L’ibuprofène réduirait la réserve ovarienne (et la fertilité) des femmes

Modifié le 27 mars 2024

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boîte d'ibuprofène 400 mg

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L’ibuprofène, un médicament antalgique couramment utilisé, exerce des effets délétères sur le développement des testicules au cours de la vie utérine, et sur leur fonctionnement chez l’homme adulte. Des données indiquent qu’il pourrait également être problématique pour l’appareil reproducteur féminin.

Perturbations du développement ovarien fœtal

La première inquiétude porte sur l’impact potentiel de la prise d’ibuprofène pendant la grossesse par la mère, sur le développement des ovaires du bébé qu’elle attend.

Ce processus complexe débute tôt au cours de la vie embryonnaire, dès les premières semaines de gestation. Il se déroule en plusieurs étapes, qui aboutissent à la formation de l’ovaire et de son stock initial de cellules germinales, les précurseurs des futurs ovules.

Impact sur la fertilité future

La réserve ovarienne constituée au cours de la vie utérine comporte de l’ordre de 1 à 2 millions de follicules – ces structures qui renferment les futurs ovules – au moment de la naissance. Elle diminue ensuite progressivement au cours de la vie de la femme. Une réserve initiale insuffisante de follicules peut conduire à une réduction de la durée de vie reproductive et à une entrée précoce en ménopause. Ainsi, un développement ovarien adéquat du fœtus est fondamental pour la capacité reproductive de la femme en devenir.

Inhibition d’enzymes clefs pour l’ovaire

Certains facteurs externes peuvent perturber ce processus, et les médicaments anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) comme l’ibuprofène font partie des potentielles menace. Ils exercent en effet leur activité analgésique en inhibant l’action d’enzymes appelées cyclooxygénases. Ces substances jouent un rôle clé dans la conversion de l’acide arachidonique en prostaglandines, des composés impliqués dans l’inflammation, la douleur et la fièvre.

Leur action est toutefois bien plus large, et elles participent également au développement ovarien in utero. La prostaglandine de type 2 (PEG2) est notamment cruciale car elle stimulent l’expression des gènes liés à la survie des cellules germinales dans les ovaires fœtaux.

Conséquences néfastes sur les gonades

L’inhibition des cyclooxygénases peut ainsi avoir des conséquences délétères sur les ovaires, comme l’ont suggéré différents travaux de recherche. Les gonades masculines : les testicules, ne sont pas non plus à l’abri des effets néfastes de l’ibuprofène.

Des études ont montré que les médicaments anti-douleurs peuvent induire la mort cellulaire dans les lignées de cellules cancéreuses ovariennes humaines. Si cette action représente une piste thérapeutique dans ce cadre, elle peut soulever des préoccupations quant à leur effet sur les cellules ovariennes saines, en particulier durant les stades critiques de développement.

D’autant que des données chez l’animal montrent que l’exposition de souris en gestation à un mélange de paracétamol et d’ibuprofène entraîne des anomalies de l’appareil reproducteur femelle sur deux générations.

Perte drastique des futurs ovules

Schéma en bâton représentant le pourcentage de mort des cellules ovariennes lors d'un traitement par ibuprofène
L’exposition à l’ibuprofène provoque la destruction des cellules ovariennes.

Pour cerner les effets de l’ibuprofène sur le développement ovarien, des chercheurs ont mené une série d’investigations sur des ovaires humains à différents stade de gestation (entre 7 et 12 semaines). Ils les ont exposés à différentes concentrations d’ibuprofène, pendant une durée de 2, 4 ou 7 jours.

L’antalgique a tout d’abord provoqué une baisse de la production de prostaglandine E2, qui a atteint 66,3% après un jour d’exposition à une concentration de 10 μM. Ce dosage est comparable aux niveaux auxquels un fœtus pourrait être exposé lorsqu’une femme enceinte consomme ce médicament.

Il a par ailleurs provoqué une réduction du nombre de cellules ovariennes, de 50% en moyenne avec cette même concentration appliquée durant 7 jours. Elle s’est expliqué à la fois par la diminution du nombre de cellules en phase de prolifération et par une augmentation des phénomènes de mort cellulaire.

Les investigations ont souligné que les cellules détruites étaient en majorité les cellules germinales du fœtus, les précurseurs des gamètes. La perte de ces cellules a été dramatique selon les propres termes de l’équipe, atteignant 50 à 75% à la concentration de 10 μM.

Enfin, une dernière expérience a montré l’irréversibilité partielle des dommages subis par les ovaire. Après une exposition de 2 jours au médicament, ses effets négatifs n’ont pas pu être totalement inversés, même après une période sans exposition de 5 jours.

Franchissement de la barrière placentaire

Ces tests menés en laboratoire ont de quoi susciter l’inquiétude. D’autant que l’équipe a pu confirmer que la prise du médicament par la mère se traduit par une élévation de sa concentration dans le cordon ombilical. Il est ainsi en mesure de franchir le placenta et de se retrouver dans l’organisme du bébé en développement.

La concentration retrouvée dépend du délai entre la prise et l’analyse du sang, elle est la plus élevée entre 3 et 6h.

L’Agence Nationale du Médicament (ANSM) indique que l’ibuprofène est formellement contre-indiqué après 5 mois de grossesse. Il peut en effet à ce stade exercer une toxicité cardio-pulmonaire sévère et altérer le fonctionnement des reins du fœtus. Sa prise plus tôt au cours de la grossesse apparaît également absolument à éviter au vu de ces résultats.

Les AINS perturbent le cycle féminin

Les méfaits des anti-inflammatoires non stéroïdiens sur la physiologie des femmes semblent se poursuivre à l’âge adulte. Les enzymes cyclooxygénases ne sont en effet pas seulement nécessaires pour le développement ovarien in utero, elles sont également déterminantes pour la fertilité des femmes.

Prostaglandines et fertilité

Les cyclooxygénases sont présentes dans le tissu utérin et sont impliquées dans l’ovulation, la fécondation et l’implantation de l’embryon. Les problèmes de production des prostaglandines auxquelles elles donnent naissance sont d’ailleurs à l’origine de difficultés d’implantation de l’embryon dans l’utérus lors des procédures de fécondation in vitro.

Dans les 24 à 36h qui précèdent l’ovulation, le taux d’hormone lutéinisante (LH) augmente de façon brutale dans le sang. Cette hormone synthétisée par le cerveau régule la production et le transport des prostaglandines dans le follicule ovarien mature.

L’élévation de la concentration en PGE2 favorise l’expansion d’un groupe de cellules entourant l’ovule, préparant sa libération prochaine du follicule. Les PGE2 provoquent également une transition dans la production d’hormones, favorisant la sécrétion de progestérone à la place des œstrogènes. Cette étape s’accompagne de la dégradation de l’épithélium au sommet du follicule ovarien, aménagement l’ouverture pour la sortie de l’ovule.

Risque de syndrome du follicule lutéinisé non rompu

Photo d'un couple devant un test de grossesse avec un résultat négatif.
Les AINS pourraient être responsables de cas d’infertilité réversible

Il arrive toutefois que ce processus s’enraye. Dans ce cas, un follicule ovarien pourtant mûr ne parvient pas à se rompe pour libérer l’ovule qu’il contient. Cette situation, appelée syndrome du follicule lutéinisé non rompu, peut entraîner une infertilité temporaire. Sans libération de l’ovule, la fécondation ne peut effectivement pas se produire.

Une étude menée chez de jeunes femmes atteintes d’arthrose, une pathologie dans le cadre de laquelle la consommation d’anti-inflammatoires est courante, a montré que ce type de médicaments est associé à une plus grande fréquence de ce syndrome.

La littérature scientifique a rapporté des cas de femmes pour lesquelles un lien a pu être démontré entre la prise d’AINS et la survenue du syndrome du follicule lutéinisé non rompu. À l’arrêt du traitement, l’ovulation s’est à nouveau produite normalement et une partie de ces femmes a pu mener la grossesse désirée.


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