Les effets secondaires des IPP seraient plus graves qu’on ne le pensait

Modifié le 14 décembre 2023

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boîte d'un médicament contenant de l'esomeprazole

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Votre armoire à pharmacie contient peut-être des médicaments inhibiteurs de la pompe à proton (IPP).

Ces médicaments se déclinent en 5 molécules : l’oméprazole (Mopral®, Zoltum®), le pantoprazole (Eupantol®, Inipomp®), l’ésoméprazole (Inexium®), le lansoprazole (Lanzor®, Ogast®, Ogastoro®) et le rabéprazole (Pariet®).

Ils ont fait leur apparition sur le marché français en 1989 et font l’objet de nombreuses prescriptions, grâce à leur capacité à apaiser les brûlures d’estomac.

Ils sont donc très utilisés en cas d’excès d’acides dans l’estomac, de reflux gastro-œsophagien ou d’œsophagite et les médecins en prescrivent souvent aux personnes qui ont mal à l’estomac en prenant des médicaments anti-inflammatoires non stéroïdiens (par exemple contre les douleurs de l’arthrose).

Ils font aussi partie du traitement contre la bactérie Helicobacter pylori responsable des ulcères de l’estomac, conjointement avec les antibiotiques.

Problème : les IPP présentent de sérieux risques pour la santé. Pire, beaucoup de médecins prescrivent ce médicament sans respecter les consignes de la Haute Autorité de Santé, mettant en danger la vie de nombreuses personnes.

Des prescriptions trop nombreuses et trop longues

Ce n’est pas moi qui le dit mais la Haute Autorité de Santé sur son site ainsi que les sociétés savantes comme la SNFGE (Société Nationale Française de Gastro-Entérologie).

L’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) elle-même a rendu un rapport récent alarmiste sur le sujet puisque sa conclusion est la suivante :

« Plus de 15,8 millions de patients ont reçu au moins une délivrance d’IPP en 2015, soit environ un quart de la population française. Cette utilisation ne semble pas toujours correspondre aux recommandations de traitement (…). Cette utilisation massive est problématique en raison des risques potentiels d’effets indésirables associés, en particulier chez la personne âgée et dans le cas de traitements au long cours. »

Agence Nationale de Sécurité du Médicament

De plus, depuis 2009, plusieurs de ces molécules sont en vente libre ! C’est par exemple le cas du Pantozol Control (pantoprazole) ou Mopral Pro (oméprazole).

Mais quels sont les risques liés à la prise de ces médicaments ?

Comment les IPP dégradent la santé

Pour comprendre pourquoi les inhibiteurs de la pompe à proton présentent des risques sérieux pour la santé, il faut comprendre comment ils agissent dans l’organisme.

Tout se passe au niveau des cellules qui composent la paroi de l’estomac, les cellules pariétales. Elles sont chargées de produire l’acide chlorhydrique nécessaire à la digestion des aliments. Cet acide maintient un pH très bas au sein de l’organe, de l’ordre de 1 à 2 (cela signifie que c’est très acide alors qu’une valeur élevée indique un milieu basique).

Pour fabriquer l’acide chlorhydrique, les cellules pariétales doivent expulser du chlore et de l’hydrogène dans l’estomac, qui vont se combiner pour lui donner naissance. L’IPP s’attaque directement à ce mécanisme ; pour faire sortir le chlore, la cellule dispose d’un dispositif spécifique, la pompe à proton.

Le médicament la met hors d’usage, ce qui bloque la production de l’acide chlorhydrique : il possède ainsi une action anti-sécrétoire. Le pH grimpe aux alentours de 4, les zones irritées cessent d’être douloureuses.

Mais si le symptôme est apaisé, la cause de la brûlure n’est pas soignée. Ainsi, elle se manifeste à nouveau lorsqu’il ne fait plus effet et certaines personnes se retrouvent sous IPP pendant des mois, voire des années. Les médecins n’hésitent pas à prolonger les traitements, car ces médicaments ont la réputation d’être bien tolérés. On trouve d’ailleurs sur internet de nombreux articles rassurants, en contradiction avec les informations diffusées par les médecins experts en santé publique…

boîte d'ésoméprazole biogaran
L’ésoméprazole fait partie des médicaments les plus vendus contre les reflux gastrique

Les IPP provoquent des carences en vitamines et minéraux

La modification de l’acidité de l’estomac a des conséquences sur la façon dont notre organisme assimile les vitamines et les minéraux. C’est particulièrement le cas de la vitamine B12 (cobalamine).

Pour être absorbée, cette vitamine doit être séparée des protéines alimentaires et cette réaction est entravée lorsque l’acidité n’est pas suffisante.

Les carences en vitamine B12 sont ainsi beaucoup plus fréquentes chez les personnes traitées aux IPP selon plusieurs études scientifiques, en particulier chez les personnes âgées après un an de traitement. Cette carence est observée même les personnes qui mangent de la viande (riche en vitamine B12).

Normalement, cette carence ne touche que les végétaliens ou vegan donc elle n’est presque jamais envisagée par le médecin ! Et malheureusement le déficit en vitamine B12 a de sérieuses conséquences, en particulier sur le fonctionnement du cerveau avec l’apparition de formes de démences et de problèmes au système nerveux…

Une récente étude allemande ayant suivi plus de 70 000 personnes a ainsi trouvé que les personnes âgées de plus de 75 ans qui prennent des IPP pendant 4 mois seulement avaient un risque de démence plus élevé de 44 %.

La vitamine C aussi est affectée avec ce type de médicaments car elle se transforme quant à elle en une forme non assimilable en cas de pH trop élevé.

Autre nutriment impacté, le fer, dont l’une des formes, le fer ferrique (c’est le fer d’origine végétale), a besoin d’acidité pour être transformée en fer ferreux, mieux absorbé par l’intestin. Mais là encore, les niveaux des réserves de fer sont rarement évalués en cas de traitement par les IPP, car la survenue même de ces carences n’est connue que depuis peu. 

Pourtant, une étude récente a montré une diminution du taux d’hémoglobine et d’hématocrite, reflet d’une anémie, chez 98 patients sous IPP depuis au moins 1 an par rapport à des personnes non traitées. Les auteurs ont noté au passage que chez 35 % de ces patients, l’IPP était prescrit de manière abusive.

Ces médicaments contrarient également le transport du magnésium au niveau de la paroi intestinale et favorisent son élimination dans les selles.

Cette carence en magnésium, qui disparaît spontanément à l’arrêt du traitement, peut avoir des conséquences très sérieuses sur la santé car ce minéral est impliqué dans la régulation du rythme cardiaque.

Enfin, les IPP perturbent l’absorption du calcium ; ce déficit, couplé à la baisse des réserves de vitamine B12 a un impact inévitable sur l’organisme : la fragilisation des os. 

A lire également : liste des médicaments qui provoquent des carences en vitamines et minéraux

Les IPP provoquent de l’ostéoporose et des fractures

Ainsi, des chercheurs anglais ont montré une augmentation des fractures de la hanche lorsqu’on prend des IPP après avoir étudié plus de 13 000 cas de fractures survenues chez des adultes de plus de 50 ans. 

ls ont noté une augmentation moyenne de 44 % de ce risque chez les usagers au long cours d’IPP. En fait, le risque s’accroissait avec l’augmentation de la durée du traitement : de 22 % après 1 an, on bondissait à 59 % après 4 ans. La posologie avait également une incidence : les personnes qui prenaient les plus fortes doses étaient les plus susceptibles de subir ces fractures.

Une autre vaste étude menée chez des femmes ménopausées n’a pas mis en évidence ce risque accru de fracture au niveau de la hanche, mais des vertèbres, du poignet et de l’avant-bras. Ces données invitent ainsi à la prudence : les conséquences d’une fracture sévère peuvent être dramatiques chez les séniors : elles sont associées à une surmortalité de l’ordre de 20 %.

Au-delà des carences nutritionnelles qui contribuent à ce phénomène, ces médicaments perturbent le fonctionnement des ostéoclastes (les cellules qui participent au remodelage osseux) car elles possèdent également des pompes à protons. Or les IPP agissent sur toutes les pompes à proton de notre organisme et pas seulement sur celles de l’estomac.

Les IPP modifient la flore intestinale

Le changement d’acidité dans le tube digestif provoqué par les IPP affecte aussi le reste du tube digestif et notamment l’intestin.

Une étude très récente de chercheurs chinois a ainsi identifié des modifications nombreuses et très importantes dans la flore intestinale des personnes qui prennent des IPP. Certaines bactéries néfastes pullulent anormalement : Planococcaceae, Oxalobacteraceae, Sphingomonadaceae, Streptococcaceae, Veillonellaceae, Acidaminococcaceae, Micrococcaceae, Flavobacteriaceae et Ruminococcus.

Ces mauvaises bactéries font généralement partie d’une famille plus vaste qu’on appelle les firmicutes et qui jouent un rôle important dans l’extraction des calories. Autrement dit, sans rien changer à son alimentation, les IPP augmentent l’absorption calorique. Conséquence : une prise de poids inévitable, même sans changer d’alimentation. Les chercheurs parlent d’une prise de poids qui peut facilement atteindre 10 kilos !

Par ailleurs, en temps normal, l’environnement acide de l’estomac est fatal à la grande majorité des bactéries pathogènes que nous ingérons, par exemple dans un aliment mal cuit. 

En réduisant les sécrétions acides, les IPP favorisent ainsi les infections intestinales. Le risque de contracter la redoutable Clostridium difficile, qui provoque des diarrhées et qui peut être fatale chez les plus fragiles, augmente ainsi, comme l’exposition aux bactéries CampylobacterSalmonella ou Shigella.

Le SIBO, syndrome caractérisé par une prolifération de mauvaises bactéries au niveau de l’intestin grêle, est également plus fréquent sous IPP. Cela provoque des ballonnements insupportables, des troubles du transit, très difficiles à contrôler.

Par ailleurs, le journal médical international JAMA rapporte également que les IPP pourraient faciliter la survenue d’infections bactériennes distantes et notamment au niveau des poumons avec des pneumonies.

illustration du tube digestif humain
La baisse de l’acidité dans l’estomac a un impact sur la prolifération bactérienne dans l’intestin grêle situé juste en-dessous ce qui favorise l’apparition d’un SIBO.

Plus d’infarctus et d’AVC avec les IPP

L’une des contre-indications connues depuis plusieurs années liée à la prise d’IPP concerne les personnes ayant subi un accident vasculaire cérébral et traitées par clopidogrel, un médicament qui fluidifie le sang pour éviter la formation de caillot. En effet, les IPP pourraient réduire l’efficacité du principe actif, favorisant les récidives d’AVC.

Mais des chercheurs ont aussi constaté que la prise d’IPP peut affecter la santé cardiaque de tout un chacun : ils augmenteraient le risque d’infarctus du myocarde 16 % à 21 %.

Cela s’expliquerait car les IPP perturbent la production d’oxyde nitrique, un gaz qui contribue à la dilatation des vaisseaux sanguins. Lorsqu’il n’est pas présent en quantité suffisante, ce mécanisme est entravé et des problèmes cardiovasculaires peuvent se manifester, en particulier si des facteurs prédisposant sont présents.

Plus d’insuffisance rénale

Une étude de 2016, portant sur 173 000 nouveaux utilisateurs d’IPP pendant 5 ans, a montré un risque accru de 96 % de développer une insuffisance rénale et 28 % de développer une maladie rénale chronique chez les premiers par rapport aux seconds.

Des résultats confirmés en 2019 par des pharmacologues Américains qui signalent une augmentation massive de ces problèmes : sur 1000 personnes traitées aux IPP pendant un an, c’est 36 personnes qui développeront un problème de reins contre seulement 3,5 si on ne prend pas d’IPP.

Et si on regarde le risque d’apparition d’insuffisance rénale chronique, il touche 34 personnes si elles prennent des IPP contre seulement 9 si elles n’en prennent pas.

Des problèmes d’érection

En 2015, un groupe de chercheurs Américains qui travaillait sur la question des dysfonctions érectiles a mené une étude étendue sur plus de 2000 hommes pour rechercher des causes méconnues de difficultés érectiles.

Ils ont ainsi découvert fortuitement que la prise de médicaments inhibiteurs de la pompe à proton était associée à un risque deux fois plus élevé de problèmes d’érection que la normale !

L’explication serait que les IPP perturbent la production d’oxyde nitrique. On l’a vu, ce gaz est nécessaire à la dilatation des vaisseaux sanguins, mais aussi à la fonction érectile !

A lire également : Le rôle méconnu du lycopène sur le volume du sperme et la fertilité

Quelles alternatives aux IPP ?

Parmi les médicaments utilisés pour soigner des problèmes non mortels, les IPP font clairement partis de ceux ayant le plus d’effets secondaires. Au fil des mois et des années, la liste des effets secondaires s’allonge. Il est donc important d’utiliser des solutions alternatives.

Si vous devez être traité pour un problème d’acidité gastrique, il est certainement préférable d’éviter de prendre des IPP sur le long terme. Mais l’arrêt de ces médicaments est vécu difficilement, à cause d’un effet rebond : l’estomac produit plus d’acidité après un traitement qu’avant celui-ci. Les symptômes vont donc gagner en intensité pendant quelques temps avant que la situation ne revienne à la normale. Pour l’atténuer, il convient de réduire très progressivement les doses.

Il existait d’autres médicaments qui peuvent être utilisés comme alternatives aux IPP, ce sont les médicaments anti-H2 : cimétidine, ranitidine, famotidine, nizatidine. Néanmoins, on sait qu’ils peuvent aussi provoquer des problèmes au niveau intestinal et peut-être rénal. Ils semblent néanmoins « à priori » moins dangereux.

A lire également : Comment arrêter les IPP naturellement ?

A lire également : quels aliments éviter en cas de reflux gastrique ?


Références :

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