Maladies auto-immunes : faut-il prendre de la vitamine D ?

Modifié le 11 janvier 2024

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Les maladies auto-immunes représentent un enjeu majeur de santé publique dans nos sociétés. Face à elles, peu de solutions simples existent. La vitamine D, grande régulatrice de l’immunité, pourrait à la fois prévenir ces maladies et réduire leur sévérité. Dans cet article, nous faisons le point sur les atouts de la “vitamine du soleil” pour lutter contre ces affections souvent invalidantes.

Les maladies auto-immunes, un poids pour les sociétés occidentales

Polyarthrite rhumatoïde, psoriasis, thyroïdite de Hashimoto, sclérose en plaques et diabète de type 1 partagent un point commun : ces pathologies ont une origine auto-immune.

Les maladies auto-immunes se déclinent sous de multiples formes plus ou moins invalidantes et touchent différents organes. Elles concernent plus fréquemment les femmes que les hommes. Pour certaines d’entre elles comme la sclérodermie systémique, le lupus érythémateux systémique et le syndrome de Sjögren, le déséquilibre est très prononcé : au moins 85 % des personnes affectées sont des femmes.

La polyarthrite rhumatoïde conduit à des déformations des articulations

Bien que ces pathologies puissent se déclarer à tout âge, elles débutent généralement dans la quatrième ou cinquième décennie de la vie. Un petit nombre d’entre elles, comme le diabète de type 1, survient principalement dans l’enfance ou l’adolescence.

Les maladies auto-immunes représentent la troisième cause de morbidités dans les pays industrialisés, après les cancers et les maladies cardiovasculaires. Environ cinq millions de personnes sont concernées par une maladie auto-immune en France.

Une erreur de cible du système immunitaire

Dans les maladies auto-immunes, les cellules immunitaires normalement chargées de protéger l’organisme contre les menaces extérieures se retournent contre ses propres constituants. Si les tissus et organes touchés varient d’une maladie auto-immune à l’autre, elles sont toutes provoquées par ce dérèglement immunitaire.

Habituellement les lymphocytes protègent l’organisme contre les agressions extérieures (infections) ou les cancers

Par exemple, en cas de diabète de type 1, les cellules immunitaires s’attaquent aux cellules du pancréas chargées de la production d’insuline. Leur destruction progressive impose aux malades de recevoir des injections de cette hormone régulatrice de la glycémie.

Dans la polyarthrite rhumatoïde, les globules blancs s’infiltrent dans la membrane synoviale des articulations des personnes atteintes. Les phénomènes inflammatoires qu’ils génèrent endommagent les structures environnantes, os et cartilages, provoquant enraidissement et douleurs.

Le psoriasis est quant à lui associé à l’infiltration de cellules immunitaires dans la peau. Celles-ci produisent des molécules inflammatoires et provoquent une multiplication effrénée des cellules de la peau, d’où l’apparition des plaques rouges et des démangeaisons.

La vitamine D, un rôle central au cœur des maladies auto-immunes

Les substances capables d’influencer la réponse immunitaire suscitent un grand intérêt dans le cadre des maladies auto-immunes. La vitamine D, produite spontanément par notre peau en cas d’exposition au soleil et présente dans certains aliments comme les poissons gras, est l’une d’elles.

De nombreuses observations tendent à établir un lien entre la vitamine D et ces pathologies. En effet, les maladies auto-immunes sont plus fréquentes dans les pays d’Europe du Nord par rapport à ceux du Sud. Or les pays de l’Europe du Nord bénéficient d’un niveau d’ensoleillement plus faible et leurs populations sont plus sujettes aux carences en vitamine D. L’influence de la latitude a notamment été notée pour la sclérose en plaques, dont le risque augmente à mesure que l’on s’éloigne de l’équateur.

Ce constat amène à s’interroger sur l’influence du statut en vitamine D sur ces maladies.

Formule du calcitriol, la forme active de vitamine D

Un risque diminué de maladie auto-immune chez les personnes au bon statut en vitamine D

Des études ont été menées auprès de groupes plus ou moins importants de personnes à l’origine en bonne santé. Leur statut en vitamine D a été évalué par analyse sanguine. On estime généralement qu’une concentration sanguine inférieure à 50 nmol/L révèle une carence. Si elle dépasse ce seuil en restant inférieure à 75 nmol/L, on parle de déficit. Les participants ont été suivis plusieurs années, et l’éventuelle apparition d’une maladie auto-immune a été consignée.

Quand le taux de vitamine D augmente, le risque de maladie auto-immune baisse

L’une de ces études s’est déroulée au Danemark et a rassemblé 12 555 personnes suivies pendant une dizaine d’années. Au cours de cette période, 525 participants ont développé une maladie auto-immune.

Les analyses ont révélé que le risque de développer une affection de ce type diminue de 6 % pour toute augmentation de la concentration sanguine en vitamine D de 10 nmol/L. La meilleure protection a été conférée contre l’hyperthyroïdie auto-immune, la réduction du risque atteignant 17 %, tandis que pour la sclérose en plaques, le risque est réduit de 11 %.

Un seuil de protection au-delà de 100 nmol/L

Deux études comparables ont été menées auprès de jeunes recrues de l’armée américaine, ciblant cette fois-ci deux maladies auto-immunes précises. L’effet protecteur d’un taux de vitamine D dépassant les 100 nmol/L a été mis en évidence, mais seulement chez les jeunes gens à la peau blanche. Par rapport aux militaires ayant une concentration sanguine inférieure à 75 nmol/L, ils présentaient un risque réduit de développer une sclérose en plaques de 51 %, et de diabète de type 1 de 44 %.

Les malades ont un taux de vitamine D plus faible que les personnes en bonne santé

Niveaux moyens de 25-hydroxyvitamine D (25[OH]D) en fonction du mois de naissance (noir : cas contrôles, bleu : cas de sclérose en plaques)

Un mauvais statut en vitamine D apparaît quant à lui propice à la survenue d’une maladie auto-immune. Une étude a par exemple montré que les nouveau-nés dont la concentration en vitamine D est faible ont un risque accru de développer une sclérose en plaques.

De même, les déficits en vitamine D sont très communs chez les personnes atteintes de maladies auto-immunes, et plus répandus que chez les personnes ne souffrant pas de ces maladies. Les auteurs d’une analyse d’études scientifiques consacrées aux liens entre vitamine D et lupus érythémateux systémique indiquent : « La littérature concorde sur le fait que l’insuffisance en vitamine D est endémique chez les patients atteints de lupus érythémateux systémique » (Francesca Dall’Ara et al).

Des observations similaires ont été faites pour bien d’autres maladies auto-immunes comme la sclérodermie systémique, la polyarthrite rhumatoïde ou les maladies thyroïdiennes auto-immunes.

Un faible statut en vitamine D est associé à des formes sévères de certaines maladies auto-immunes

La quantité de vitamine D présente dans l’organisme semble également jouer un rôle dans l’intensité des symptômes ressentis par les patients pour certaines de ces maladies.

Par exemple, le lupus érythémateux systémique est moins actif chez les personnes dont le taux de vitamine D est élevé. Dans cette situation, seuls des symptômes cutanés et une atteinte légère des articulations sont observés. En cas de lupus très actif, des organes comme les poumons, les reins et le cerveau sont également affectés.

De la même façon, les personnes souffrant de polyarthrite rhumatoïde carencées en vitamine D ont un plus grand nombre d’articulations douloureuses que celles disposant d’un meilleur statut. Elles présentent par ailleurs un taux plus élevé de protéine C-réactive, un marqueur des niveaux d’inflammation dans l’organisme utilisé comme témoin du niveau d’activité de la maladie.

Le statut en vitamine D apparaît par ailleurs déterminant sur l’évolution de la sclérose en plaques. Le suivi pendant cinq ans d’un groupe de 468 patients à l’aide d’examens d’imagerie médicale du cerveau a montré que l’atrophie cérébrale est plus limitée lorsque la concentration sanguine en cette vitamine est élevée.

Évolution du volume cérébral au fil du temps, selon la concentration sanguine en vitamine D des patients

La supplémentation en vitamine D est-elle utile contre les maladies auto-immunes ?

Ces études d’observation apportent un faisceau de preuves important reliant la vitamine D aux maladies auto-immunes. Elles ne sont pour autant pas toutes concordantes et leur nature même ne permet pas d’établir formellement l’effet protecteur de la vitamine. On dispose depuis peu d’un élément central qui valide l’intérêt de la supplémentation en vitamine D pour prévenir l’apparition de ces maladies.

L’effet préventif de la vitamine D orale contre les maladies auto-immunes vient d’être démontré

Des chercheurs américains ont exploité des informations recueillies au cours d’un essai clinique de grande ampleur appelé VITAL. Près de 26 000 participants, âgés de 55 ans ou plus au moment de leur entrée dans l’étude, ont suivi une supplémentation pendant environ cinq ans. Elle consistait en 2 000 UI de vitamine D3 (cholécalciférol) par jour ou un placebo et 1 g d’huile de poisson riche en oméga-3 ou un placebo. Ces deux composés naturels sont réputés à la fois pour leur capacité à moduler l’immunité et à lutter contre les phénomènes inflammatoires. Ainsi, les participants recevaient soit les deux compléments alimentaires, soit un seul, soit aucun des deux. Chacun devait signaler l’éventuelle survenue d’une maladie auto-immune.

Un risque réduit jusqu’à près de 40 % grâce à la supplémentation en vitamine D3

Taux d’incidence des maladies auto-immunes dans l’essai VITAL au cours des cinq ans de suivi

Au cours de la période de suivi, 123 personnes du groupe vitamine D ont développé une maladie auto-immune, contre 155 dans le groupe placebo. La prise de la vitamine a ainsi réduit de 22 % le risque de développer ce type d’affections. Quand seules les trois dernières années de l’essai clinique ont été considérées, la réduction du risque a atteint 39 %.

Dans le groupe oméga-3, 130 cas ont été identifiés contre 148 dans le groupe placebo. Cette réduction du risque de seulement 15 % n’est pas significative d’un point de vue statistique. Elle l’est cependant devenue lorsque les cas probables de maladie auto-immune ont été inclus, la portant à 18 %.

Pour les auteurs de l’étude, cette découverte est de taille, « dans la mesure où il s’agit de suppléments non-toxiques, bien tolérés et qu’il n’existe pas d’autres thérapies efficaces pour réduire le taux de maladies auto-immunes » (Jill Hahn et al).

Les bienfaits de la supplémentation en vitamine D chez les malades

Si cet essai clinique est le premier à avoir évalué l’effet préventif de la vitamine D contre les maladies auto-immunes, bien d’autres ont été conduits chez les malades. Certains d’entre eux ont donné des résultats encourageants.

L’administration de vitamine D pendant 24 semaines à des adolescents et jeunes adultes atteints de lupus érythémateux systémique a par exemple réduit la fatigue et l’activité de la maladie. Des effets positifs ont également été mis en évidence en cas de polyarthrite rhumatoïde, avec une diminution des douleurs articulaires. Chez des personnes atteintes de thyroïdite de Hashimoto, la restauration d’un meilleur taux de vitamine D grâce à la supplémentation conduit à une diminution de la quantité d’auto-anticorps dirigés contre la thyroïde. Lors d’une étude conduite auprès d’enfants récemment diagnostiqués pour un diabète de type 1, l’administration d’un précurseur du calcitriol, la forme active de la vitamine D, préserve la fonction des cellules qui produisent l’insuline au niveau du pancréas. Deux essais cliniques récents, SOLAR et CHOLINE, ont par ailleurs suggéré des bienfaits chez des patients atteints de sclérose en plaques avec la vitamine D en complément du traitement médicamenteux à base d’interféron. Ces deux protocoles utilisaient des doses importantes, équivalentes à 14 000 UI/jour pour l’un, 7 143 UI pour l’autre.

Des dosages élevés à utiliser avec précaution

Des doses encore plus importantes sont parfois utilisées, comme dans une petite étude menée au Brésil auprès de patients atteints de psoriasis ou de vitiligo, atteignant 35 000 UI par jour pendant six mois.

Photographies de deux patients souffrant de psoriasis avant (A et C) et après (B et D) traitement avec 35 000 UI de vitamine D par jour pendant six mois.

Ce type de protocole s’appuie sur une approche développée par un des chercheurs impliqués dans ces travaux, le Dr Cicéro Coimbra. Il se base sur l’hypothèse d’une résistance à la vitamine D d’origine génétique en partie responsable de ces maladies, qui justifierait d’employer des doses très élevées pour la contrer. Dans le cadre de la sclérose en plaques, les doses préconisées atteignent 1 000 UI par kg de poids corporel, de 300 à 500 UI/kg de poids corporel pour la polyarthrite rhumatoïde, le lupus érythémateux systémique, l’arthrite psoriasique, le psoriasis, la maladie de Crohn, la colite ulcéreuse, 300 UI/kg de poids corporel pour la sclérodermie systémique, la spondylarthrite ankylosante, la thyroïdite de Hashimoto et 150-300 UI/kg de poids corporel pour les autres maladies auto-immunes. Avec ces posologies, la vitamine peut devenir toxique et provoquer une hypercalcémie.

Si les malades atteints de ces maladies ont probablement des besoins accrus en vitamine D par rapport aux personnes en bonne santé, il semble préférable de ne pas dépasser la dose maximale de 10 000 UI au quotidien. La plupart des chercheurs recommandent de viser un taux sanguin de vitamine D dépassant les 100 nmol/L pour réduire le risque de phénomènes auto-immuns ou améliorer la fonction immunitaire en cas de maladie auto-immune déclarée.

Le mode d’action de la vitamine D contre les maladies auto-immunes

L’implication de la vitamine D dans les maladies auto-immunes s’explique par son rôle essentiel au sein de notre organisme. Elle agit à la manière d’une hormone sur de nombreux tissus et cellules. Pour cela, elle active son récepteur, le VDR, qui régule le fonctionnement de centaines de gènes et gouverne de nombreux processus physiologiques.

Le calcitriol, forme active de la vitamine D, exerce de multiples fonctions dans l’organisme.

La vitamine D tempère l’agressivité de la réponse immunitaire

Les cellules immunitaires, dont l’activité est déréglée dans le cadre des maladies auto-immunes, sont l’une des cibles de la vitamine D. Certaines d’entre elles, les lymphocytes B et T, les cellules dendritiques et les macrophages, sont dotées du récepteur de la vitamine D. Leur activité est donc modulée par la vitamine. Ces globules blancs sont de plus équipés de l’enzyme qui assure la formation de la forme active de la vitamine D quand une menace est détectée.

La vitamine D réduit la production de messagers inflammatoires et d’anticorps

La réponse immunitaire s’appuie sur un réseau complexe de messagers, les cytokines, qui l’amplifient ou au contraire la tempèrent. La vitamine D tend à réduire la production des cytokines inflammatoires, notamment le TNF-alpha, l’interféron gamma, et les interleukines (IL) 1, 2, 6, 8 et 12. Son action sur l’IL-6 est centrale dans le cadre des maladies auto-immunes, car celle-ci stimule l’action des lymphocytes T helper 17, dont la responsabilité dans de nombreuses affections de ce type a été établie.

Effet de la vitamine D sur les lymphocytes T

Par ailleurs, la vitamine D réduit la production des anticorps par les lymphocytes B. Or les auto-anticorps formés en cas de maladie auto-immune sont en bonne partie responsables des lésions observées. En cas de lupus érythémateux disséminé par exemple, ils occasionnent des dégâts au niveau de la peau, des articulations, des vaisseaux sanguins ou des muscles, d’où les douleurs ressenties chez les malades. Une expérience conduite en laboratoire a confirmé que l’ajout de vitamine D à des cultures de cellules sanguines de patients atteints de cette maladie conduit bien à une diminution de la production de ces auto-anticorps.

La vitamine D favorise la tolérance du système immunitaire

La vitamine D promeut en parallèle la production des cytokines anti-inflammatoires, les interleukines 4, 5 et 10. L’IL-10 stimule la production des lymphocytes T régulateurs. Ces cellules immunitaires favorisent la tolérance du système immunitaire et sont ainsi essentielles pour prévenir le développement des maladies auto-immunes. Des chercheurs ont analysé plusieurs études sur l’effet de différentes substances naturelles sur la quantité de lymphocytes T régulateurs. Si la vitamine A ou les acides gras à chaîne courte sont restés sans effets, quatre études ont montré que l’administration de vitamine D conduit à une augmentation de leur proportion chez les malades.

Des versions de gènes en lien avec la vitamine D favorisent les maladies auto-immunes

Nous ne sommes pas tous égaux par rapport à ces maladies selon notre profil génétique. Le récepteur de la vitamine D est issu d’un gène, qui existe sous des formes légèrement différentes. Les quatre principales versions sont appelées TaqI, BsmI, ApaI et FokI. Des études ont établi un lien entre certaines de ces formes et la survenue de maladie auto-immune. Par exemple, les porteurs de la forme BsmI ou FokI sont plus susceptibles de développer un lupus érythémateux systémique, tandis que ceux dotés de BsmI ou TaqI ont un risque accru de maladie thyroïdienne. Les différentes formes du récepteur de la vitamine D ont en effet des propriétés légèrement variables, et certaines peuvent s’avérer moins efficaces pour réguler les phénomènes immunitaires.

Des variations génétiques affectent également la production des enzymes impliquées dans le métabolisme de la vitamine D et modulent le risque de maladies auto-immunes. L’une d’elles conduit à une production accrue au niveau du cerveau de l’enzyme chargée de dégrader la forme active de la vitamine D. L’activité de la vitamine est ainsi réduite et le risque de développer une sclérose en plaques augmente. Le besoin d’une supplémentation efficace en vitamine D apparaît ainsi encore plus critique lorsque le profil génétique réduit l’action de ce composé dans l’organisme.

En conclusion, un bon statut en vitamine D limite le risque d’apparition de maladies auto-immunes. Chez les patients, il a été observé dans plusieurs cas une réduction des symptômes grâce à la vitamine D. En Europe, la plupart des habitants souffrent de déficit de vitamine D en automne et en hiver. Pour prendre la bonne dose de vitamine D, rendez-vous sur mon article “Calculer ses besoins en vitamine D en fonction de son poids“.

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