Le calcium donne-t-il des os solides ?

Modifié le 20 décembre 2023

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Illustration d'os et de produit laitier

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Tout le monde sait que le calcium donne des os solides. Les connaissances actuelles de la science montrent cependant que cette assertion comporte une grosse part de croyance. Les choses sont plus complexes et nuancées, et des apports importants en calcium ne riment pas avec une réduction du risque de fractures.

Le rôle du calcium dans la structure de l’os

Le calcium est indispensable à la structure de l’os. Dans le tissu osseux, des cellules appelées ostéoblastes fabriquent une matrice de collagène dans laquelle elles libèrent des sels de calcium, de magnésium, de phosphore, de potassium et de sodium. Ces minéraux apportent de la rigidité à la structure osseuse ainsi constituée.

Le sel le plus abondant dans la matrice osseuse est l’hydroxyapatite, qui contient à la fois du calcium et du phosphore. La structure de l’os se présente comme une succession de couches concentriques, minéralisées, qui se sont déposées autour d’un canal où passent les vaisseaux sanguins et les fibres nerveuses.

Dans l’os, d’autres cellules, les ostéoclastes, détruisent de la matière osseuse lorsqu’elle vieillit. L’os se renouvelle sous l’action conjointe des ostéoblastes et des ostéoclastes. Puisqu’il fait partie intégrante de la structure de l’os, des apports réguliers en calcium sont nécessaires pour assurer le processus de reconstruction.

Processus de reconstruction de l'os
Les ostéoclastes et les ostéoblastes œuvrent conjointement pour renouveler la structure de l’os

Les besoins de l’organisme en calcium

Les apports de calcium quotidiens recommandés par l’ANSES s’élèvent à 950mg par jour pour les adultes de plus de 24 ans. Ils peuvent provenir de l’alimentation, ou de compléments alimentaires.

Les paramètres qui influencent les besoins en calcium

Le besoin réel en calcium dépend toutefois de plusieurs paramètres. Il varie en fonction de l’âge mais aussi de l’équilibre acido-basique de l’organisme. Par ailleurs, les besoins augmentent chez les femmes après la ménopause, à cause de la chute du taux d’œstrogènes, qui participent au remodelage de l’os. On estime que les femmes de plus de 55 ans et les hommes de plus de 65 ans nécessitent des apports de 1200mg par jour de calcium.

Les besoins en calcium varient en fonction de l’alimentation

Dans le cas d’une alimentation riche en protéines animales, acidifiante, l’organisme va puiser dans les os des minéraux qui vont servir de bases pour tamponner cette acidité, ce qui va entraîner une fuite de calcium. La nécessité de compenser ces pertes conduit donc à un besoin en calcium plus élevé.

Viande et poisson cru

Une alimentation salée entraîne également des pertes de calcium, comme le montre une étude de l’université de Californie sur 60 femmes ménopausées qui a comparé leurs pertes de calcium selon la richesse en sel de leur régime alimentaire. Le régime riche en sel a conduit à une augmentation de l’élimination de calcium de 42mg. Les auteurs en concluent que :

« Une consommation accrue de sources alimentaires de sels alcalins de potassium, à savoir les fruits et légumes, peut être bénéfique pour les femmes ménopausées à risque d’ostéoporose, en particulier celles qui consomment une alimentation généreuse en chlorure de sodium, » c’est-à-dire en sel.

Deborah E Sellmeyer et al.

Pour favoriser la solidité des os, il est donc conseillé d’avoir une alimentation riche en fruits et légumes qui apportent des minéraux alcalins, comme le potassium. Ces végétaux apportent aussi parfois du calcium.

Les aliments et compléments qui apportent du calcium

Dans les pays occidentaux, les produits laitiers sont souvent présentés comme bons pour la santé osseuse en vertu du calcium qu’ils apportent. Cependant, les produits laitiers ne sont pas les seuls aliments à apporter ce minéral.

Parmi les aliments les plus riches en calcium, on trouve bien les produits laitiers, mais aussi les algues (nori, lichen de mer, wakamé…) et autres produits de la mer (sardines, saumon…), les légumes verts à feuille (poireaux, épinards…), les fruits à coques (amandes…), ou encore les légumineuses (haricots blancs…).

Aliments riches en calcium

La supplémentation en calcium se base généralement sur des doses de l’ordre de 800 à 1200mg par jour de calcium, ou 250mg d’hydroxyapatite microcristalline de calcium (MCHA). Les doses supérieures à 2000mg de calcium par jour sont déconseillées.

Le calcium est-il efficace pour prévenir les fractures ?

La calcémie représente le taux de calcium dans le sang. Si elle est trop basse, le calcium sera puisé dans les os, ce qui va les fragiliser. Chez l’enfant, un manque de calcium favorise le rachitisme. Chez l’adulte âgé, la déminéralisation osseuse conduit à l’ostéoporose, à l’origine d’un important risque de fractures. Pour savoir si un patient souffre d’ostéoporose, le médecin fait réaliser une ostéodensitométrie qui permet d’évaluer l’état de la déminéralisation au travers d’une mesure de la densité osseuse.

Résultat d'une ostéodensitométrie
L’ostéodensitométrie est un examen qui mesure la densité de l’os

Le mythe du calcium pour diminuer le risque de fractures

Pour autant, considérer que le calcium diminuerait le risque de fracture relèverait de la conclusion hâtive. Le graphique suivant, issu du livre « Le mythe de l’ostéoporose » de Thierry Souccar, montre la relation entre la consommation de calcium et le taux de fractures du col du fémur chez les femmes de plus de 50 ans :

Relation entre la consommation de calcium (mg/jour) et taux de fractures du col du fémur (pour 100 000 personnes) chez les femmes de plus de 50 ans.
Relation entre la consommation de calcium et le taux de fractures du col du fémur

Dans un article publié dans l’American Journal of Clinical Nutrition, le Pr Mark Hegsted, alors en poste au centre de nutrition humaine du ministère de l’Agriculture des Etats-Unis, résumait la situation ainsi :

« Bien que des consommations élevées de calcium soient recommandées depuis longtemps pour prévenir l’ostéoporose, il y a peu de preuves que le lait, les produits laitiers et les suppléments de calcium préviennent les fractures. (…) Aujourd’hui, les niveaux de calcium sont si élevés qu’il est difficile, sinon impossible de concevoir un régime pratique qui en fournit autant. (…) Une proportion importante de la population mondiale suit un régime alimentaire pauvre en lait, laitages et calcium avec pourtant un [développement osseux normal] et ces populations ne connaissent pas les taux excessifs de fractures [des pays développés]. Comme les maladies coronariennes, les fractures sont largement une maladie des sociétés occidentales. (…) Les pays qui suivent un régime occidental – en particulier les États-Unis, le Canada, l’Europe de l’Ouest – ont à la fois des taux élevés de maladies cardiovasculaires et de fractures, ce qui suggère des causes communes. »

Pr Mark Hegsted

L’état des connaissances scientifiques sur le rapport entre le calcium et le risque de fractures

couverture du journal The BMJ

D’autres études plus récentes ont confirmé que la consommation de produits laitiers et de calcium ne préserve pas du risque de fractures. Ainsi, un article paru récemment dans la revue BMJ a compilé les résultats d’une quarantaine d’études scientifiques sur la relation entre les apports en calcium, en lait et le risque de fractures :

 « L’apport alimentaire en calcium n’est pas associé au risque de fracture, et il n’y a aucune preuve d’essai clinique que l’augmentation de l’apport en calcium provenant de sources alimentaires prévient les fractures. » 

Mark J Bolland et al.

Concernant les apports de calcium sous forme de lait et de produits laitiers, la plupart des études n’ont relevé aucune association. Parmi les travaux considérés dans cette méta-analyse, 26 essais cliniques portaient sur les compléments alimentaires de calcium :

  • 20 études, comprenant 58573 personnes, suggèrent que les compléments réduisent le risque total de fractures, en moyenne de 10% environ ;
  • 12 études, comprenant 48967 personnes, montrent une réduction du risque de fractures au niveau des vertèbres ;
  • 13 études, soit 56648 personnes, ne trouvent pas de réduction du risque de fracture de la hanche ;
  • 8 études, soit 51775 personnes, ne trouvent pas de réduction du risque de fracture du bras.

Pour comprendre ces données, il est important de tenir compte du fait que les auteurs précisent que beaucoup de ces études sur les compléments de calcium étaient de mauvaise qualité. Sur les quatre études les moins biaisées, qui ont porté sur 44505 personnes, aucun lien n’est apparu entre les compléments de calcium et le risque de fracture.

Or la complémentation en calcium n’est pas anodine puisqu’elle présente des risques d’effets secondaires.

Les risques liés à la complémentation en calcium

Dans son Guide pratique des compléments alimentaires, Brigitte Karleskind signale que les compléments de calcium sont déconseillés dans le cas de différentes pathologies : hyperparathyroïdie, maladie rénale chronique, calculs rénaux, cancer de la prostate. Les compléments de calcium augmentent le risque d’hypercalciurie et de calculs urinaires.

D’après des études d’observation, les doses élevées de calcium sanguin augmentent le risque d’infarctus, à cause de la calcification des artères. Même si ce sujet reste controversé, il semble que le calcium issu de la complémentation augmente le risque cardiovasculaire, contrairement au calcium alimentaire.

Différences entre le calcium alimentaire et sous forme de compléments
Contrairement au calcium issu de l’alimentation, les compléments pourraient augmenter le risque cardiovasculaire

Les vitamines et minéraux importants pour la santé osseuse

Outre le calcium, plusieurs autres micronutriments sont impliqués dans la santé osseuse.

La vitamine D est nécessaire à l’assimilation du calcium

La vitamine D est impliquée dans le mécanisme d’absorption du calcium. À ce titre, ces deux nutriments sont indissociables et doivent être apportés en quantité suffisante.

De nombreuses études ont analysé l’effet d’une complémentation en vitamine D, associée ou pas avec du calcium. Ainsi, une méta-analyse très récente a regroupé 24 essais cliniques randomisés contrôlés, incluant plus de 40000 participants. La plupart étaient des femmes âgées, mais ayant moins de 80 ans.

Ces études visaient à évaluer l’effet de la complémentation en vitamine D sur le risque de fractures. La vitamine D seule ne s’est pas montrée suffisante pour réduire les fractures. En revanche, l’association de compléments de vitamine D et de calcium réduit significativement les fractures :

 « L’utilisation de suppléments de vitamine D, en particulier de vitamine D3, pourrait réduire l’incidence des chutes. Seule la vitamine D associée à un supplément de calcium a montré un avantage dans la réduction des fractures. »

Saran Thanapluetiwong et al.

Le magnésium est impliqué dans l’absorption du calcium

Le magnésium joue aussi un rôle important pour la santé osseuse puisqu’il favorise l’absorption du calcium, augmente l’action des ostéoblastes et réduit celle des ostéoclastes. Un déficit en magnésium est associé à une fragilité osseuse, alors qu’une complémentation augmente au contraire la densité osseuse.

Ainsi, une vaste étude de l’université d’État de l’Ohio a récemment comparé la structure osseuse et les apports en magnésium de plus de 73000 femmes ménopausées. Elles ont été séparées en cinq groupes, ou quintiles, en fonction de leurs apports en magnésium. Les résultats montrent que les femmes qui consommaient le moins de magnésium avaient une plus faible densité osseuse.

Densité osseuse de la hanche (hip), de la colonne vertébrale (spine) et de l’ensemble du corps, en fonction des apports en magnésium
La densité osseuse dépend des apports en magnésium
Le manque de magnésium est associé à un risque accru de fractures chez les hommes (A) comme chez les femmes (B)

Peu après, des chercheurs de l’université de Padoue ont montré que les femmes qui consommaient suffisamment de magnésium voyaient leur risque de fracture réduit de 27%.

En France, l’étude SU.VI.MAX a montré que :

Parmi les aliments les plus riches en magnésium, on trouve les légumineuses (haricots…), le cacao, les noix du Brésil et noix de Grenoble, les graines de courge ou graines de tournesol, les amandes, les noisettes, les pistaches, le café, les céréales complètes, les fruits de mer, certaines eaux minérales comme la rozana, l’hépar

Les apports journaliers recommandés en magnésium s’élèvent à 375mg par jour.

Le potassium : un minéral alcalinisant qui tempère les fuites de calcium

Le potassium est un minéral qui joue un rôle indirect en tempérant les fuites de calcium osseux, grâce son caractère alcalinisant. C’est ce qui a été démontré dans une étude de 2015 dans laquelle 233 hommes et femmes de plus de 50 ans ont pris soit un placebo, soit du bicarbonate de potassium pendant trois mois. La complémentation en potassium a réduit l’excrétion de calcium dans les urines et les marqueurs de résorption de l’os : l’os a donc été mieux préservé grâce aux compléments.

Les apports journaliers recommandés en potassium s’élèvent à 3500mg par jour. Les aliments riches en potassium regroupent les algues, les pistaches, les noisettes, les amandes, les poissons (saumon…), les légumes (haricots…), le café, ou encore le cacao.

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