Les oméga-3 pourraient protéger du cancer de la peau

Modifié le 14 décembre 2023

Temps de lecture : 8 minutes
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Diagnostic d'un cancer de la peau

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Les cas de cancer de la peau ont fortement augmenté au cours des quatre dernières décennies. Si les mélanomes sont les plus dangereux, ils sont bien moins courants que les carcinomes. Les acides gras polyinsaturés oméga-3, et tout particulièrement l’acide eicosapentaénoïque (EPA) abondant dans les poissons gras, exerceraient un effet préventif contre ces derniers.

L’impact des acides gras polyinsaturés sur le risque de cancer de la peau

Les cancers cutanés sont principalement provoqués par l’exposition au soleil, qui émet des rayons ultraviolets aux effets mutagènes. Le risque d’en être affecté semble modulé par certains facteurs alimentaires, et notamment par la nature des acides gras polyinsaturés que nous consommons.

Le carcinome épidermoïde est plus rare en cas de bons apports en oméga-3

Une étude menée en Arizona a ainsi montré que les personnes ayant une alimentation riche en oméga-3 présentent un risque plus faible de développer un carcinome épidermoïde. Il s’agit de l’une des deux formes de carcinomes cutanés. Elle est moins courante que la seconde forme, le carcinome basocellulaire, mais plus agressive.

carcinome basocellulaire et carcinome épidermoïde

Les effets protecteurs d’un rapport équilibré entre les oméga-3 et les oméga-6 ont également été soulignés. Les oméga-6 ont tendance à être fortement excédentaires dans le cadre du régime occidental typique, car ils sont abondants dans les produits industriels.

Une quantité accrue d’oméga-6 en cas de cancer de la peau

Des chercheurs iraniens ont mis en évidence des singularités dans la composition en lipides des membranes cellulaires chez les malades atteints de carcinome basocellulaire. Une partie des acides gras que nous ingérons est incorporée au sein de la membrane qui entoure nos cellules. Ils exercent une influence sur sa fluidité et jouent le rôle de messagers.

En comparaison avec des personnes épargnées par ce type de cancer de la peau, les malades présentent une quantité plus élevée d’acide linoléique et d’acide arachidonique (ARA), deux oméga-6. La présence d’oméga-3 y est également plus rare.

Les oméga-3 luttent contre la baisse d’immunité provoquée par le soleil

L’effet bénéfique des oméga-3 qui transparaît à travers ces études s’explique en premier lieu par leur influence bénéfique sur le système immunitaire. L’exposition au soleil provoque une baisse d’immunité au niveau de la peau, qui facilite la survenue du cancer. Les oméga-3 sont en mesure de la temporiser.

Le soleil altère la réponse immunitaire de la peau

Immunosuppression causée par l'ensoleillement selon le type de peau
Chez les personnes à peau claire (○), un faible ensoleillement suffit à atténuer la réponse immunitaire

Notre peau est le premier rempart face aux menaces extérieures. Certaines cellules de l’épiderme, les cellules de Langerhans et les kératinocytes, exercent une surveillance constante pour les détecter. En cas de blessure ou d’une attaque par des microbes par exemple, elles vont stimuler l’action des défenses immunitaires. Les rayons ultraviolets entraînent une baisse de ce mécanisme de protection appelé “immunité à médiation cellulaire”. Les niveaux d’ensoleillement nécessaires pour l’induire ne sont pas très élevés, bien en dessous du niveau qui déclenche un coup de soleil chez les personnes à la peau claire.

Cette immunosuppression résulte des dégâts provoqués par les rayons UV à l’ADN. Chez la souris, l’administration d’enzymes qui permettent de les réparer restaure la fonction immunitaire.

Jeune fille qui se cache de la lumière du soleil
L’exposition aux rayonnements solaires altère la réponse immunitaire de la peau

L’immunosuppression provoquée par le soleil est propice à la survenue du cancer

Cette capacité du soleil à provoquer une immunosuppression est utile pour apaiser les maladies de peau liées à une réponse excessive des défenses immunitaires comme le psoriasis. Elle favorise en revanche la survenue du cancer de la peau. En effet, les cellules cutanées dont l’ADN est abîmé par les rayons solaires et qui se sont transformées en cellules malignes peuvent ainsi échapper à la surveillance du système immunitaire. Elles ont alors tout loisir de se multiplier et d’initier la maladie.

Ce rôle crucial de l’immunité contre le cancer de la peau est observé chez les malades greffés. Ceux-ci reçoivent des médicaments destinés à affaiblir leur système immunitaire pour limiter les risques de rejet. Ils deviennent alors plus vulnérables face au cancer de la peau. Par exemple, l’incidence du carcinome basocellulaire est 65 à 250 fois plus élevée chez les personnes ayant bénéficié d’une transplantation d’organe que dans le reste de la population.

La supplémentation en oméga-3 restaure l’immunité de la peau

Les oméga-3 apparaissent en mesure d’enrayer la baisse des défenses immunitaires de la peau, contribuant ainsi à prévenir l’apparition du cancer. Cet effet a notamment été mis en évidence lors d’une étude menée par l’université de Manchester au Royaume-Uni. Les chercheurs ont constitué un groupe de 79 femmes présentant une hypersensibilité au nickel. L’allergie à ce métal est relativement commune, et un simple contact suffit à initier une réponse immunitaire au niveau de la peau chez les personnes affectées. Cette situation est donc un bon moyen de tester le niveau de réponse immunitaire d’une personne.

Diminution de l'immunosuppression due au soleil grâce à la complémentation en oméga-3
La supplémentation en oméga-3 lutte contre l’immunosuppression provoquée par les rayons UV

Ces femmes ont reçu 5g d’oméga-3 (3,5g d’EPA et 1,5g de DHA) ou un placebo pendant 3 mois. Elles ont ensuite été exposées, via une cabine solaire, à l’équivalent de 8, 15 ou 30 minutes de soleil de mi-journée.

Dans le groupe ayant bénéficié de la supplémentation en oméga-3, l’immunosuppression provoquée par les rayons UV a été atténuée de 50% par rapport au placebo et pour les temps d’exposition de 8 et 15 minutes. Peu de différences entre les groupes ont été relevées pour l’exposition la plus longue.  

Les oméga-3 atténuent l’impact des oméga-6 sur l’immunité

Le système immunitaire s’avère donc plus performant en cas de supplémentation en oméga-3, un facteur favorable pour se protéger du cancer de la peau. Cette action des oméga-3 pour combattre l’immunosuppression survient à l’échelle des cellules.

Lorsque les cellules cutanées sont exposées aux rayons ultraviolets, l’EPA et l’ARA sont extraits des membranes par des enzymes et relargués au cœur de la cellule. Ils sont alors transformés en prostaglandines, des messagers qui modulent la réponse inflammatoire. L’ARA est converti en prostaglandine E2, et l’EPA en prostaglandines E3. Or la prostaglandine E2 possède des effets immunosuppresseurs.

Ainsi, plus les membranes cellulaires sont riches en oméga-6, plus l’immunité de la peau est mise à mal. La consommation d’huile de poisson riche en oméga-3 pendant 3 mois, laps de temps nécessaire pour faire évoluer la composition des membranes cellulaires, conduit à une diminution de la quantité de prostaglandine E2 au niveau de la peau qui limite l’immunosuppression.

L’effet protecteur des oméga-3 contre les dangers du soleil

L’effet bénéfique des oméga-3 vis-à-vis du cancer de la peau passe également par d’autres actions.

Les oméga-3 élèvent le seuil de sensibilité aux coups de soleil

En plus d’être désagréables, les coups de soleil sont associés à une augmentation du risque de cancer de la peau. Une étude américaine a révélé que le fait d’avoir eu 5 coups de soleil sévères entre l’âge de 15 et 20 ans augmente le risque de mélanome de 80% et de carcinomes de 68%.

mélanome nodulaire au microscope
Observation au microscope d’un mélanome nodulaire

La supplémentation en oméga-3 apparaît en mesure d’améliorer la tolérance de la peau au soleil. En effet, l’administration de 4g d’oméga-3 par jour (2,8g d’EPA et 1,2g de DHA) pendant 4 semaines augmente la dose minimale d’érythème (MED) par rapport à un placebo. Cette valeur correspond à la plus petite dose de lumière en mesure de provoquer un coup de soleil 24h après l’exposition.

Cet effet des oméga-3 a été confirmé lors d’une supplémentation plus longue, de 3 à 6 mois, à base de 1,8g d’EPA et 1,2g de DHA. L’augmentation de la MED a été progressive tout au long de l’étude, atteignant plus du double de sa valeur initiale à son issue. Elle est revenue à son niveau de base deux mois et demi après la fin de la supplémentation.

Les effets des oméga-3 sur les radicaux libres

Les rayons ultraviolets émis par le soleil n’agissent pas que de manière directe sur l’ADN. Une part des dégâts est provoquée par les espèces réactives de l’oxygène, dont ils augmentent la production au niveau de la peau. Ces radicaux libres ont leur part de responsabilité dans la survenue du cancer de la peau.

Ils peuvent par exemple provoquer des mutations au niveau d’un gène appelé p53. Celui-ci agit comme suppresseur de tumeur, car il joue un rôle dans la réparation des dommages de l’ADN et dans la régulation du cycle de vie des cellules. Son altération favorise ainsi la carcinogenèse. Les radicaux libres peuvent également promouvoir le cancer de la peau en modifiant la répartition des groupements chimiques méthyle sur l’ADN ou en modifiant des voies de signalisation à l’intérieur des cellules cutanées.

Mécanismes qui lient radicaux libre et cancer de la peau
Les radicaux libres peuvent promouvoir le cancer de la peau en activant différents mécanismes

Les oméga-3 sont en mesure de limiter les dégâts provoqués par les radicaux libres. En servant de substrat à leur action, ils évitent que des structures plus vitales comme l’ADN ne deviennent leur cible, et jouent ainsi un effet protecteur. De plus, la supplémentation en huile de poisson stimule l’action des gènes produisant les défenses antioxydantes de l’organisme comme la catalase et atténue celle des gènes favorisant les phénomènes d’oxydation comme le cytochrome P450.

Les autres nutriments prometteurs contre les cancers de la peau

Les oméga-3 ne sont pas les seules substances naturelles dont l’effet préventif contre les cancers de la peau est étudié. Certaines vitamines et provitamines suscitent l’intérêt, notamment celles disposant de propriétés antioxydantes comme les vitamines C et E et le bêta-carotène, précurseur de la vitamine A.

Si les travaux menés chez l’animal donnent des résultats intéressants, les données chez l’homme ne sont pas encore disponibles. Les recherches sont plus avancées pour la nicotinamide, un dérivé de la vitamine B3.

Nutriments qui protègent contre les effets néfastes des rayons UV
Plusieurs nutriments peuvent contrer les phénomènes cellulaires à l’origine du cancer de la peau

Les bénéfices d’un dérivé de vitamine B3 sont confirmés

Les résultats d’un essai clinique de phase III évaluant les bénéfices de la nicotinamide contre les carcinomes de la peau ont été publiés en 2015. Cette étude a porté sur près de 400 personnes victimes d’au moins deux cancers de la peau, hors mélanome, dans les 5 ans précédant leur recrutement. Ces participants à risque ont reçu 500mg de nicotinamide deux fois par jour ou un placebo pendant 1 an.  Ils ont été examinés par un dermatologue tous les 3 mois sur une période de 18 mois.

À l’issue de l’année de supplémentation, le taux de nouveaux cancers de la peau de type carcinome épidermoïde ou basocellulaire a diminué de 23% par rapport à la prise d’un placebo. Le nombre de lésions précancéreuses a été réduit de 13%.

La double action de la nicotinamide contre les cancers cutanés

Les bénéfices du dérivé de vitamine B3 s’expliquent tout d’abord par sa capacité à atténuer l’immunosuppression induite par les rayons UV. Elle a notamment été démontrée lors d’une étude conduite auprès de 61 volontaires ayant reçu 500mg ou 1500mg de nicotinamide pendant 7 jours.   Les traitements sont parvenus à contrer le phénomène d’immunosuppression de manière plus efficace qu’un placebo.

diminution de l'immunosuppression selon la dose de nicotinamide
L’administration de nicotinamide permet d’atténuer la suppression de l’immunité produite par l’exposition au soleil

La nicotinamide est par ailleurs en mesure de prévenir la perte d’énergie cellulaire provoquée par les rayons UV. Elle est en effet le précurseur du NAD+, une coenzyme indispensable à la formation de l’ATP. En maintenant un bon niveau de cette molécule riche en énergie au sein des cellules, elle facilite les mécanismes de réparation de l’ADN qui en sont gourmands, contribuant par ce biais à réduire le risque de cancer cutané.

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