La vitamine B9 sous forme d’acide folique augmenterait le risque d’adénome et de polypes du côlon

Modifié le 22 mars 2024

Temps de lecture : 4 minutes
()
Des gélules se déversent d'un pot en plastique. En arrière plan, se trouvent des fruits pour évoquer les vitamines.

julienvenesson.fr ce n’est pas que des formations professionnelles en nutrition, la sélection des meilleurs livres et des consultations avec des nutritionnistes, c’est aussi les réponses à vos questions dans les articles du blog. Bonne lecture !

Lorsqu’on évoque la vitamine B9, on fait pense généralement à l’acide folique. Cependant, ces deux appellations ne sont pas synonymes. L’acide folique représente une forme synthétique de la vitamine B9, rencontrée dans les compléments alimentaires bon marché ou les aliments artificiellement enrichis. Dans les aliments bruts, la vitamine B9 est présente sous forme de folates. Au-delà de la simple terminologie, la différence entre ces deux formes de vitamine B9 est de taille, car l’acide folique est associé à certains risques pour la santé.

Depuis plusieurs années, les compléments d’acide folique sont en effet suspectés de favoriser le développement de certains cancers comme le cancer colorectal. Pour cette forme de la maladie, l’acide folique jouerait un double rôle : d’un côté, il préviendrait la cancérogenèse avant l’apparition de la tumeur, mais de l’autre côté, une fois qu’une lésion a démarré, il favoriserait la progression de la tumeur. Cet effet néfaste a été démontré, entre autres, dans une étude américaine qui a fait l’objet de plusieurs publications. Voici le déroulé des événements.

Un essai clinique interrompu à cause du risque de cancer

Entre 1994 et 1998, l’essai clinique du programme « Aspirin/Folate Polyp Prevention » a recruté, aux États-Unis et au Canada, 1 021 personnes qui avaient un adénome. Un adénome est une tumeur bénigne colorectale, ou polype, qui risque d’évoluer en tumeur cancéreuse à long terme.

Au départ, l’idée des chercheurs était de tester une complémentation en acide folique, pour savoir si elle réduirait le risque d’apparition de nouveaux polypes à la coloscopie suivante. 516 personnes ont pris 1 mg par jour d’acide folique et les autres un placebo, avec ou sans aspirine (81 mg ou 325 mg par jour). L’aspirine a été utilisée car elle est connue pour diminuer légèrement le risque de cancer colorectal à long terme et à petites doses.

L’expérience aurait dû s’arrêter au bout de trois ans, à la coloscopie suivante. Mais les premiers résultats n’ont montré ni effet positif ni effet négatif de la complémentation en acide folique sur trois ans. Les chercheurs ont donc décidé de poursuivre l’étude plus longtemps, jusqu’à la coloscopie suivante, pour trois à cinq années supplémentaires.

987 patients avaient terminé cette première étape. Parmi eux, 729 ont accepté de continuer à prendre l’acide folique ou le placebo, tandis que 197 ont préféré être simplement suivis et 61 sont sortis de l’étude. Les chercheurs avaient prévu d’arrêter l’essai au 31 décembre 2006. Mais ils ont constaté une augmentation du risque de polypes avec l’acide folique. Ils ont donc décidé d’arrêter prématurément l’expérience, à savoir en octobre 2004. La complémentation avec l’acide folique qui semblait aussi augmenter le risque de cancer de la prostate a donc été arrêtée. Mais l’histoire de cet essai clinique va tout de même continuer.

Un médecin tient une représentation de l'appareil digestif dans sa main.
Les polypes peuvent apparaître en tout point de la paroi du côlon ou du rectum.

Une augmentation du risque d’adénome au bout de 6-7 ans

161 personnes ont terminé le second intervalle de surveillance après octobre 2004, et n’avaient pas été prises en compte dans la première analyse publiée. C’est pourquoi, dans un nouvel article paru en août 2019, les chercheurs ont réévalué le risque de polypes dans le second intervalle de surveillance en ajoutant les données de ces 161 patients. Globalement, pour cette nouvelle analyse, la durée du suivi a été de 7,3 ans et la durée du traitement de 6,2 ans.

Avec toutes ces données, les auteurs ont observé que 36% des personnes du groupe placebo et 43% des personnes qui avaient pris l’acide folique ont eu une nouvelle néoplasie colorectale à la fin du second intervalle de surveillance. De plus, concernant les adénomes dentelés sessiles, des polypes qui sont à l’origine de cancers du côlon, le risque était presque doublé avec l’acide folique (+94%)  !

Le suivi a continué des années après l’arrêt de l’acide folique. Fort heureusement, une fois que le traitement est arrêté, les patients n’ont plus de risque accru de polype : l’effet de la complémentation s’arrête quand on stoppe le traitement. De même le risque de cancer de la prostate s’atténue et devient moins significatif.

Un complément à prendre avec précaution

En conclusion de ces travaux, on peut dire que le risque de polype est accru chez ces patients ayant pris de l’acide folique de six à sept ans. La complémentation en vitamine B9 synthétique ne devrait donc pas être recommandée en prévention du cancer colorectal, comme le soulignait déjà une publication en 2008. Pour l’Anses, la consommation de plus de 1mg par jour d’acide folique sous forme de compléments doit se faire sous surveillance médicale.

De l’acide folique caché dans les aliments

Variété de céréales industrielles.
Les céréales industrielles contiennent souvent de l’acide folique.

Le problème est que certains aliments industriels, comme les céréales du petit déjeuner pour enfants, sont enrichis en vitamine B9 synthétique, si bien que beaucoup de personnes en absorbent de cette façon.

Or il faut distinguer l’effet de la vitamine B9 synthétique de la vitamine naturelle. L’acide folique des compléments alimentaires est converti par l’organisme en tétrahydrofolate, la forme active de vitamine B9. Mais seulement en partie : une proportion d’acide folique reste sous forme intacte et peut s’accumuler dans l’organisme avec potentiellement des effets néfastes, comme nous venons de le voir dans le cas des cancers colorectaux et de la prostate. Pour ces raisons, les apports en vitamine B9 naturelle sont préférables.

Cette vitamine B9 sous forme de folate se trouve dans les aliments comme le foie, le jaune d’œuf, les haricots rouges, les lentilles, les pois chiches, les asperges, les brocolis… Mais ce micronutriment est fragile et disparaît rapidement quand on chauffe les aliments. Les déficits sont très fréquents, y compris chez les personnes dont l’alimentation est variée. Ils sont propices à la survenue de dépression.

Attention à la forme utilisée pour la supplémentation

L’autre source d’exposition principale à la vitamine B9 sous forme d’acide folique reste les compléments alimentaires de toutes sortes, dans lesquels cette vitamine est souvent présente : compléments multivitamines, compléments de fer, produits contre les douleurs…

Il faut donc faire attention et lire les étiquettes des compléments alimentaires. Les produits de qualité ne contiennent pas d’acide folique, mais de la vitamine B9 naturelle sous forme de folates (méthyltétrahydrofolates, méthylfolates.…).

Pour rappel, les apports quotidiens optimums en vitamine B9 s’élèvent à 330 µg/jour chez les adultes en population générale, et à 440 µg/jour chez les femmes en période péri-conceptionnelle, c’est-à-dire huit semaines avant et huit semaines après la conception d’un enfant. Une carence en vitamine B9 en début de grossesse peut conduire à de graves conséquences pour le fœtus, comme des anomalies de développement (spina bifida).

Avez-vous aimé cet article ?



Autres articles

Vous aimeriez peut-être aussi ?
separation_couleur1