L’ibuprofène serait toxique pour les testicules

Modifié le 19 mars 2024

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boîte d'anti-inflammatoire nurofen

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Certains médicaments du quotidien, pris en automédication, représentent un danger souvent sous-estimé. Des antalgiques comme l’ibuprofène menacent le développement et le fonctionnement de l’appareil reproducteur masculin, ce qui invite à la plus grande prudence dans leur usage.

Conséquences de l’exposition in utero

L’ibuprofène est un médicament de la famille des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), utilisé pour lutter contre des douleurs diverses. Disponible sans ordonnance, il fait partie des médicaments couramment utilisés par les femmes enceintes. Une future mère sur dix déclare l’utiliser en automédication selon les résultats d’une enquête menée en France auprès d’un panel de 3000 personnes.

Cet antalgique est en mesure de traverser le placenta pour atteindre le fœtus. Sa présence a ainsi été détectée dans le méconium, la matière produite dans l’intestin du bébé et expulsée peu après la naissance[.

Des études d’observation ou expérimentales suggèrent que cette exposition au cours du développement in utero pourrait avoir des conséquences négatives sur le développement de l’appareil génital des garçons.

Testicules non descendus et malformations de la verge

L’usage de médicaments antidouleurs pendant la grossesse est associé à un risque accru de cryptorchidie. Cette anomalie est caractérisée par le fait que l’un ou les deux testicules, initialement situés dans l’abdomen, ne parviennent pas à descendre dans le scrotum pendant le développement fœtal.

Une étude menée auprès d’un groupe de femmes enceintes danoises a mis en évidence un risque de cryptorchidie multiplié par 3,85 chez leur petit garçon lorsqu’elles avaient utilisé de l’ibuprofène pendant une à deux semaines au cours du premier ou second trimestre de grossesse.

Le recours à ce médicament a par ailleurs été associé à une élévation du risque de malformation de la verge(hypospadias) chez le garçon à naître.

Dysfonctionnement des testicules du fœtus

Pour mieux comprendre le lien entre le médicament et le développement génital masculin, une équipe de chercheurs français de l’Inserm, en collaboration avec des collègues danois et écossais, a entrepris une série d’expériences sur des testicules de fœtus humain à différents stades de leur développement.

Ils ont constaté que l’ibuprofène y provoque des perturbations endocriniennes lorsqu’il est appliqué à un moment précis, entre 8 et 9 semaines de gestation. Il engendre une suppression de la production de testostérone et de l’hormone INSL3 (insulin-like peptide 3) assurée par les cellules de Leydig du testicule. Ces deux hormones sont cruciales pour le développement sexuel masculin.

L’antalgique a par ailleurs réduit l’expression des enzymes impliquées dans la fabrication des  hormones stéroïdes et perturbé le fonctionnement des cellules de Sertoli. Celles-ci soutiennent le fonctionnement des cellules germinales responsables de la production des spermatozoïdes.

Les effets chez les hommes adultes

Ces méfaits observés au cours de la vie utérine pourraient-ils également s’observer chez l’adulte ? Un essai clinique, conduit auprès de 31 hommes en bonne santé âgés de 18 à 35 ans, apporte un éclairage à cette question. Une partie du groupe a reçu 600 mg d’ibuprofène 2 fois par jour –  une posologie usuelle pour ce médicament – ou un placebo pendant 44 jours.

Augmentation de la production de l’hormone lutéinisante

La prise d’ibuprofène a perturbé l’équilibre hormonal de ces hommes. Elle a provoqué une élévation du taux de LH de 23% après 14 jours d’administration, et de 33% après 44 jours. Cette hormone, synthétisée par le cerveau au niveau de l’hypophyse, stimule la production de testostérone par les testicules.

Une corrélation a d’ailleurs été observée après 14 jours entre la quantité d’ibuprofène présente dans le sang et la quantité de LH. L’élévation de sa concentration a provoqué une baisse du rapport entre le taux de testostérone libre et de LH, de 18% après 14 jours et 23% après 44 jours.

Schéma représentant la différence de production de testostérone après un traitement par ibuprofène.
L’ibuprofène provoque une élévation du taux de LH et une réduction du ratio Testostérone/LH (valeurs après 44 jours).

Les testicules peinent à produire la testostérone

Cette production accrue de LH traduit la tentative de l’organisme pour compenser le ralentissement de la production de testostérone au niveau du testicule sous l’effet du médicament. Le taux de testostérone mesuré dans le sang de ces hommes paraissait ainsi normal.

Les auteurs de l’étude indiquent ainsi :

« Prises ensemble, ces données in vivo suggèrent que l’ibuprofène a induit un état d’hypogonadisme compensé pendant l’essai, qui est survenu dès 14 jours et a été maintenu jusqu’à la fin de l’essai à 44 jours».

David Møbjerg Kristensen et al.

Les conséquences de l’hypogonadisme compensé

L’hypogonadisme compensé est diagnostiqué lorsque le taux de LH est plus élevé que la normale, mais que le taux de testostérone n’est pas altéré, ou seulement très légèrement diminué.

Cette situation est principalement causée par le vieillissement, elle concerne près de 10% des hommes de 40 à 79 ans. Elle survient par ailleurs plus communément chez les fumeurs.

L’hypogonadisme compensé se traduit généralement plutôt par des signes physiques, comme une difficulté à entreprendre des activités vigoureuses, plutôt que sexuels.

Cet état semble avoir des répercussions sur la santé globale. Il est associé à un fonctionnement cognitif dégradé et représente une menace pour la fertilité, étant associé à un risque augmenté d’azoospermie (absence de spermatozoïde dans l’éjaculat) et de petit volume testiculaire.

Il représente de plus un facteur de risque de décès toutes causes confondues, selon les conclusions d’une étude menée auprès de plus de 5 000 hommes de 30 à 70 ans.

Possible progression vers un déficit en testostérone

Une préoccupation soulevée par l’équipe de David Møbjerg Kristensen est liée à une évolution potentielle de l’hypogonadisme compensé vers un hypogonadisme primaire. Dans ce cas, le taux de testostérone descend en dessous du seuil normal, ce qui s’accompagne d’un ensemble de symptômes comme une baisse de la libido, une réduction de la masse musculaire et de la force, une humeur dépressive et une fatigue durable.

Cette inquiétude est largement justifiée par l’usage répandu de l’ibuprofène, en particulier par de nombreux athlètes pour prévenir les courbatures ou soulager les douleurs liées aux blessures.

Homme sportif dans une salle de sport se tenant le cou car il a des douleurs.
De nombreux sportifs consomment de l’ibuprofène pour lutter contre les douleurs.

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