Une alimentation pauvre en fritures retarderait le vieillissement

Modifié le 14 décembre 2023

Temps de lecture : 8 minutes
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Une femme refuse de une assiette contenant du poulet frit d'un geste de la main.

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Dorés, croustillants, savoureux… Il est souvent difficile de résister au plaisir de déguster frites, viandes ou poissons panés, beignets et autres aliments frits. Pourtant, leur consommation pourrait précipiter le vieillissement de notre organisme, en raison de leur contenu excessif en produits de glycation avancée.

Les AGEs, accélérateurs du vieillissement

Le processus de vieillissement de notre organisme est influencé par divers facteurs, parmi lesquels les produits de glycation avancée (AGEs) occupent une place significative.

Ces composés émanent des réactions chimiques de glycation, également connues sous le nom de réactions de Maillard, qui se produisent entre certains sucres et les protéines, lipides ou acides nucléiques (ADN, ARN).

Elles ont lieu de manière spontanée dans l’organisme, et sont amplifiées en cas d’hyperglycémie, une situation fréquemment observée chez les personnes atteintes de diabète.

Abondance dans les produits frits

Les AGEs sont par ailleurs présents en quantité variable dans les aliments que nous consommons. Ils sont responsables de la coloration brunâtre qui apparaît au cours de la cuisson. Leur teneur augmente avec l’utilisation de températures croissantes, sur un temps prolongé.

Photo représentant un morceau de poulet plongé dans de l'huile.
La friture génère une grande quantité de produits de glycation avancée.

Les fritures font partie des modes de préparation des aliments particulièrement propices à leur apparition, comme l’ont montré des chercheurs américains. Ils ont évalué le contenu en AGEs, exprimé en kilo-unité, d’une portion de 90 g de blanc de poulet préparée selon différentes méthodes.

En cas de friture au four à 230°C, le poulet contenait 9000 kU d’AGEs, 6700 kU d’AGEs pour une friture classique dans un bain d’huile à 180°C, 5250 kU d’AGEs pour une préparation sur grill à 225°C, 4300 kU d’AGEs pour un rôtissage à 177°C et 1000 kU d’AGEs pour une cuisson dans l’eau bouillante.

Accumulation dans l’organisme

Notre organisme absorbe environ 10% des AGEs présents dans les aliments. Un tiers seulement de ceux-ci est évacué par les urines chez les personnes dont la fonction rénale est normale. Les AGEs non éliminés s’accumulent dans les tissus de l’organisme, où ils sont actifs sur le plan biologique.

Plus d’AGEs chez les personnes âgées

La quantité d’AGEs à ainsi tendance à augmenter à mesure que nous vieillissons. Des analyses portant sur deux de ces composés parmi les plus communs, la carboxyméthyllysine (CML) et le méthylglyoxal (MG), ont été réalisées au sein d’un échantillon de personnes de différentes tranches d’âge. Elles ont révélé des niveaux sanguins plus élevés chez les plus de 60 ans, par rapport aux moins de 45 ans.

Graphique représentant l'élévation de la concentration sanguine en  carboxyméthyllysine et en méthylglyoxal au cours du vieillissement.
La concentration sanguine en AGEs est plus élevée chez les plus de 60 ans par rapport aux moins de 45 ans.
Graphique représentant le taux sanguin de méthylglyoxal chez des personnes jeunes ayant des apports normaux ou élévés en AGEs et chez des personnes âgées.
Un excès d’AGEs alimentaires chez les jeunes (3T) élève le taux de MG au niveau des plus âgés.

Toutefois, des données recueillies dans le cadre d’une autre étude indiquent que chez les jeunes adultes de 18 à 45 ans ayant les plus forts apports alimentaires en AGEs, les niveaux sanguins de méthylglyoxal sont très proches de ceux observés chez les plus de 60 ans. Les témoins des phénomènes inflammatoires de l’organisme atteignent des niveaux élevés chez ces jeunes gens consommant une quantité importante d’AGEs.

Vieillissement prématuré

La présence des AGEs dans l’organisme n’est pas sans conséquences. Tout d’abord, les constituants qui ont subi ces réactions de glycation ne peuvent plus remplir leur rôle correctement. Le problème est majeur lorsqu’il concerne les protéines à longue durée de vie.

Le collagène présent dans la peau possède par exemple une demi-vie de 15 ans environ, qui correspond au temps nécessaire pour renouveler la moitié de son stock. Lorsque ces molécules subissent une glycation, des liaisons s’établissent entre les fibres et modifient leurs propriétés mécaniques. Elles deviennent plus rigides, ce qui participe à l’apparition des rides et au vieillissement cutané.

Schéma décrivant le mécanisme de glycation du collagène, conduisant à une altération de sa structure.
La glycation du collagène modifie sa structure et ses propriétés biologiques.

Ce phénomène ne concerne bien sûr pas que la peau, et de nombreux organes subissent ainsi des dommages en cas d’accumulation d’AGEs. Au niveau de l’œil, ils contribuent à la formation de la cataracte et à la dégénérescence maculaire. Ils altèrent la souplesse des vaisseaux sanguins et leur présence dans les os, les articulations et les muscles contribuent à l’installation progressive de l’ostéoporose, de l’ostéoarthrite et de la sarcopénie.

Maladies liées à l’âge

Les AGEs sont par ailleurs en mesure d’exercer des effets néfastes sur l’organisme en se liant à des récepteurs présents en surface des cellules, comme le récepteur RAGE. Ils conduisent de cette manière à une élévation du stress oxydatif et des phénomènes inflammatoires. Cette situation est propice à la survenue de diverses affections chroniques, notamment les maladies cardiovasculaires, le diabète de type2 ou les maladies neurodégénératives.

Le sur-risque cardiovasculaire lié aux AGEs a pu être quantifié dans une étude ayant suivi un groupe de 559 femmes âgées sur près de 5ans. Les participantes présentant les niveaux les plus élevés de carboxyméthyllysine avaient un risque de décès de cause cardiovasculaire presque deux fois plus élevé que les femmes en ayant les plus bas niveaux.

Par ailleurs, au sein d’un groupe de personnes obèses, seules celles souffrant d’une mauvaise santé métabolique présentaient des niveaux élevés d’AGEs. Ils étaient directement corrélés au degré de résistance à l’insuline et d’inflammation observés chez ces personnes.

Réduire les AGEs alimentaires pour mieux vieillir

Au vu des méfaits des AGEs sur le vieillissement, il apparaît crucial d’en limiter les apports alimentaires. Des avantages concrets ont été observés lors d’études évaluant les effets de cette approche, à la fois chez des animaux de laboratoire et chez l’Homme.

Amélioration de la longévité des souris

Afin d’explorer les effets à long terme d’un régime appauvri en AGEs, des chercheurs ont utilisé un modèle animal fréquemment employé : la souris. Cette espèce présente l’avantage de partager notre condition de mammifères, permettant ainsi d’obtenir des résultats potentiellement transposables à l’Homme. De plus, elle possède une durée de vie relativement brève, facilitant les observations sur l’ensemble d’une existence.

L’évolution de deux groupes de souris a ainsi été suivie, les unes recevant une quantité normale d’AGEs alimentaires, les autres une dose réduite de 50%. En dehors de cette spécificité, l’ensemble des animaux consommaient la même nourriture, en quantités égales.

Chez les souris du groupe peu exposé aux AGEs, les tissus de l’organisme abritaient une plus grande quantité de glutathion, une des défenses antioxydantes majeures de l’organisme. Par conséquent, le niveau des témoins des dommages oxydatifs – le taux de 8-isoprostanes sanguin – était réduit.

Graphique représentant le taux de survie de souris recevant une alimentation normale ou appauvrie en AGEs.
Les souris au régime pauvre en AGEs (triangles noirs) ont vivent plus longtemps que les animaux témoins (carrés blancs).

La quantité de récepteurs AGER1, qui internalisent les AGEs en vue de leur destruction au sein des cellules, était augmentée. En revanche, ces animaux présentaient une quantité réduite de récepteurs RAGE, responsables de l’action néfaste des produits de glycation avancée. Ils bénéficiaient d’une meilleure santé rénale et d’une sensibilité à l’insuline optimale. Au final, leur durée de vie a été prolongée, atteignant près de 113 jours en moyenne contre 103 jours pour les autres souris.

Les bienfaits chez l’Homme

On ne dispose bien sûr pas de données semblables chez l’être humain. Toutefois, des équipes ont observé les effets d’une alimentation appauvrie en AGEs chez des personnes atteintes de diabète de type2 ou en surpoids.

Préserver la santé vasculaire

Après un repas, l’augmentation de la glycémie et des triglycérides dans le sang provoque un stress oxydatif qui a un impact défavorable sur le fonctionnement des vaisseaux sanguins. Cette situation peut à terme favoriser le développement de l’athérosclérose, qui conduit au rétrécissement du calibre des artères.

Une étude a souligné l’impact bien différent d’une collation sur la fonction vasculaire, selon son contenu en AGEs. Elle a été réalisée auprès de 20 personnes diabétiques d’âge moyen. En deux occasions distinctes, le groupe a consommé un plat contenant 15100 kU d’AGEs, ou une quantité beaucoup plus faible, de seulement 2750 kU d’AGEs.

La dilatation dépendante du flux, qui reflète la capacité des vaisseaux sanguins à se dilater en réponse à l’augmentation du flux sanguin et renseigne sur la santé vasculaire, a été évaluée. La collation riche en AGEs l’a abaissée de 36,2%, alors que la collation plus pauvre en AGE a permis de temporiser cette baisse, qui s’est limitée à 20%.

Meilleure réponse à l’insuline

Si cette étude a évalué l’impact d’un seul repas au contenu variable en AGEs, d’autres projets ont été menés sur du plus long terme. Dans l’un d’eux, 74 femmes en surpoids ont adopté une alimentation pauvre ou riche en AGEs pendant 4 semaines. À l’issue de cette période, la sensibilité à l’insuline s’était améliorée chez les volontaires ayant consommé peu d’AGEs.

Un protocole similaire, conduit chez 24 personnes souffrant de diabète de type2, a montré qu’au bout de 6 semaines d’un régime pauvre en AGEs, l’inflammation de l’organisme s’apaise. Ce phénomène a été mis en évidence par une réduction du taux de deux de ses marqueurs. la quantité de TNF-alpha a baissé de 20% alors qu’elle a augmenté de 86% avec le régime riche en AGEs. Une même tendance a été observée pour la protéine C réactive, abaissée de 20% dans un cas et augmentée de 35% dans l’autre.

Comment restreindre sa consommation d’AGEs ?

Afin de limiter l’apport en produits de glycation avancée dans l’alimentation, il est primordial de faire des choix judicieux en matière de mode de cuisson. Privilégier les cuissons douces telles que la vapeur ou l’eau s’avère préférable par rapport aux méthodes de cuisson plus intensives comme le gril, la rôtisserie, le four, le barbecue et la friture.

Marinade acide

Graphique représentant l'effet d'une marinade à base de vinaigre ou de citron sur le contenu en AGEs de 25 de boeuf.
Effets d’une marinade à base de vinaigre (A) ou citron (B) sur le contenu en AGEs de 25g de bœuf (cru : 1, 2 : rôti 15 min à 150°C, 3 : mariné et rôti 15 min à 150°C).

L’acidité bloque la formation des AGEs, il est ainsi possible de réduire leur contenu en faisant mariner la viande ou le poisson dans du jus de citron ou du vinaigre avant la cuisson.

Par exemple, du poulet bouilli dans l’eau pendant 1 heure contient 1123kU d’AGEs pour 100g. En ajoutant du citron, on descend à 957kU d’AGEs.

Une assiette contient du poulet cru en marinade, avec des herbes aromatiques. Elle est posée sur une table à côté de tomates, d'un avocat et d'olives.
Les marinades peuvent réduire le contenu de la viande en AGEs.

Herbes aromatiques et épices

Des condiments peuvent également être ajoutés à la marinade, car certains d’entre eux possèdent des propriétés anti-glycation, en plus d’apporter de la saveur à ses recettes.

Des chercheurs les ont testées sur 24 herbes aromatiques et épices du commerce. De façon générale, les épices se sont avérées être des inhibiteurs plus puissants de ces réactions que les herbes. Les épices les plus efficaces ont été les clous de girofle, le piment de la Jamaïque moulu et la cannelle tandis que du côté des herbes, la sauge, la marjolaine, l’estragon et le romarin se sont distingués.

La capacité des condiments à enrayer la formation des AGEs est directement liée à leur contenu en composés phénoliques. Parmi ceux-ci, la quercétine et l’acide gallique sont dotés d’une action notable.

Certains micronutriments comme l’α-tocophérol, une des formes de la vitamine E, la vitamine B2 le zinc et le manganèse possèdent également un potentiel antiglycation.

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