Pesticides et insecticides seraient impliqués dans la maladie de Parkinson

Modifié le 22 avril 2024

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Une personne portant un habit de protection et des gants pulvérise des pesticides sur une culture.

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Second trouble neurodégénératif le plus commun après la maladie d’Alzheimer, la maladie de Parkinson affecte 1 à 2% des personnes de plus de 65 ans et entraîne une détérioration progressive des fonctions motrices. Ses causes ne sont pas totalement élucidées, mais on comprend désormais mieux le rôle joué par certains facteurs externes dans son apparition, notamment l’exposition aux pesticides.

Une maladie professionnelle agricole

Les agriculteurs constituent le groupe le plus exposé aux pesticides au sein de la population. Ils manipulent de manière régulière ces produits chimiques, souvent durant de nombreuses années, dans le cadre de la lutte contre les espèces nuisibles affectant les diverses productions.

De nombreux travaux ont été menés pour mieux cerner les conséquences de cet usage sur la sphère cérébrale, et notamment sur le risque de développer la maladie de Parkinson. L’un d’eux s’est penché sur un groupe d’agriculteurs français, composés de 224 personnes atteintes par ce trouble neurologique et 557 qui en étaient épargnées.

Les habitudes en matière d’emploi de pesticides tout au long de la vie professionnelle ont été détaillées pour l’ensemble des participants, afin d’estimer à la fois le niveau d’exposition et la nature des produits manipulés.

Les analyses ont révélé que l’usage professionnel de ces produits chimiques est globalement associé à un risque de développer la maladie de Parkinson multiplié par près de deux.

Un lien fort avec les insecticides

L’association la plus forte a été observée pour l’exposition aux insecticides organochlorés, avec un risque multiplié par 2,4. Cette tendance a par la suite été confirmée lorsque 1659 cas de la maladie ont été mis en regard avec les densités de 16 types différents d’agriculture, dans 5 départements français. La prévalence de la maladie s’est révélée plus élevée dans les zones comportant une densité importante de fermes spécialisées dans la production de fruits et les cultures permanentes. Ces exploitations sont celles qui utilisent les plus grandes quantités d’insecticides à l’hectare. Les auteurs indiquent ainsi :

« Nos résultats sont cohérents avec des études signalant une association entre la maladie de Parkinson et l’utilisation d’insecticides et montrent que les travailleurs des fermes spécialisées dans les fruits ou les cultures permanentes peuvent constituer un groupe professionnel présentant un risque accru de maladie de Parkinson ».

Frédéric Moisan et al.

Depuis 2012, la maladie de Parkinson est considérée comme une maladie professionnelle en France pour les personnes exposées aux pesticides.

Représentation de quelques molécules de pesticides incriminées dans la maladie de Parkinson.
Structure de quelques pesticides associés au risque de maladie de Parkinson, d’après Fangjie Cao et al.

Toute classe de pesticides est concernée

Les insecticides ne sont pas les seuls pesticides à être incriminés dans le contexte de la maladie de Parkinson.

Un groupe de 38 274 agriculteurs usagers de pesticides et de 27 836 épouses d’agriculteurs a été suivi pendant 20 ans aux États-Unis. Parmi ces personnes, 373 agriculteurs et 118 épouses ont développé ce trouble neurologique.

En retraçant les pratiques de chacun, un risque accru de maladie de Parkinson de 29% et de 57% a été mis en évidence avec l’exposition aux herbicides à base de trifluraline et d’acide 2,4,5-trichlorophénoxyacétique.

Une autre étude américaine indique que l’usage professionnel de tout type de pesticides – fongicides, herbicides et insecticides – augmente le risque de maladie de Parkinson de 110 à 211%. Mais là encore, l’utilisation d’un type d’insecticide, les carbamates, a été associée à l’augmentation du risque la plus marquée, atteignant 455%.

Une survie plus courte chez les malades exposés

Graphique représentant la probabilité de survie en fonction de l'âge chez les travailleurs exposés ou non aux pesticides.
La survie des malades de Parkinson exposés aux pesticides dans leur profession (en bleu) est écourtée.

L’exposition aux pesticides favorise l’apparition de la maladie de Parkinson, mais apparaît également en mesure d’influencer son évolution une fois déclarée.

Un groupe de 150 patients a été suivi pendant plusieurs années dans le sud du Brésil. Parmi eux, 20 avaient exercé une activité professionnelle les exposant aux pesticides. Leur risque de décès était deux fois plus élevé que les participants non exposés et leur survie médiane diminuée, de 69 ans contre était 76 ans dans le reste du groupe.

Vulnérabilité de l’ensemble de la population

Les dangers des pesticides ne s’arrêtent pas aux portes des fermes. Les populations vivant en milieu rural sont inévitablement exposées à ces produits, notamment lors de leur épandage dans les champs environnants.

Une étude a par exemple montré que l’exposition à l’herbicide paraquat et au fongicide maneb dans un rayon de 500 mètres autour de son domicile est associée à un risque de maladie de Parkinson augmenté de 75%.

La vulnérabilité face à la maladie dépend de la durée d’exposition à ces polluants. Une méta-analyse a souligné une augmentation du risque de 5% pour une exposition de 5 ans, et de 11% pour 10 ans.

Un tracteur épand des pesticides à proximité d'habitation.
Épandage de pesticides à proximité des habitations.

Contamination de l’eau

Les pesticides se retrouvent par ailleurs inévitablement dans les eaux souterraines. Pour mieux cerner les conséquences éventuelles de cette contamination, une étude a été menée sur une population de 332 971 personnes, dont 4207 avaient développé la maladie de Parkinson.

Des analyses ont été réalisées sur 286 échantillons d’eau de puits, à la recherche.de la présence de différents pesticides : atrazine, simazine, alachlore et métolachlore.

La compilation des données a mis en évidence que toute élévation de la concentration en pesticides des eaux souterraines de 1µg/L est associée à une augmentation du risque de développer la maladie de 3%.

L’usage domestique comporte des risques

Une main actionne un spray contenant un insecticide sur une mouche.
L’utilisation fréquente de pesticides à la maison pourrait exposer au risque de maladie de Parkinson.

Au-delà des expositions involontaires, certains gestes quotidiens nous amènent en contact étroit avec ces produits dangereux. Ils sont en effet utilisés dans de nombreux foyers à des fins diverses, pour se débarrasser des insectes indésirables, déparasiter les animaux de compagnies, pour le jardinage et l’entretien de la maison…

Il existe peu de données sur l’impact de cet usage sur le risque de maladie de Parkinson. Une étude américaine suggère pourtant qu’il est loin d’être anodin, soulignant un risque accru de 47% avec une utilisation fréquente de pesticides ménagers, quelle que soit leur catégorie.

Mécanismes d’actions

Lorsque nous sommes exposés aux pesticides, ces composés se retrouvent dans notre organisme. Leur nature lipophile les rend aptes à traverser la barrière hématoencéphalique qui protège le cerveau. Les cellules cérébrales exposées à ces composés chimiques vont payer un lourd tribut à leur présence.

Altération du fonctionnement des mitochondries

Une équipe s’est intéressée aux effets de différents pesticides sur un type de cellules neuronales appelées SHSY5Y, souvent utilisées dans la recherche sur les maladies neurodégénératives.

Les chercheurs ont constaté que ces composés chimiques conduisent à une fragmentation des mitochondries, des organites cellulaires cruciaux impliqués dans la production d’énergie.

Cinq de ces molécules – le paraquat, la roténone, le chlorpyrifos, le fenpyroximate et le tebufenpyrad – ont ainsi entraîné une réduction de la quantité d’ATP produite. Ce composé fournit l’énergie nécessaire au déroulement des divers processus biologiques se produisant au sein des cellules.

De plus, le mauvais fonctionnement des mitochondries se traduit par un relargage accru de radicaux libres, et d’une élévation des niveaux de stress oxydatif.

Représentation d'une mitochondrie.
Le fonctionnement des mitochondries est perturbé au sein des cellules exposées aux pesticides.

Perturbation du protéasome

Ces mêmes pesticides ont également affecté un autre composant de ces cellules, le protéasome. Véritable usine de recyclage, il assure la dégradation des protéines indésirables, endommagées ou excédentaires pour les transformer en matériaux réutilisables par la cellule.

Or, des dysfonctionnements du protéasome sont observés dans le contexte de la maladie de Parkinson. Ils sont associés à la formation des corps de Lewy, des agrégats anormaux de protéines – l’alpha-synucléine notamment – qui envahissent certaines cellules nerveuses des malades.

Leur présence entraîne des dommages cellulaires et contribue à la neurodégénérescence observée dans la maladie de Parkinson et d’autres troubles neurologiques apparentés.

Accumulation de protéines mal repliées

Une étude in vitro a montré que les pesticides peuvent engendrer des changements dans la conformation spatiale de la molécule d’alpha-synucléine et accélérer la formation de ces amas protéique.

Des expériences chez la souris ont par ailleurs pu mettre en évidence une augmentation de la quantité d’agrégats d’alpha-synucléine en cas d’exposition au paraquat, localisée dans la substance noire.

Impliquée dans le contrôle des mouvements, cette zone est la principale région du cerveau affectée chez les malades, ce qui explique les signes moteurs comme les tremblements et la lenteur des mouvements.

Destruction des neurones dopaminergiques

En cas de maladie de Parkinson, un type particulier de cellules nerveuses est endommagé, les neurones dopaminergiques. Des travaux ont ainsi évalué la neurotoxicité de 39 pesticides incriminés dans les études épidémiologiques sur des cultures de neurones dopaminergiques élaborés à partir de cellules souches prélevées chez deux patients.

Les analyses ont révélé que 10 d’entre eux exercent une toxicité directe sur ces neurones, conduisant à leur destruction. Pour certaines de ces molécules – le propargite, le dibromure de diquat et les sulfates de cuivre – de fortes suspicions pesaient déjà, confirmées par ces nouvelles données. La découverte de la neurotoxicité d’autres de ces composés, le folpet le naled, l’endosulfan et l’endothall, constitue en revanche une information inédite.

Des associations dangereuses

Dans la pratique agricole, les pesticides ne sont généralement pas appliqués individuellement, mais utilisés en combinaison sur un même champ, au cours d’une période donnée. Les chercheurs ont donc ensuite examiné la manière dont ces associations pouvaient affecter leur toxicité.

Ils ont constaté que les mélanges de pesticides présentent une toxicité accrue par rapport aux molécules individuelles, notamment lorsqu’ils comportent de la trifluraline.

Les effets n’étaient pas seulement additifs, mais synergiques. Par exemple, lorsque la trifularine est appliquée seule, 32% des neurones sont détruits, et 8% lorsqu’ils sont en contact avec un défoliant, le tribufos. Si les deux pesticides sont ajoutés conjointement, 65% des neurones meurent.

Un docteur pose sa main sur celle d'un patient.
Les pesticides pourraient agir en synergie pour augmenter le risque de maladie de Parkinson.

Interactions gènes et pesticides

Il existe des formes héréditaires de la maladie de Parkinson, qui soulignent l’implication de facteurs génétiques dans l’apparition de cette affection. Dans une minorité des cas, elle est provoquée par l’altération d’un seul gène donné.

Certains variants de gènes peuvent par ailleurs augmenter le risque de la développer. Des chercheurs ont découvert que certains d’entre eux ne représentent toutefois un danger qu’en cas d’exposition aux pesticides.

Des variants génétiques amplifient les risques

Leurs travaux ont porté sur les différentes formes du gène codant le transporteur de la dopamine (DAT). Cette protéine permet de réguler les niveaux de la dopamine, un messager chimique du cerveau, au niveau de l’espace de communication situé entre les neurones. Elle recapture en effet la dopamine qui a été libérée par le neurone situé en amont de la synapse, permettant d’éviter une stimulation neuronale prolongée.

En cas de maladie de Parkinson, on assiste à une perte progressive de ce messager et les niveaux de la protéine DAT sont abaissés.

Les analyses ont révélé que les personnes porteuses d’un variant spécifique de ce gène exposées au maneb et au paraquat dans leur lieu de résidence présentent un risque 3 fois plus élevé de développer la maladie. Chez celles qui portent deux allèles de susceptibilité ou plus, le risque est encore plus important, multiplié par 4,5.

En revanche, chez les personnes non exposées aux pesticides aucun surrisque n’était constaté chez les porteurs de ces variants critiques.

Ainsi, le cumul de prédispositions génétiques et de l’exposition aux pesticides peut représenter un cocktail détonnant et une réelle menace pour notre santé cérébrale.

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