hauts niveaux de vitamine A, le risque d’ostéoporose était jusqu’à trois fois plus élevé que chez participantes en présentant les plus bas. La situation s’aggrave en cas de déficit en vitamine D, avec un risque jusqu’à cinq fois plus important lorsque la vitamine A est concentrée dans l’organisme.

La vitamine A bloque l’absorption du calcium stimulée par la vitamine D

L’un des rôles principaux de la vitamine D est de faciliter l’absorption du calcium issu de notre alimentation. Elle contribue ainsi au maintien d’un taux sanguin de calcium satisfaisant, garant de la santé osseuse. En effet, lorsqu’il vient à baisser, les réserves accumulées dans les os sont mobilisées. La vitamine A peut venir contrarier cet équilibre, ce qui explique les observations précédentes. 

Des chercheurs suédois ont étudié l’impact de ces vitamines sur le taux de calcium chez neuf personnes en bonne santé. La prise de vitamine D a sans surprise conduit à une augmentation de la concentration sanguine en calcium. Quand elle a été couplée à l’administration de vitamine A, l’élévation du taux de calcium a été atténuée. La dose de vitamine A ingérée par les volontaires n’était pourtant pas disproportionnée : elle correspondait à la quantité apportée par une portion de foie. La vitamine A contrecarre donc l’effet de la vitamine D sur l’absorption intestinale du calcium, menaçant à terme l’équilibre osseux.

En conclusion, la vitamine A facilite l’entrée de la vitamine D dans les cellules et son action sur les gènes. Vitamines A et D agissent en synergie contre certains cancers, mais, à forte dose, la vitamine A réduit l’effet de prévention de la vitamine D sur le cancer du côlon. Les compléments de vitamine A semblent aussi favoriser le cancer du poumon dans certains cas. Enfin, la vitamine A en excès gêne l’action protectrice de la vitamine D sur la santé osseuse : au-delà de 5000 UI (1500 µg) par jour, elle augmente le risque de fracture des femmes ménopausées.

Pour toutes ces raisons, les apports journaliers recommandés en vitamine A – 650 µg pour les femmes et 750 µg pour les hommes – doivent rester inférieurs à 1500 µg. Attention donc aux compléments qui augmentent ces apports, notamment dans les pays où certains aliments sont fortifiés en vitamine A.

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