La leptine modifierait le comportement

Modifié le 20 mars 2024

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Un homme en colère crie.

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La leptine est l’une des hormones impliquées dans la régulation de l’appétit et de l’énergie dans notre corps. Au-delà de son impact sur nos comportements alimentaires, elle pourrait influencer nos traits de caractère et nos humeurs, tout en jouant un rôle potentiel dans les mécanismes liés aux addictions.

Un déterminant de la personnalité

Nos traits de personnalité sont déterminés par une combinaison complexe de facteurs génétiques et d’influences environnementales. Ils façonnent notre manière de penser, de ressentir et de nous comporter, de manière unique à chacun.

L’influence de l’hormone coupe-faim

Parmi les facteurs qui les influencent, certains sont pour le moins inattendus. L’impact de la leptine dans ce contexte suscite l’intérêt de la communauté scientifique depuis quelques années. Cette hormone, produite par les cellules adipeuses, envoie un signal au cerveau indiquant la satiété et la suffisance énergétique.

Elle réprime de cette manière le comportement alimentaire, mais à également d’autres impacts sur l’organisme. Elle encourage à pratiquer de l’activité physique et stimule le système immunitaire par exemple. Des niveaux élevés de leptine traduisent en effet la présence de réserves d’énergie corporelles suffisantes pour pouvoir s’engager dans des activités coûteuses sur le plan métabolique.

Impulsivité et manque de discipline

Graphique indiquant un taux de leptine plus élevé chez les personnes implulsives.
Le taux de leptine est plus élevé chez les personnes impulsives jeunes (gris clair) ou âgées (gris foncé).

Des chercheurs italiens se sont intéressés à son influence sur la personnalité au sein d’un vaste groupe composé de 5 214 personnes âgées de 18 à 94 ans. Ils ont découvert que les participants ayant les niveaux sanguins les plus élevés de leptine partagent des traits communs : ils sont plus impulsifs et manquent de discipline.

Prise de risques

Les personnes impulsives ont tendance à adopter des comportements à risque dans leur vie quotidienne. Une étude s’est intéressée au lien entre ce type de conduite et les hormones métaboliques, non seulement la leptine, mais également la ghréline. Cette dernière exerce l’effet inverse de la leptine. Sécrétée par les cellules gastro-intestinales quand l’estomac est vide, elle stimule l’appétit.

Les volontaires, tous de sexe masculin, ont été confrontés à des prises de décision impliquant un risque financier dans différentes circonstances : après 14h de jeûne, immédiatement après avoir mangé un repas de 2 066 kcal ou 1h après celui-ci.

Le ventre plein invite à la prudence

Graphique indiquant une augmentation de l'aversion pour le risque en fonction du taux de leptine.
L’aversion pour le risque augmente avec la baisse du taux de ghréline.

Les analyses ont révélé que les participants étaient moins enclins à prendre des risques 1h après le repas, période où le taux de ghréline est fortement abaissé. L’état de satiété conduirait donc plutôt à la prudence, tandis que la faim favoriserait des conduites plus risquées.

Cette tendance est observée chez les animaux : lorsque la nourriture vient à manquer, ils ont tendance à s’aventurer dans des zones moins sûres ou à choisir des sources de nourriture plus difficiles d’accès, s’exposant à des dangers potentiels.

Mais un autre élément retient l’attention dans cette étude. Elle a en effet permis d’établir que les personnes ayant un niveau de base plus élevé en leptine optent spontanément pour des options plus risquées.

Détresse psychologique

La leptine apparaît donc en mesure d’influencer nos traits de caractère et nos comportements. Pourrait-elle aussi conditionner nos états émotionnels ? Divers travaux ont exploré les liens entre la leptine et la présence de troubles psychiques, notamment la dépression.

Les personnes qui ont été victimes d’un accident vasculaire cérébral sont sujettes à développer cette affection, qui concerne environ un tiers d’entre elles. Une étude a mis en évidence qu’une concentration sanguine en leptine supérieure à 20,7 ng/ml multiplie ce risque par 16.

Des niveaux plus élevés de leptine ont également été mis en évidence chez des femmes traversant un épisode de dépression majeure, atteignant 22,5ng/ml en moyenne contre 12,3ng/ml en cas de bonne santé psychique.

Résistance à la leptine et dépression

À l’opposé, des niveaux sanguins trop faibles de leptine sont également associés aux états dépressifs. Si ces éléments peuvent apparaître contradictoires, ils ne le sont en réalité pas.

La leptine exerce des effets antidépresseurs, ce qui explique l’association entre sa raréfaction dans l’organisme et la dépression. On peut alors se demander pourquoi les personnes dépressives dont la concentration de leptine est forte ne profitent pas de ces bienfaits.

Bien souvent, cette situation témoigne de l’existence d’une résistance centrale à la leptine. Il s’agit d’un phénomène où, malgré des niveaux élevés de leptine dans le sang, le cerveau ne répond pas de manière adéquate à cette hormone : il y est devenu insensible. Ceci est souvent observé chez les personnes atteintes d’obésité, en raison d’une production accrue de leptine sur le long terme.

Elle concerne également les patients souffrant de diabète de type2. Chez ceux-ci, un lien a d’ailleurs pu être établi entre la résistance à la leptine et la présence de symptômes dépressifs et anxieux.

Un homme est assis sur un canapé et son visage triste évoque la dépression.
La leptine pourrait jouer un rôle dans la dépression.

Rôle dans les dépendances

L’influence de la leptine sur les comportements s’explique par sa capacité à agir sur notre cerveau. Elle y possède des récepteurs spécifiques, disséminés dans différentes régions de l’organe. Une partie de ceux-ci sont localisés au niveau du circuit de la récompense.

Lorsque nous sommes exposés à des stimuli plaisants comme la nourriture ou diverses substances psychoactives, de la dopamine – un messager cérébral surnommé molécule du plaisir – est libérée et ce système est activé. Une sollicitation fréquente et intense de celui-ci, résultant de l’utilisation répétée de ces substances, peut provoquer des changements neurologiques durables à l’origine du phénomène d’addiction.

Addiction à la nourriture

Graphique montrant une augmentation de la concentration en leptine en cas d'addiction à la nourriture.
L’addiction à la nourriture (en rouge) est associée à une élévation de la concentration de leptine.

Il semble intuitivement que l’addiction à la nourriture soit le type de dépendance le plus étroitement lié à la leptine, au vu de son rôle dans la régulation des comportements alimentaires. Une concentration sanguine élevée en leptine à jeûne a en effet été observée chez des enfants et adolescents présentant une perte de contrôle alimentaire.

Une étude s’est penchée sur un groupe d’adultes ayant une addiction au jeu, couplée pour certains à une dépendance à la nourriture. Cette dernière a été évaluée à l’aide d’un outil diagnostic précis, l’échelle d’addiction alimentaire de Yale 2.0.

Chez les participants présentant une addiction à la nourriture, une élévation des concentrations de leptine a été constatée, sans que les autres facteurs endocriniens analysés comme la ghréline ne soient modifiés.

Leur degré de dépendance au jeu était plus élevé que celui des autres membres du groupe, ainsi que leur anxiété phobique, leur tendance à l’obsession, à la compulsion et à l’impulsivité. Ils présentaient également une mauvaise régulation émotionnelle, une flexibilité mentale réduite et un autocontrôle peu efficace.

Motivation à consommer de l’alcool

La leptine pourrait également jouer un rôle dans l’addiction à l’alcool. Une étude menée chez 160 malades alcooliques récemment désintoxiqués a montré que l’augmentation de la concentration sanguine en leptine favorise la reprise de consommation.

Le taux sanguin de leptine est par ailleurs associé au « craving » chez des personnes prises en charge pour alcoolodépendance, cette envie irrésistible de consommer la substance addictive. Des observations similaires ont été réalisées pour d’autres types de dépendance, à la cocaïne par exemple.

Le lien de cause à effet semble soutenu par diverses expériences menées chez l’animal. Des souris habituées à l’alcool pendant trois mois augmentent leur consommation après une période de sevrage lorsque de la leptine leur est administrée.

Un homme tient d'une main un verre de whisky, il y a de la fumée de cigarette.
Les comportements addictifs seraient influencés par la leptine.

Prédispositions génétiques

Dans des lignées de souris privée de l’action de la leptine, l’attrait pour l’alcool est moins marqué que pour leurs congénères. Chez l’être humain, il existe des variations dans les gènes permettant la production de la leptine et de son récepteur, qui exercent une influence sur les niveaux de consommation d’alcool et de nicotine.

Difficultés à arrêter de fumer

Des travaux ont examiné les liens entre la leptine et l’addiction au tabac. Des niveaux sanguins élevés de leptine chez des volontaires sevrés depuis peu de temps vont de pair avec une augmentation du désir de fumer, des symptômes de sevrage plus intenses et une mauvaise humeur.

Une équipe a décrit le mécanisme reliant la leptine à l’intensité du désir de fumer. Dans leur étude, les chercheurs se sont également intéressés à un autre peptide impliqué dans la régulation du comportement alimentaire, l’orexine. À la différence de la leptine, elle stimule l’envie de manger.

Les analyses ont mis en évidence que des taux élevés de leptine et des taux bas d’orexine en début du sevrage tabagique réduisent la production de dopamine dans les aires du cerveau impliquées dans le circuit de la récompense, augmentant le désir de fumer.

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