Préférences alimentaires et conditionnement évaluatif

Modifié le 22 décembre 2023

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Cet article ambitionne d’expliquer comment les médias ou l’environnement influencent ou manipulent vos choix alimentaires. Si vous souhaitez acquérir la liberté du choix, la liberté de disposer de votre corps et de votre esprit vous devez vous débarrasser des entraves de l’ignorance qui existent souvent malgré notre conscience. Bonne lecture.

L’importance de la nutrition pour la santé n’est plus à démontrer. Une bonne alimentation diminue le risque de cancers, de maladies cardiovasculaires ou de diabète. Mais une fois que ce constat est établi, un problème demeure : comment changer ses habitudes ? Si vous n’aimez pas les légumes ou le poisson, si vous êtes dépendant au sucre (une vraie drogue selon des chercheurs), que faire ?
Nous vous avons donné quelques pistes dans un récent article “5 astuces pour apprendre à vos enfants à bien manger” (à lire ici). Mais aujourd’hui nous allons nous attarder sur les raisons de nos choix alimentaires et sur les moyens de les changer.

Le conditionnement évaluatif

Ce terme barbare issu de la psychologie désigne l’influence d’un environnement ou d’une représentation sur un choix situé à proximité. Cette notion est largement utilisée par la publicité. par exemple : vous êtes un fan inconditionnel du Dr Jean-Marie Bourre et vous voyez une publicité à la télévision dans laquelle il se délecte d’un verre de lait. Inconsciemment, si vous trouvez Jean-Marie Bourre sympathique, votre esprit aura tendance à associer l’homme et l’objet et vous aurez tendance à acheter plus souvent du lait en faisant vos courses. Ces méthodes sont utilisées en particulier sur les enfants car les influences alimentaires créées à leur âge ont tendance à persister à l’âge adulte. Par exemple en offrant des cadeaux avec le menu d’un fast food ou en mettant à leur disposition une air de jeu dans le restaurant.

Le conditionnement évaluatif est une conséquence naturelle de l’évolution. En terme d’alimentation il est constaté pour tout ce qui touche au goût et dans une moindre mesure à l’odeur. Par exemple, en provoquant la nausée après l’ingestion d’un aliment, notre goût se modifie et nous finissons par ne plus l’aimer (1). Cet effet est constaté dans une plus faible mesure avec l’odeur (2). Il est probable que ces réactions naturelles aient pour objectif d’éviter un empoisonnement dans la nature en apprenant à rapidement déterminer la dangerosité ou l’innocuité d’un aliment. Chez l’homme, un conditionnement évaluatif bien placé peut être efficace immédiatement et pour très longtemps : par exemple si la consommation d’un morceau de poisson entraîne des nausées fortes et immédiates, vous risquez de ne plus avoir envie d’en manger pendant de longs mois.

Ce conditionnement a fait l’objet de nombreuses recherches et il est d’une importance fondamentale pour les industriels. Par exemple, il a été mis en évidence que servir le même repas dans un plat de couleur noire ou blanche, modifiait la perception du goût radicalement (l’aliment servi sur le plat blanc ayant l’air significativement meilleur) (3). La forme du plat pourrait également avoir une influence. Plus récemment, les chercheurs ont montré que l’image de la composition nutritionnelle d’un produit influençait significativement son goût. Un produit biologique par exemple, si le label est perçu comme “sain et bon pour la santé” aura plus de chances d’être acheté et d’être perçu comme bon sauf si la personne y associe une image neutre ou négative. Sur un produit sucré, si l’information nutritionnelle indique clairement la présence d’un édulcorant, des produits qui ont souvent une mauvaise image, les acheteurs ont une plus grande tendance à trouver le produit fade et moins goûteux (5). Tous ces exemples obéissent au même schéma de conditionnement.

Le conditionnement évaluatif de l’alimentation peut être conscient comme inconscient mais le plus souvent c’est un phénomène inconscient. Si vous souhaitez changer d’alimentation ou apprendre à bien manger à vos enfants, vous pouvez mettre à profit ce conditionnement pour reprendre de bonnes habitudes.

Modifier ses habitudes

Des études ont déjà été menées sur le conditionnement et l’alimentation. Un de ses aspects les plus importants est la “paire saveur-saveur” : en associant un goût neutre à un goût agréable ou un goût repoussant, on peut modifier le goût de l’aliment neutre. L’utilisation des paires saveur-saveur s’est montrée efficace pour faire apprécier des goûts précis ou des aliments particuliers (6). C’est notamment cette méthode qui est utilisée dans un conseil de l’article “5 astuces pour apprendre à vos enfants à bien manger” en associant un légume à une purée de pommes de terre. Donc par exemple pour apprendre à boire du thé sans sucre, on diminue progressivement la quantité de sucre utilisée, de semaines en semaines puis on alterne les jours avec et sans sucre pour finir par supprimer le sucre définitivement. Même chose pour le chocolat noir : pour apprendre à découvrir le vrai goût du cacao, commencez par consommer du chocolat à 70% de cacao occasionnellement, puis alternez avec du 85% pour éventuellement passer à 90%. Dans ces deux cas il s’agit de la paire “thé-sucre” et “cacao-sucre” respectivement.
Le conditionnement alimentaire est également influencé par les raisonnements intellectuels : en expliquant au préalable qu’un aliment est bon au goût de manière orale ou écrite, l’envie de le goûter augmente. Ici c’est la paire “aliment-goût” qui est sollicitée. Dans le même ordre d’idée, en manifestant votre plaisir en mangeant un plat de légumes face à vos enfants, vous facilitez un conditionnement alimentaire par l’observation.

Quels enseignements tirer de tout cela ? Comment changer d’alimentation et comment bien éduquer ses enfants ? Voilà ce qui peut vous aider :

  • Se cultiver et apprendre sur l’alimentation.
  • Ne pas changer trop brutalement ses habitudes alimentaires.
  • Toujours garder une notion de paire dans ses choix pour intégrer un aliment inhabituel ou considéré comme mauvais : purée de pommes de terre-brocolis, oeufs cuits différemment, soupe plutôt que légumes entiers, etc.
  • Ne pas trop forcer les enfants à manger un aliment qu’ils n’aiment pas, chercher à être “inventif” pour le leur faire avaler.
  • Soigner la présentation et utiliser des couleurs tendres.
  • Communiquer son plaisir alimentaire de manière visuelle et manifeste à ses enfants

Le plaisir et les choix alimentaires sont donc des notions qui se construisent pendant l’enfance mais ils peuvent aussi se déconstruire pour être reformés. C’est ainsi que chaque culture voit du plaisir dans des aliments différents : du poisson cru et des algues en Corée, des hamburgers aux Etats-Unis et de la gelée à la menthe en Angleterre. Et vous ?

Références : (1): Pelchat, ML., Rozin, P. The special role of nausea in the acquisition of food dislikes by humans. Appetite, 3, 341-351.

(2): De Silva, P. Rachman, S.  Human food aversions: nature and acquisition. Behavior, Research and Therapy, 25, 457-468.

(3): Piqueras-Fiszman B. et al. Is it the plate or is it the food? Assessing the influence of the color (black or white) and shape of the plate on the perception of the food placed on it, Food Quality and Preference, Volume 24, Issue 1, April 2012, Pages 205-208.

(4): Piqueras-Fiszman B. et al. Tasting spoons: Assessing how the material of a spoon affects the taste of the food, Food Quality and Preference, Volume 24, Issue 1, April 2012, Pages 24-29.

(5): Meike Janssen, Ulrich Hamm. Product labelling in the market for organic food: Consumer preferences and willingness-to-pay for different organic certification logos, Food Quality and Preference, Volume 25, Issue 1, July 2012, Pages 9-22.

(6): Eertmans A., Baeyens F., Van den Bergh O. Food likes and their relative importance in human eating behavior: review and preliminary suggestions for health promotion. Health Education Research: Theory and Practice, Vol.16, No.4, pp. 443-456.

Article publié ici: https://www.lanutrition.fr/comment-changer-ses-preferences-alimentaires-pour-mieux-manger.html

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