Quel est le rôle des mycotoxines dans les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin ?

Modifié le 14 décembre 2023

Temps de lecture : 4 minutes
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Le deoxynivalenol est une mycotoxins produite par les champignons de type fusilier

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La maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique sont devenues plus fréquentes au cours des dernières décennies. Ces pathologies, dont les symptômes habituels sont la diarrhée et les douleurs abdominales, se caractérisent par une inflammation du tube digestif et une hyperactivité du système immunitaire.

Si l’hérédité semble jouer un rôle dans l’apparition de ces maladies, les chercheurs soupçonnent également des facteurs environnementaux : l’alimentation, les antibiotiques, des infections ou encore des contaminants alimentaires.

Les mycotoxines : des contaminants omniprésents dans l’alimentation

Les mycotoxines sont les contaminants naturels les plus fréquents dans l’alimentation humaine. Elles sont produites par des champignons, principalement du genre Aspergillus, Fusarium et Penicillium. On retrouve parmi ces toxines :

  • des aflatoxines, produites par des champignons du genre Aspergillus
  • la zéaralénone,  ou toxine F-2, une mycotoxine œstrogène produite par des champignons Fusarium
  • des trichothécènes, parmi lesquels se trouvent les toxines T2, H-T2 et surtout le très préoccupant déoxynivalénol
  • les fumonisines, classées comme possiblement cancérogènes par le centre international de recherche sur le cancer (CIRC) et produites par des champignons Fusarium
  • les ochratoxines, produites par des champignons Penicillium et Aspergillus. La plus connue est l’ochratoxine A, qui est néphrotoxique, immunotoxique, neurotoxique et  peut-être cancérogène, puisque classée dans le groupe 2B du CIRC. Cette molécule se trouve parfois dans le café vert, mais la torréfaction en élimine une part importante
  • la patuline, produite par des champignons Aspergillus et Penicillium, et souvent présente dans la pomme

Les autorités sanitaires, conscientes de ces problèmes de contaminations, ont émis des recommandations pour limiter les doses de mycotoxines présentes dans les céréales et leurs produits dérivés (pain, pâtes…). Ainsi, la commission européenne a défini des seuils maximums pour le déoxynivalénol, la zéaralénone et les fumonisines.

Le déoxynivalénol : une mycotoxine fréquente dans les céréales

Les espèces Fusarium produisent le déoxynivalénol, qui est probablement la mycotoxine la plus courante dans l’alimentation humaine. Les champignons Fusarium graminearum, Fusarium culmorum et Fusarium crookwellense sont en effet des pathogènes fréquents dans des cultures comme le blé, l’orge et le maïs.

Actuellement, ce problème de contamination touche des cultures du monde entier. Les changements climatiques, la mauvaise utilisation des fongicides, l’absence de labour ou de rotation des cultures, font partie des facteurs qui ont favorisé la présence des champignons, et par voie de conséquence des mycotoxines dans les céréales. Aux Etats-Unis, 73% du blé et 92% du maïs sont contaminés par le déoxynivalénol.

Aux Etats Unis, 92% des cultures de maïs sont contaminés par une mycotoxins : le déoxynivalénol

Les molécules dérivées du déoxynivalénol

Il existe des molécules dérivées du déoxynivalénol, sous des formes acétylées, qui peuvent également être produites par des champignons ou par des réactions enzymatiques d’origine végétales ou bactériennes. Comme le déoxynivalénol, ces dérivés sont rapidement absorbés après leur ingestion. Dans l’intestin, ces molécules sont probablement converties en déoxynivalénol par les bactéries du microbiote.

Le déoxynivalénol dans l’alimentation

La cuisson et la friture dégradent en partie le déoxynivalénol, mais l’élimination n’est pas complète. La toxine est donc présente dans des aliments à base de céréales comme le pain, les pâtes, les farines. La molécule étant en revanche soluble dans l’eau, la cuisson par ébullition permet de diminuer le contenu en mycotoxine des aliments.

Les problèmes de santé provoqués par les mycotoxines dans l’alimentation

En France, une étude de l’ANSES parue en 2020 a montré que l’exposition aux mycotoxines des enfants de 1 à 36 mois soulève des problèmes de santé pour les aflatoxines, les toxines T2 et H-T2, le déoxynivalénol et ses dérivés acétylés. Ce n’est en revanche pas le cas de fumonisines, de la patuline et de la zéaralénone.  

On remarque aussi que les animaux d’élevage nourris avec des céréales contaminées par le déoxynivalénol ont tendance à moins manger, et donc grossissent moins. Ce phénomène pourrait être dû à un effet sur les hormones de la satiété.

Le déoxynivalénol s’attaque directement aux cellules

La mycotoxine augmente le stress oxydatif. Ses cibles sont les mitochondries – les usines énergétiques des cellules – et les ribosomes – les structures qui permettent de traduire l’information génétique en protéines cellulaires. Au sein des cellules, la toxine inhibe le processus de traduction des protéines.

Tout comme la mycotoxine T2, toxique pour l’homme et elle aussi produite par des champignons Fusarium, le déoxynivalénol a un effet apoptotique sur les cellules, c’est-à-dire qu’il favorise la mort cellulaire. Le déoxynivalénol crée un stress nuisible au ribosome, ce qui enclenche une cascade de réactions aboutissant à un stress oxydant, l’arrêt du cycle cellulaire et la mort de la cellule.

Le déoxynivalénol est à l’origine de problèmes intestinaux et immunitaires

Le déoxynivalénol altère la fonction intestinale en affectant l’absorption des acides aminés et des sucres : elle inhibe les transporteurs de ces nutriments et cause des lésions intestinales qui réduisent la surface d’absorption. La rupture de la fonction barrière de l’intestin a des conséquences sur l’immunité de l’individu, qui voit son risque de développer des infections augmenter. 

Par ailleurs, le déoxynivalénol possède un surnom qui en dit long sur ses effets, puisqu’il est aussi appelé « vomitoxine ». En effet, il peut causer des vomissements, chez l’homme comme chez certains animaux.

Le lien entre les mycotoxines et les MICI

Une étude récente, réalisée par des chercheurs de l’INRA et de l’école d’ingénieurs de Purpan à Toulouse, s’est intéressée au rôle des mycotoxines dans les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI).

Le point commun entre ces pathologies et le déoxynivalénol est l’altération de la barrière intestinale. De plus, les patients souffrent souvent de dysbiose, c’est-à-dire d’un déséquilibre du microbiote intestinal, caractérisé par des populations d’entérobactéries plus nombreuses. 

Les chercheurs ont travaillé sur un modèle animal de rats. Pendant quatre semaines, certains rongeurs ont été nourris avec des aliments faiblement contaminés en mycotoxine, et d’autres avec des aliments non-contaminés. La quatrième semaine, les chercheurs ont provoqué une colite chez les animaux, en leur donnant du Dextran sulfate sodium.

Les résultats confirment les prédictions, puisque la mycotoxine a exacerbé les symptômes d’inflammation intestinale et favorisé leur apparition. La molécule favorise également la perte de poids et la présence d’entérobactéries dans la flore intestinale.

Cette étude chez l’animal suggère donc que la mycotoxine pourrait bel et bien favoriser des maladies inflammatoires de l’intestin. Cependant, de nouvelles études sur l’homme sont nécessaires pour le confirmer formellement. 


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