Quels sont les effets des oméga-3 sur le système immunitaire ?

Modifié le 14 décembre 2023

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Les oméga-3 constituent une famille d’acides gras essentiels qui agissent à de multiples niveaux au sein de l’organisme. Deux membres de cette famille, le DHA et l’EPA, jouent un rôle important pour le fonctionnement du système immunitaire.

L’action immunosuppressive des oméga-3

L’acide docosahexaénoïque (DHA) et l’acide eicosapentaénoïque (EPA) jouent en premier lieu un rôle atténuateur sur l’immunité. Ils modulent à la baisse plusieurs mécanismes appartenant aussi bien à l’immunité innée, la première ligne de défense de notre organisme face aux microbes, qu’à l’immunité acquise, plus sophistiquée mais plus lente à entrer en jeu.

L’inflammation est un mal nécessaire qui doit être maitrisé

Les acteurs de l’immunité innée – macrophages, cellules dendritiques, mastocytes, granulocytes, éosinophiles – sont impliqués dans la réaction inflammatoire qui survient lorsqu’une menace est détectée au sein de l’organisme.

Si elle est utile lorsqu’elle est ponctuelle, elle peut devenir dommageable pour l’organisme quand elle se prolonge ou qu’elle est exagérée. Une inflammation excessive constitue en effet le point commun à de nombreuses maladies chroniques, à tous les niveaux de l’organisme.

Le rôle des oméga-3 sur les acteurs de l’immunité innée : calmer l’inflammation

Les oméga-3 exercent un effet anti-inflammatoire en limitant la production des messagers chimiques qui amplifient cette réponse, les cytokines émises par les macrophages.

Ils réduisent également l’émission de radicaux libres par les neutrophiles. Ces composés, efficaces pour neutraliser bactéries ou parasites, endommagent aussi les tissus de l’organisme lorsqu’ils sont produits en excès, et doivent donc être régulés.

COVID-19 : oméga 3 et orages de cytokine

Dans le contexte de pandémie de COVID-19, et comme dans le cas d’autres infections susceptibles de déclencher un orage de cytokines, la capacité des oméga-3 à tempérer ces dernières pourrait leur conférer un rôle particulièrement intéressant. Les oméga-3 à chaînes longues (EPA et DHA – à ne pas confondre avec les acides gras oméga-3 à chaîne courte comme l’ALA) parviennent ainsi à affiner l’action du système immunitaire, le rendant plus précis.

Cet effet est souvent observé par les sportifs qui prennent des compléments d’oméga-3 pendant plusieurs semaines, et chez qui les courbatures musculaires deviennent à la fois moins nombreuses, moins intenses, et plus rapides à disparaître.

Dans le cas précis du coronavirus, des chercheurs Iraniens ont testés les effets de la supplémentation sur des personnes sévèrement malades admises à l’hôpital, dans le cadre d’une étude randomisée contrôlée contre placebo.

128 patients ont donc été assignés à recevoir soit un placebo soit des acides gras oméga-3 (1000mg dont 400mg d’EPA et 200mg de DHA), pendant un mois. Les oméga-3 étaient directement ajoutés dans le mélange nutritif par perfusion. Résultat : les malades qui ont reçu les oméga-3 ont vu leurs fonctions rénales et respiratoires s’améliorer. De plus, leur taux de survie à un mois était meilleur avec la prise d’oméga-3.

L’importance du ratio oméga-3 / oméga-6 pour moduler l’inflammation

Dans le cadre des infections, les oméga-3 joueraient un rôle fondamental pour calmer la libération excessive des cytokines. Par exemple, une étude de 2015 publiée par des chercheurs Italiens a étudié le comportement des cellules pulmonaires de malades victimes de détresse respiratoire aiguë selon leur rapport cellulaire oméga-3/oméga-6. On sait en effet qu’un excès d’acides gras oméga-6 peut être inflammatoire et que les oméga-3 permettent d’équilibrer cette balance.

Dans ces travaux, les chercheurs ont identifié que lorsque le rapport est de 1/7, la libération de cytokines est abusive alors que ce n’est pas le cas quand le rapport est de 1/2.  Or, d’après l’ANSES, l’alimentation des français apporte ces acides gras dans une proportion située autour de 1/20. Dans un rapport sur le sujet, ces autorités recommandent de tendre vers un rapport de 1/5. Des apports trop élevés en oméga-6 et conjointement trop faibles en oméga-3 seraient par ailleurs préjudiciables pour de nombreux problèmes de santé (maladies cardiovasculaires, etc.).

La supplémentation de longue durée donne les meilleurs résultats

Différentes études ont d’ailleurs testé la supplémentation en oméga-3 chez les personnes hospitalisées pour une détresse respiratoire aiguë mais les résultats n’ont pas toujours été si encourageants. La lecture détaillée de ces travaux révèle que les effets positifs sont plus nombreux lorsque la supplémentation a duré longtemps et qu’ils sont très faibles si la supplémentation n’a duré que quelques jours.

Ces données sont cohérentes avec celles que l’on connaît sur le métabolisme des acides gras et qui indiquent qu’il faut entre 2 et 3 mois pour que les acides gras incorporent correctement toutes les membranes cellulaires. Comme pour la vitamine D, si les oméga-3 ont un effet positif, il n’existe donc qu’en prévention après plusieurs semaines de supplémentation, et pas en traitement.

En pratique, il me semble raisonnable de recommander une plus faible consommation d’acides gras oméga-6 (huiles de tournesol, carthame, soja, sésame, maïs, soja ou pépins de raisins) et d’augmenter sa consommation d’oméga-3 (huile de lin, de colza ou de cameline, poissons gras). On peut aussi recourir à des compléments d’acides gras oméga-3 à longue chaîne EPA et DHA, sous réserve qu’ils soient de qualité avec un indice d’oxydation TOTOX faible. Pour corriger efficacement sa balance d’acides gras, il faut compter 2 à 3 mois.

Les oméga 3 permettent de limiter les réactions allergiques

Les oméga-3 tempèrent également l’activité des éosinophiles, des globules blancs présents en quantité importante dans le cadre de diverses maladies allergiques. Quand ils sont activés, les éosinophiles déversent dans les tissus différents composés aux effets toxiques responsables en partie des symptômes observés chez les patients.

L’administration d’oméga-3 permet de limiter l’invasion de la peau par ces cellules en cas d’eczéma atopique, de l’intestin grêle en cas d’allergie alimentaire et des poumons en cas d’asthme. Chez l’homme, un bon statut en oméga-3 est d’ailleurs associé à un meilleur contrôle de l’asthme et un plus faible recours aux médicaments.

Les oméga 3 sont bénéfiques en cas d’accident vasculaire cérébral

Les oméga-3 favorisent en outre la formation de macrophages aux propriétés anti-inflammatoires, appelés macrophages M2. Cette action contribue aux bienfaits des oméga-3 observés suite à un accident vasculaire cérébral : leur présence réduit l’étendue des dommages cérébraux et les déficits neurologiques survenant chez des animaux utilisés comme modèle d’étude.

Chez des patients ayant été victimes d’AVC, une supplémentation de 250 mg par jour de DHA et de 250 mg d’EPA pendant un an tend à améliorer la situation, facilitant notamment les activités quotidiennes et  réduisant les difficultés motrices.

Les oméga 3 protègent des maladies auto-immunes en modulant l’action des lymphocytes T

Des expériences en laboratoire ont mis en évidence la capacité du DHA à freiner la prolifération des lymphocytes T, une des familles de globules blancs intervenant dans les mécanismes de l’immunité acquise. Le DHA favorise également la production de lymphocytes T régulateurs, chargés de moduler l’action des lymphocytes T pour éviter un emballement de la réponse immunitaire.

Les oméga-3 peuvent ainsi jouer un rôle crucial dans le cas des maladies caractérisées par une activité disproportionnée de ces lymphocytes.

1. Le diabète de type I

En cas de diabète de type 1, les lymphocytes T considèrent les cellules du pancréas qui sécrètent l’insuline comme des intruses à détruire. Une étude chez la souris a montré que l’administration d’oméga-3 est en mesure de prévenir ce phénomène.

2. L’hépatite auto-immune

Les oméga 3 se montrent également bénéfiques en cas d’hépatite auto-immune, limitant l’action néfaste des lymphocytes T au niveau du foie et réduisant les dommages engendrés par leur présence.

3. La polyarthrite rhumatoïde

Cette action de régulation contribue également à l’effet protecteur des oméga-3 en cas de polyarthrite rhumatoïde, une pathologie où les défenses immunitaires s’attaquent aux articulations. La complémentation en oméga-3 réduit le gonflement, la raideur et les douleurs articulaires ressentis par les malades, et leur permet de diminuer les doses de médicaments anti-inflammatoires utilisées au quotidien. 

4. Les oméga 3 et les autres maladies auto-immunes

La complémentation pourrait être bénéfique pour d’autres maladies auto-immunes comme le lupus érythémateux systémique et la sclérose en plaque, une affection plus fréquente en cas de déficit en oméga-3.

La supplémentation en EPA et DHA est efficace en cas d’asthme sévère

Par ailleurs, la quantité de lymphocytes T est également très élevée en cas d’asthme sévère. Une légère supplémentation chez 39 enfants pendant trois mois (180 mg d’EPA et 120 mg de DHA par jour) abaisse notamment les niveaux d’IL-17A, un type de cytokines produit par certains lymphocytes T et atténue les symptômes chez 72 % des participants.

La complémentation en oméga 3 se montre efficace pour réduire les symptômes de l'asthme sévère, même à faibles doses
La complémentation en oméga 3 se montre efficace pour réduire les symptômes de l’asthme sévère

Les oméga-3 améliorent la réponse immunitaire

Les effets des oméga 3 sur l’immunité ne se résument cependant pas à leurs effets immunosuppresseurs. Ils sont en effet en mesure d’améliorer certains aspects de la réponse immunitaire.

Les globules blancs de la réponse immunitaire innée agissent notamment en engloutissant les microbes, un phénomène appelé phagocytose. Les oméga-3 renforcent cette capacité chez les macrophages ainsi que leur action microbicide. Ils deviennent ainsi plus performants pour détruire des bactéries, par exemple Pseudomonas aeruginosa, responsable d’infections parfois sévères souvent contractées en milieu hospitalier.

L’action des lymphocytes B est stimulée par les oméga 3

Les oméga 3 apparaissent également en mesure de stimuler l’activité des lymphocytes B, le second type de cellules immunitaires impliquées dans la réponse immunitaire acquise. Ceux-ci produisent des anticorps qui nous protègent des maladies infectieuses. 

Pour mettre en évidence cette action, une équipe américaine a réalisé une étude chez la souris. Un groupe a reçu une supplémentation en huile de poisson enrichie en DHA pendant 5 semaines. À l’issue de cette période, les chercheurs ont collecté les lymphocytes B disséminés dans les tissus de l’organisme de ces animaux, et d’autres n’ayant pas été supplémentés. Ils les ont ensuite cultivés en laboratoire et ont découvert que l’huile de poisson avait permis une augmentation de leur activité et de leur production d’anticorps. Cette efficacité accrue pourrait donc faciliter l’élimination des microbes de l’organisme, sans obligation de développer une réaction immunitaire exagérée.

Comment agissent les oméga-3 sur l’immunité ?

Les capacités immunomodulatrices des oméga-3 reposent sur plusieurs phénomènes complémentaires. Ils exercent tout d’abord une action directe en s’incorporant au sein des membranes des cellules. Ils se substituent à un autre acide gras polyinsaturé, l’acide arachidonique, un oméga-6 qui promeut la formation de composés inflammatoires.

Les oméga 3 agissent également de manière indirecte, en influençant l’expression de certains gènes, atténuant notamment ceux qui soutiennent la réponse inflammatoire.

Ils permettent par ailleurs de préserver l’intégrité des barrières protectrices de l’organisme, comme la barrière intestinale par exemple, en préservant la structure des jonctions serrées.

Les oméga 3 font partie du processus de guérison

Enfin, les oméga-3 sont un élément clé pour mettre un terme à la réponse immunitaire, une fois la menace écartée. Ils agissent par l’intermédiaire de molécules dérivées, appelées SPM, qui se déclinent en quatre groupes : les lipoxines, résolvines, protectines et marésines. Ces dernières contribuent à la réparation des tissus et font partie intégrante du processus de guérison.

Une étude menée chez l’homme a montré que l’administration de 900 mg d’EPA et 3400 mg de DHA par jour permet d’augmenter la quantité de SPM produites pendant 24 h après exposition à des toxines bactériennes.


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