Longévité : le rôle de la méthionine et de la glycine se précise
Modifié le 24 septembre 2024
Temps de lecture : 11 minutes
•julienvenesson.fr ce n’est pas que des formations professionnelles en nutrition, la sélection des meilleurs livres et des consultations avec des nutritionnistes, c’est aussi les réponses à vos questions dans les articles du blog. Bonne lecture !•
Comment diminuer son risque de cancer et vivre plus longtemps en dépensant le moins d’argent possible ? En cherchant sur internet, vous finirez par tomber sur une solution très simple : le jeûne et la restriction calorique. Mais quels sont les effets réels de la restriction calorique sur la santé ? Regardons de plus près.
Quels sont les effets réels de la restriction calorique
La restriction calorique est une technique qui consiste à consommer légèrement moins de calories que celles requises par l’organisme. Concrètement, cela se met en place en prenant la décision de toujours sortir de table en ayant encore légèrement faim.
Au départ, cette méthode était pratiquée dans certaines régions asiatiques et notamment sur l’île d’Okinawa, aussi appelée « île des centenaires ». Il n’en fallait pas plus pour qu’on se mette à penser que la restriction calorique était LE facteur principal qui expliquerait la longévité des habitants d’Okinawa. Dès lors, de nombreuses équipes de recherches ont voulu tester les effets de la méthode dans des conditions réelles. Le protocole expérimental consistait à mettre en place une alimentation avec restriction calorique tout au long de la vie d’animaux de laboratoire, des souris le plus souvent.
Le résultat d’une des premières études, publiée en 1986, était très clair : les souris nourries avec une restriction calorique de 55% ou plus vivent plus longtemps que les autres. Les chercheurs concluaient que « ces résultats offrent des perspectives nouvelles dans la recherche de la longévité ». Par la suite, ces résultats ont été confirmés sur d’autres animaux comme la mouche du fruit, la puce d’eau ou Caenorhabditis elegans, un petit vers très utilisé en biologie du vieillissement. Les résultats de ces études sont globalement époustouflants : transposés à l’homme, ils indiquent que nous pourrions vivre plus de 200 ans simplement en pratiquant la restriction calorique.
Comment fonctionne la restriction calorique
À chaque fois que nous bougeons, que nous respirons, notre corps produit de l’énergie via de petites centrales énergétiques située au cœur de nos cellules : les mitochondries. En produisant de l’énergie, ces unités génèrent également des déchets et des radicaux libres, des substances qui contribuent à l’usure du corps et donc au vieillissement.
Pour expliquer les bénéfices de la restriction calorique, les chercheurs ont donc pensé que plus nous mangeons, plus nous faisons fonctionner les mitochondries. L’excès de radicaux libres endommagent l’ADN, augmentant le risque de cancers et accélérant le vieillissement. À l’inverse, manger moins diminue la production de radicaux libres et ralentit le vieillissement.
Parallèlement à ça, les études sur les animaux soumis à une restriction calorique montraient que ces derniers présentaient des niveaux diminués (30 à 40% en moins) d’IGF-1, une hormone de croissance qui contrôle la prolifération cellulaire des tissus. Comme cette hormone ne fait pas de distinction entre des cellules saines et des cellules malades, des niveaux élevés d’IGF-1 dans le sang favorisent la croissance des tumeurs cancéreuses, même si l’IGF-1 seule ne provoque pas le cancer.
La restriction calorique semblait donc être une technique prometteuse, jusqu’à ce que…
La restriction calorique ne fonctionne plus
Au fil des années, les études sur la restriction calorique se succédaient, réaffirmant toujours les mêmes bénéfices. Jusqu’à ce que des chercheurs décident de tester son effet sur d’autres animaux : les souris sauvages (qui ne sont pas les mêmes que les souris de laboratoires, génétiquement sélectionnées) et le macaque rhésus. Faire une étude chez l’homme serait évidemment trop compliqué et trop long, étant donné notre durée de vie.

La plus grande étude sur la restriction calorique chez le macaque rhésus a été initiée en 1987 : 121 macaques rhésus ont été soumis à une restriction calorique de 30%, démarrée à différents moments de la vie, pendant 25 ans.
En 2012, les chercheurs ont annoncé leurs résultats : aucune différence d’espérance de vie n’a été constatée par rapport aux singes qui n’ont pas suivi de restriction calorique. Malgré tout, la restriction des calories a diminué les taux de cholestérol, le risque de cancers et de maladies cardiovasculaires.
Quant aux études sur les souris, les résultats sont aussi problématiques : en testant la restriction calorique sur 41 espèces de souris différentes, des chercheurs se sont aperçu que la restriction calorique est loin d’être toujours efficace. Pire : dans la majorité des cas, la restriction calorique a diminué la longévité des animaux !
Quant aux souris sauvages, les résultats sont clairs : la restriction calorique ne leur permet pas de vivre plus longtemps. Néanmoins, comme les macaques, les souris restreintes développent un peu moins de cancers. Autrement dit : en restriction calorique, les animaux meurent moins du cancer, mais plus souvent d’autres causes.
Les chercheurs ont tiré une conclusion claire de leurs résultats : rien n’indique que la restriction calorique puisse prolonger la vie chez les mammifères.
Expérimentation chez l’homme
Quand les premières études sur la restriction calorique sont apparues, un bon nombre de passionnés enthousiastes n’ont pas voulu perdre de temps pour se lancer dans l’aventure. Aux États-Unis, une association à but non lucratif a été créée dans les années 90 : la société de la restriction calorique (CR Society). Ses membres pratiquent tous assidûment la restriction calorique.
Comme il n’existe pas d’étude chez l’homme ayant testé l’effet de cette alimentation, ces volontaires sont rapidement devenus des sujets d’étude. En 2009, des chercheurs de l’université de Washington sont allés à la rencontre de plusieurs membres qui pratiquaient la restriction calorique, depuis 7 ans en moyenne. Ils ont accepté de livrer des échantillons de leur sang pour analyse.
Les chercheurs ont ainsi été surpris de constater que malgré la restriction calorique, les niveaux d’IGF-1 n’étaient pas abaissés, comparativement aux personnes qui ne se restreignent pas. En se demandant pourquoi, ils se sont souvenus que chez des végétaliens, les niveaux d’IGF-1 sont plus bas que chez les omnivores, même lorsqu’ils mangent beaucoup et qu’ils sont en surpoids. Les végétaliens ayant toujours des apports alimentaires en protéines plus faibles que les omnivores, en raison de l’absence de produits animaux, les chercheurs se sont demandé s’il pouvait y avoir un lien.
Pour en avoir le cœur net, ils ont demandé à quelques membres de la CR Society de diminuer leurs apports en protéines. Résultat : cette fois leurs niveaux d’IGF-1 se sont bien mis à baisser. En effet, on sait maintenant que chez l’être humain, le moyen de modifier les niveaux d’IGF-1 à long terme n’est pas de diminuer les calories, mais de manger moins de protéines.
Début 2014, le Pr Valter Longo de l’université de Californie du Sud, célèbre pour ses travaux sur les bénéfices du jeûne dans le traitement du cancer, a publié une étude conduite auprès de plus de 6000 adultes. Elle a confirmé ces résultats de façon plus formelle : plus on mange de protéines, plus les niveaux d’IGF-1 circulant dans le sang sont élevés et plus la croissance de tumeurs cancéreuses peut s’accélérer. Les résultats de cette étude ont été relayés dans la presse grand public avec des titres tape-à-l’œil comme « le poulet plus dangereux que la cigarette » et surtout en oubliant de parler de la partie la plus importante de l’étude.

Quand manger moins de protéines accélère la mort
L’étude du Pr Longo montre certes que les personnes qui mangent plus de protéines entre 50 et 65 ans ont plus de risque de cancers, mais elle arrive également à une autre conclusion. Après 65 ans, les personnes qui continuent à manger peu de protéines ont un risque de mourir d’un cancer augmenté de 70% et un risque de mourir de n’importe qu’elle autre cause augmenté de 28%, comparativement aux personnes qui mangent beaucoup de protéines !
Quelques semaines plus tard, une autre équipe a publié une étude dans la revue scientifique Aging Cell, spécialisée dans les phénomènes de vieillissement. En utilisant un modèle de souris transgénique, les chercheurs ont confirmé les découvertes du Pr Longo : de faibles niveaux d’IGF-1 diminuent certes le risque de cancer dans la jeunesse, mais ils provoquent des problèmes de santé en vieillissant, y compris des problèmes qui diminuent l’espérance de vie en bonne santé. En d’autres termes, le nombre de problèmes de santé qui ne tuent pas augmente. Ils ont notamment constaté une fragilité osseuse accentuée, une perte de masse musculaire avec une vulnérabilité aux infections et une baisse de la fertilité.
À la vue de ces résultats, l’analyse nouvelle des anciennes études sur la restriction calorique des animaux permet de comprendre le facteur responsable des résultats parfois contradictoires : ce n’est pas la restriction calorique qui augmente la longévité, mais la restriction en protéines. La question aurait pu s’arrêter là, mais des chercheurs ont voulu savoir quelles protéines en particulier étaient responsables de ces effets.
Vivre plus longtemps sans manger moins
Par la suite, différentes équipes de recherche ont testé sur des souris l’effet d’une alimentation normale (sans restriction des protéines ni des calories), tout en faisant varier l’apport de chaque acide aminé. Les acides aminés correspondent aux briques essentielles constitutives des protéines. Aucune des variations n’a eu d’effet, à l’exception d’une seule : la quantité de L-méthionine.
En diminuant les apports en L-méthionine uniquement, les chercheurs sont parvenus à obtenir chez la souris des bénéfices strictement identiques à ceux obtenus via la technique de la restriction calorique. Mais en réalité, les effets étaient encore meilleurs : alors que la restriction calorique classique provoquait des retards de croissance et des fragilités immunitaires, rien de tout cela n’apparaissait avec la restriction en méthionine. Mais pourquoi la méthionine particulièrement ?

La méthionine est un acide aminé très abondant dans les aliments riches en protéines comme les viandes, les poissons, les œufs ou les laitages. On en trouve aussi une petite quantité dans les oléagineux et les céréales, et très peu dans les fruits et légumes. D’après les chercheurs, la méthionine est l’acide aminé qui fait produire le plus de radicaux libres au sein des mitochondries. Ces radicaux libres produisent des dégâts oxydatifs sur les protéines et l’ADN mitochondrial, ce qui ouvre la voie au cancer. Ils expliquent donc que la restriction en méthionine s’avère être un moyen particulièrement prometteur d’augmenter la longévité chez l’être humain, sans provoquer les effets néfastes liés à une restriction des protéines ou des calories. Mais il existe un autre moyen encore plus simple d’y parvenir.
Bloquer les effets néfastes de la méthionine
Partant du constat que l’excès de méthionine est toxique, des chercheurs en biologie cellulaire ont fait un raisonnement très simple : dans le corps humain, on sait que le foie se charge d’éliminer l’excès de cet acide aminé. Il le fait via une enzyme appelée glycine N-méthyltransférase, qui le transforme en homocystéine. Pour fonctionner, cette enzyme a besoin de L-glycine, un autre acide aminé qu’on trouve dans les aliments. Ils ont donc décidé de tester l’effet d’une alimentation normale sur des rats avec un simple ajout de glycine dans leur alimentation.
L’ensemble des les rats qui ont reçu la glycine supplémentaire dans leur alimentation ont vécu plus longtemps, ont présenté des niveaux d’IGF-1, d’insuline et de triglycérides plus faibles, exactement comme dans le cas d’une restriction en protéines, mais sans aucun effet secondaire ! En fait, des études menées dès les années 90 avaient commencé à montrer que plus les apports alimentaires en glycine sont conséquents, plus la longévité augmente.
En mars 2014, des chercheurs néozélandais ont démontré que la glycine contrôle l’expression de l’IGF-1. Autrement dit, la glycine permet à nos hormones de croissance d’être suffisamment élevées pour favoriser la cicatrisation, la croissance et améliorer la longévité, tout en les empêchant d’être trop actives et de favoriser le cancer et la dégénérescence.
Pourquoi l’être humain manque de glycine
Même si ces résultats sont intéressants, ils sont aussi très surprenants : pourquoi donc aurions-nous des besoins supplémentaires en glycine ? Pourquoi l’alimentation ne suffirait-elle pas ? La réponse nous vient de l’évolution.
Pendant 9 millions d’années, avant les débuts de l’agriculture (il y a 10 à 12 000 ans environ), lorsque nous étions chasseurs-cueilleurs et que nous mangions des produits animaux, nous ne consommions pas uniquement du muscle comme nous le faisons aujourd’hui (filet de bœuf, poissons, poulet, etc.). Nous consommions également des organes comme le foie ou la cervelle – d’excellentes sources de vitamines et d’acides gras essentiels lorsque les animaux ne sont pas contaminés par les antibiotiques et les pesticides – et des tissus conjonctifs (peau, moelle osseuse, cartilage, etc.).

Les abats, riches en glycine, sont rarement au menu.
Or, il se trouve que ces tissus conjonctifs sont très riches en collagène, une protéine qui contribue à la résistance mécanique des tissus à l’étirement. Le tiers des acides aminés qui composent le collagène sont des résidus de L-glycine alors qu’ils ne représentent que 4% des acides aminés composant les protéines de la viande ou du poisson.
En arrêtant de manger les abats, la peau, les cartilages… des animaux, on s’est progressivement privé de L-glycine. Aujourd’hui, seule la gélatine utilisée en cuisine ou dans la confiserie nous en apporte, et en petites quantités !
En décembre 2009, des chercheurs espagnols experts en biochimie et en métabolisme ont calculé que :
- dans les pays occidentaux, les apports alimentaires en L-glycine sont de 1,5 à 3g par jour (jusqu’à 6g avec une alimentation très très riche en protéines) ;
- la synthèse naturelle de la glycine par notre organisme (à partir de la L-sérine, un acide aminé apporté par les aliments, ou recyclé dans note organisme) apporte environ 3g de glycine par jour ;
- la synthèse de métabolites à base de glycine nécessite 1,5g de glycine par jour, la production d’autres protéines mineures nécessite 1g par jour et la formation du collagène dans notre organisme nécessite 12g par jour au minimum, soit un total de 14,5g de glycine par jour.
Par conséquent, si l’on souhaite combler parfaitement nos besoins en glycine, nous sommes en déficit constant à hauteur de 10g par jour.
À la suite de cette découverte, les chercheurs ont estimé que la glycine devrait avoir le statut d’acide aminé « semi-essentiel », c’est-à-dire qui peut être produit dans l’organisme, mais dont les besoins sont trop élevés pour que cette synthèse seule soit suffisante. Ils ajoutent :
« pour couvrir tous les besoins métaboliques et en particulier la synthèse du collagène, 10 g de glycine supplémentaire sont nécessaires chaque jour pour un adulte de 70 kg. Une supplémentation est nécessaire pour garantir un métabolisme sain et optimal ».
Cela peut sembler curieux de prime abord, mais remis dans le contexte de l’évolution, ça devient tout à fait logique : l’homme paléo consommait suffisamment de collagène pour couvrir ses besoins en glycine, alors que ce n’est plus notre cas. Aujourd’hui, notre foie manque de glycine pour détoxifier la méthionine qui produit des radicaux libres dans les mitochondries, augmente notre risque de cancer et diminue notre longévité.
Les autres effets de la glycine sur la santé
Aucune étude n’a testé l’effet d’une supplémentation en glycine à long terme chez l’être humain, mais quelques études faites sur de plus courtes périodes montrent de nombreux bénéfices :
- à la dose de 3g au coucher, la glycine améliore la qualité du sommeil, en accélérant l’installation de la phase de sommeil à ondes lentes (le « sommeil réparateur ») et, chez des individus en déficit de sommeil (temps de sommeil réduit de 25%), réduit significativement la fatigue pendant la journée suivante comparativement au placebo ;
- la glycine améliore la concentration, la réactivité et la mémoire. Ces effets pourraient être la conséquence d’une stimulation de l’hormone de croissance par la glycine chez l’homme ;
- en 1941, des chercheurs ont administré 6g de glycine à une quarantaine de personnes (sportifs et sédentaires) et un placebo à vingt autres. Après 10 semaines, ils ont analysé l’évolution de la force sur des exercices variés (tractions, pompes, 100 mètres, etc.). Résultat : les volontaires qui ont reçu de la glycine ont vu l’intensité de leur force augmenter de 12 à 23% et leur poids corporel de 0,5 à 1 kilo. Les scientifiques ont analysé des échantillons sanguins des volontaires et sont arrivés à la conclusion que la glycine engendre un effet anti-catabolique dans le corps humain, facilitant les gains de masse musculaire ou de force ;
- des expériences préliminaires suggèrent aussi que la glycine pourrait améliorer la sensibilité à l’insuline et ainsi, diminuer le stockage de la graisse au niveau abdominal ;
- en permettant la synthèse du collagène, la glycine exerce un effet anti-vieillissement qui retarde l’apparition des rides, contribue à des os solides, à des articulations fortes et à des artères souples. Une étude sur plus de 600 personnes dirigée par le Pr De Paz Lugo de l’institut Cellular Metabolism (Tenerife, Espagne) a constaté qu’une supplémentation en glycine atténue les symptômes de l’arthrose et accélère la guérison des blessures des tissus conjonctifs (articulations, tendons, etc.) ;
- la glycine booste nos niveaux de glutathion endogène, un puissant antioxydant qui permet de stopper les radicaux libres produits par l’excès de méthionine, l’adaptation aux stress et qui a tendance à baisser avec l’âge ou en cas de maladie chronique.
Comment se supplémenter en glycine
Il existe plusieurs moyens de se supplémenter en glycine :
- acheter de la gélatine en complément alimentaire (dur à trouver, contraignant à prendre et questionnable sur le plan sanitaire (prions, bactéries, etc.)) ;
- acheter du collagène en complément alimentaire, en étant particulièrement vigilant sur sa qualité ;
- boire régulièrement du bouillon d’os (difficile pour être régulier), vous pouvez trouver une excellente recette sur le site de Nutriting.
- se supplémenter directement en L-glycine en poudre, à la dose de 8 à 15g par jour selon son gabarit.
Autres articles





