La lumière rouge est-elle efficace pour prendre du muscle ?

Modifié le 14 décembre 2023

Temps de lecture : 6 minutes
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application de photothérapie par la lumière rouge

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La photothérapie par la lumière rouge, dont le nom scientifique est photobiomodulation, est utilisée dans différents domaines, allant de l’esthétique, où elle doit lutter contre les rides, au sport. Dans cet article, nous faisons le point sur l’efficacité de la luminothérapie pour le sport, et plus particulièrement pour augmenter sa masse musculaire.

Alors, faut-il craquer pour une lampe de “lumière rouge” dont le tarif est plutôt élevé ?

Spoiler : pour prendre du muscle; probablement pas.

Regardons d’abord comment la lumière rouge pourrait agir sur nos muscles :

La luminothérapie améliore la réparation des lésions musculaires de l’animal

Après l’exercice, les cellules musculaires sont endommagées, surtout si l’exercice a été long et intense. Ces lésions musculaires peuvent être mesurées grâce à différents paramètres, comme le taux de créatine kinase, le lactate dans le sang ou l’évolution du taux de cholestérol. Ces biomarqueurs de l’inflammation du muscle sont plus bas avec la photothérapie ce qui suggère un effet réparateur de ces ondes lumineuses.

A lire également : comment le cholestérol accélère les gains de masse musculaire

D’après des études chez l’animal, la photobiomodulation permet d’accélérer la guérison des blessures musculaires, comme le montre un article paru en 2014. Dans la majorité des 17 études retenues dans cette analyse, les chercheurs ont provoqué des blessures par le froid sur le muscle des animaux. Le froid intense endommage le muscle, détruit des vaisseaux sanguins, des nerfs et provoque une inflammation et une fibrose.

Dans ces modèles animaux, la photobiomodulation par lumière rouge ou infrarouge agit aux différentes étapes de la réparation du muscle après une lésion :

  • elle module le processus inflammatoire et stimule le processus de réparation. Elle agirait en limitant la réponse inflammatoire et les dommages liés au stress oxydatif. Dans cette étape, la photobiomodulation serait même plus efficace que le diclofénac, un anti-inflammatoire non-stéroïdien,
  • elle favorise la prolifération et la différenciation des cellules satellites, en modulant les facteurs de régulation myogénique. Par exemple, la lumière infrarouge augmente l’expression de la molécule MyoD,
  • elle module le remodelage de la matrice extracellulaire : elle réduit l’expression de facteurs qui ont tendance à favoriser la fibrose (TGF-bêta). Chez le rat, la lumière infrarouge diminue les dépôts excessifs de collagène,
  • elle stimule la formation de vaisseaux sanguins, ou angiogenèse : ce mécanisme dépend du  facteur de croissance VEGF qui agit sur la prolifération des cellules endothéliales, la perméabilité des vaisseaux et leur migration. La photobiomodulation semble moduler favorablement l’expression du VEGF.

La lumière rouge agirait également au niveau des usines énergétiques des cellules : les mitochondries.

appareil de photobiomodulation à LED rouge
Un appareil de luminothérapie complet coûte plus de 3000 euros (ici, un modèle de la marque CytoLED)

Le mécanisme d’action de la lumière rouge au niveau de la mitochondrie

Les radiations dans le rouge ou l’infrarouge ont la capacité de passer à travers la peau sans l’endommager, jusqu’à atteindre les centrales énergétiques des cellules, les mitochondries. Ces ondes lumineuses sont ensuite absorbées par un complexe situé à ce niveau : une cytochrome C oxydase appelée Cox, ou complexe IV.

La photobiomodulation fonctionne en augmentant le niveau de Cox dans la mitochondrie. Ce chromophore fait partie de la chaîne de transport des électrons qui augmente la phosphorylation oxydative et conduit à la fabrication d’ATP dans la mitochondrie. L’ATP est le carburant indispensable à l’activité cellulaire.

Autrement dit, la lumière rouge semble capable d’augmenter l’utilisation du glucose par les cellules musculaires.

La lumière rouge agirait en favorisant la production d’ATP et le fonctionnement mitochondrial. Cela entrainerait par ailleurs une augmentation de la production de radicaux libres de type et de quantité suffisante pour permettre une adaptation de nos enzymes antioxydantes, comme expliqué dans mon article comment les antioxydants peuvent ruiner la santé.

Quoiqu’il en soit, ces études mécanistiques sur des modèles animaux suggèrent donc que la lumière rouge a peut-être un effet positif sur la masse musculaire en musculation. Mais que disent les études humaines ?

Quels sont les effets de la lumière rouge sur les muscles chez l’Homme ?

Impact de la lumière rouge sur la performance et la force musculaire

Cet aspect est le plus documenté. Plusieurs études ont testé les effets de cette lumière sur la récupération après un exercice de musculation, l’évolution de la force maximale ou le nombre de répétitions produites au cours d’entraînement. La plupart des études sont financées par des fabriquants d’appareils de lumière rouge ou infrarouge.

  1. La lumière rouge appliquée après les entraînements semble accélérer un peu la récupération, mais l’effet est peu significatif, même après 12 semaines d’utilisation continue.
  2. La force musculaire peut augmenter légèrement après 12 semaines d’utilisation, mais l’effet est peu significatif.
  3. Appliquée entre les séries, la lumière rouge peut augmenter un peu le volume total de l’entraînement.
  4. Plus on est âgé, moins la lumière rouge semble efficace.
  5. Chez les personnes âgées, la thérapie par photobiomodulation semble intéressante pour améliorer l’équilibre et diminuer le risque de chutes (en plus d’un entraînement physique)
  6. La lumière laser infrarouge semble plus efficace que la lumière rouge.

Globalement la lumière rouge ou infrarouge semble avoir un effet mais plutôt faible. Les chercheurs conseillent plutôt la lumière rouge en cas de rééducation chez des sportifs blessés, par exemple chez un kinésithérapeute.

Peu de preuves d’un gain musculaire chez l’homme

Pour justifier l’utilisation de la lumière rouge pour gagner du muscle, des fabricants utilisent certains des arguments scientifiques évoqués ci-dessus, mais aussi d’autres.

Par exemple, sur son site, Joovv affirme :

« Une recherche récente publiée en 2016 dans l’American Journal of Physical Medicine and Rehabilitation montre que l’application de la luminothérapie favorise également la croissance des tissus musculaires sains, augmentant naturellement la taille et le volume musculaire, ainsi que la force. »

Site commercial Jovv

La publication citée pour appuyer cet argumentaire n’apparaît pas dans les références. Il semble qu’il s’agisse d’une étude brésilienne sur deux jumeaux homozygotes. Âgés de 19 ans, les deux hommes étaient des footballeurs de niveau universitaire. Dans l’expérience décrite dans la publication scientifique, la thérapie testée utilisait des LEDs à 850 nm, c’est-à-dire dans l’infrarouge.

Chacun des jumeaux a eu de la luminothérapie ou une thérapie placebo après un effort, trois fois par semaine pendant 12 semaines. La luminothérapie était appliquée au muscle quadriceps, c’est-à-dire au niveau de la cuisse.

L’expérience a trouvé que, par rapport au placebo, la luminothérapie diminuait la fatigue. Les études sur l’expression des gènes ont mis en évidence une réduction des marqueurs de l’inflammation et de l’atrophie musculaire (la myostatine).

Concernant la masse musculaire, la luminothérapie favorisait l’hypertrophie musculaire au niveau de la cuisse. Plus précisément, avec le traitement placebo, le volume des muscles de la cuisse a augmenté de 5 %, passant de  3.152 cm3 à 3.316 cm3. Avec la luminothérapie, ce volume a augmenté de 20 %, passant de 2.937 cm3 à 3.523 cm3

Problème : cette étude n’est qu’une observation sur deux personnes, sans contrôle de la plupart des facteurs confondants. On ne peut donc pas en déduire que la lumière rouge peut faire prendre du muscle, d’autant que cet effet n’est pas observé dans les nombreuses études citées plus haut.

A lire également : des chercheurs démontrent que la mémoire musculaire existe.


Références :

  1. Alves et al. Effects of Low-Level Laser Therapy on Skeletal Muscle Repair: A Systematic Review. Am J Phys Med Rehabil. 2014.
  2. Migliario M, Sabbatini M, Mortellaro C, Renò F. Near infrared low-level laser therapy and cell proliferation: The emerging role of redox sensitive signal transduction pathways. J Biophotonics. 2018;11(11):e201800025.
  3. Ferraresi et al. Effects of Light-Emitting Diode Therapy on Muscle Hypertrophy, Gene Expression, Performance, Damage, and Delayed-Onset Muscle Soreness. Case-control Study with a Pair of Identical Twins. Physical medicine & Rehabilitation. 2016.
  4. Vieira KVSG, Ciol MA, Azevedo PH, et al. Effects of Light-Emitting Diode Therapy on the Performance of Biceps Brachii Muscle of Young Healthy Males After 8 Weeks of Strength Training: A Randomized Controlled Clinical Trial [published correction appears in J Strength Cond Res. 2019 May;33(5):e222]. J Strength Cond Res. 2019;33(2):433‐442.
  5. Vanin AA, Miranda EF, Machado CS, et al. What is the best moment to apply phototherapy when associated to a strength training program? A randomized, double-blinded, placebo-controlled trial : Phototherapy in association to strength training [published correction appears in Lasers Med Sci. 2017 Jan;32(1):253]. Lasers Med Sci. 2016;31(8):1555‐1564.
  6. Fritsch CG, Dornelles MP, Teodoro JL, et al. Effects of photobiomodulation therapy associated with resistance training in elderly men: a randomized double-blinded placebo-controlled trial. Eur J Appl Physiol. 2019;119(1):279‐289.
  7. Ferraresi C, de Brito Oliveira T, de Oliveira Zafalon L, et al. Effects of low level laser therapy (808 nm) on physical strength training in humans. Lasers Med Sci. 2011;26(3):349‐358.
  8. Larkin-Kaiser KA, Christou E, Tillman M, George S, Borsa PA. Near-infrared light therapy to attenuate strength loss after strenuous resistance exercise. J Athl Train. 2015;50(1):45‐50.
  9. de Brito Vieira WH, Bezerra RM, Queiroz RA, Maciel NF, Parizotto NA, Ferraresi C. Use of low-level laser therapy (808 nm) to muscle fatigue resistance: a randomized double-blind crossover trial. Photomed Laser Surg. 2014;32(12):678‐685.
  10. Barbosa R, Marcolino A, Souza V, Bertolino G, Fonseca M, Guirro R. Effect of Low-Level Laser Therapy and Strength Training Protocol on Hand Grip by Dynamometry. J Lasers Med Sci. 2017;8(3):112‐117.
  11. Gabrielli Vassão et al. Photobiomodulation and physical exercise on strength, balance and functionality of elderly women. Fisioter. Mov., Curitib. 2018. 

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