Vitamine D : quels effets sur la testostérone ?

Modifié le 14 décembre 2023

Temps de lecture : 8 minutes
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résultat d'une prise de sang montrant un taux de testostérone élevé

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La vitamine D, produite par l’organisme sous l’effet du soleil, remplit de multiples fonctions dans l’organisme. Si ces rôles sur la santé osseuse ou l’immunité sont bien connus, d’autres se dévoilent progressivement. Les données commencent notamment à s’accumuler sur son implication dans le fonctionnement musculaire et la force physique. Pourrait-elle agir par l’intermédiaire de la testostérone, l’hormone mâle par excellence, facteur clé des performances sportives ?

Les points communs entre la vitamine D et la testostérone

Il est tout d’abord intéressant de noter que la vitamine D et la testostérone partagent certaines caractéristiques.

Deux membres de la famille des stéroïdes 

Tout d’abord dans leur nature chimique. Les deux composés font partie des stéroïdes, des molécules lipidiques produites au sein de notre organisme à partir d’un précurseur commun, le cholestérol. Au sein de leur structure, des atomes de carbone sont disposés en 4 anneaux (les anneaux stéranes). La vitamine D possède une petite particularité dans ce groupe, car l’un de ceux-ci est ouvert : on la qualifie ainsi de sécosteroïde.

Structure chimique du cholestérol et de 2 dérivés : la testostérone et le cholécalciférol
La testostérone et la vitamine D sont des stéroïdes dérivés du cholestérol

Un rôle hormonal

Ensuite dans leur manière d’agir au sein de l’organisme. Chacune joue le rôle d’hormone, se comportant comme un messager chimique capable d’activer des récepteurs spécifiques présents au sein des cellules cibles. Elles modulent de cette manière l’expression de nombreux gènes, exerçant une influence sur les fonctions cellulaires et les processus physiologiques. Les effets déclenchés sont bien sûr propres à chacun de ces deux composés.

Des signes similaires en cas de déficit

Le manque de vitamine D ou de testostérone se traduit par un ensemble de manifestations qui altèrent le bien-être. Certaines sont communes aux deux situations. Il s’agit d’une diminution de l’énergie, d’une faiblesse musculaire et perte de force ou encore de troubles de l’humeur.

Image représentant un tube avec du sang qui va être utilisé pour tester la présence de testostérone dans le sang. Le tube est tenu par une main d'un laborantin muni d'un gant à usage unique.
Le manque de testostérone est diagnostiqué suite à un examen sanguin.

Une relation entre le statut en vitamine D et les niveaux de testostérone

De nombreux travaux scientifiques ont examiné le lien potentiel entre le niveau de vitamine D dans l’organisme et le taux de testostérone. Dans une étude menée par l’université de Harvard, les chercheurs ont étudié les concentrations de ces deux composés chez 1362 hommes adultes. Grâce à une analyse sanguine, ils ont mesuré la quantité de 25-hydroxyvitamine D, qui reflète le stock de vitamine D de l’organisme, et les taux de testostérone libre et totale.

Graphique représentant la relation entre le taux de testostérone circulant en ordonnée et la vitamine D circulante en abscisse.

La testostérone augmente proportionnellement à l'augmentation de la vitamine D circulante avant d'arriver à un plateau à 75nmol/L de vitamine D.
Lien entre taux de vitamine D dans le sang et taux de testostérone

La testostérone libre correspond à la forme capable de se lier aux tissus et d’exercer ses effets. La testostérone totale représente la somme de la testostérone libre et de la testostérone liée à des protéines de transport (globuline liant les hormones sexuelles (SHBG) et albumine). Cette dernière compte pour 96 à 99% de la testostérone présente dans le sang.

Les résultats de ces analyses ont mis en évidence une association positive entre la concentration de vitamine D et les niveaux de testostérone totale et de testostérone libre. Cette relation est linéaire pour des taux de vitamine D jusqu’aux alentours de 75nmol par litre, avant qu’un plateau ne soit atteint pour des concentrations plus élevées de vitamine D.

Mauvais statut en vitamine D, risque accru de manque de testostérone

Le statut en vitamine D semble donc exercer une influence sur la quantité de testostérone de l’organisme. Ce lien a été étudié par des chercheurs allemands et australiens chez 2229 hommes âgés. Au cours du vieillissement, la production de testostérone a tendance à baisser chez l’homme. Au sein de ce groupe, près du cinquième des participants présentait un manque de testostérone. Le risque d’être dans cette situation – appelée hypogonadisme – était multiplié par 1,84 chez les hommes présentant une insuffisance en vitamine D (taux compris entre 20 et 29,9ng/mL). Chez ceux qui étaient affectés d’un déficit sévère (taux inférieur à 10 ng/mL), le risque était multiplié par 2,47.  

Cette situation ne concerne pas que les hommes âgés. Lors d’une étude menée chez 312 jeunes hommes de l’armée américaine, les chercheurs ont indiqué :

«Le taux moyen de vitamine D dans le sang était de 29.9±9.6 ng/mL et 52% des volontaires étaient en déficit (taux inférieur à 30 ng/mL). Chez les personnes déficitaires en vitamine D, la concentration de vitamine D dans le sang était un prédicteur positif significatif du niveau total de testostérone en tenant compte de l’âge et du poids.»

Dr Laurel Wentz

Plus surprenant, cette relation entre le statut en vitamine D et les niveaux de testostérone existe aussi chez les femmes. L’organisme féminin produit une petite quantité de cette hormone, au niveau des glandes surrénales et des ovaires. Comme chez l’homme, elle contribue à la libido, à la santé reproductive, à la régulation de l’humeur, au maintien de la masse osseuse et musculaire et aux performances physiques.

Des fluctuations sanguines comparables au fil des saisons

Graphique représentant la variation de vitamine D ainsi que la variation de testostérone circulant dans le sang en fonction des mois de l'année.
Variations saisonnières du taux de vitamine D (pointillés) et du taux de testostérone (trait plein)

La quantité de vitamine D présente dans l’organisme n’est pas constante au cours de l’année. Comme elle est produite sous l’action des rayons solaires, elle est plus élevée à la belle saison que durant l’hiver. Une étude réalisée auprès de 652 hommes coréens âgés en moyenne de 56,7 ans a suivi l’évolution des taux de vitamine D et de testostérone au cours d’une année. Les résultats montrent des fluctuations saisonnières similaires.

Cette corrélation des variations saisonnières a également été mise en évidence dans l’étude australo-allemande. Au moins de mars, la concentration en vitamine D avait atteint son minimum (12,2ng/mL), tout comme le taux de testostérone qui était également à son niveau le plus faible (15,9nmol/L). En août, le statut en vitamine D était optimal (23,4ng/mL) ; en parallèle, le taux de testostérone était à son apogée (18,7nmol/L).

Les effets mitigés de la supplémentation en vitamine D sur le taux de testostérone 

À partir de ces diverses observations, on pourrait présumer que la supplémentation en vitamine D conduit à une augmentation des niveaux de testostérone. Les résultats des essais cliniques ayant évalué cet aspect sont cependant discordants.

Des résultats contradictoires

Lors de certaines études, la supplémentation en vitamine D a eu un effet positif sur le niveau de testostérone. Des chercheurs autrichiens ont par exemple recruté 54 hommes en surpoids, qui ont reçu une dose de vitamine D de 3332 UI pendant un an ou un placebo. Au début de l’étude, ils présentaient un déficit en cette vitamine et des niveaux de testostérone dans la partie basse des valeurs de référence. À l’issue de cette période, le taux de testostérone totale est passé de 10,7nmol/L en moyenne à 13,4nmol/L. Une augmentation des valeurs de testostérone libre et de testostérone biodisponible (qui intègre en plus la portion liée à l’albumine par rapport à la précédente) a également été observée. Aucun changement significatif n’a été observé dans le groupe placebo.

Des bienfaits comparables ont été obtenus chez des hommes d’âge moyen déficients en vitamine D. La supplémentation a de plus amélioré la fonction érectile.          

Des chercheurs américains, qui testaient initialement l’impact de la vitamine D et de la quercétine sur la performance physique, ont découvert par hasard une augmentation importante du taux de testostérone lors de leur étude. Elle atteignait 40% avec 4000UI de vitamine D3 par jour pendant semaines 8 chez les participants ayant un taux normal de testostérone au début de l’étude.

Graphique représentant les effets d'une supplémentation en vitamine D seul, une supplémentation en quercétine seul et une supplementation en vitamine D + quercétine sur le taux de testostérone sanguin.

La supplémentation en vit D seul s'est montré plus efficace que l'association quercétine vitamine D ou de la quercétine seule.
La supplémentation en vitamine D augmente le taux de testostérone.

Une supplémentation qui reste parfois sans effet

À l’opposé de ces résultats favorables, l’administration de 2000 UI de vitamine D pendant 12 semaines n’a pas élevé les niveaux de testostérone, mais a tout de même eu un impact positif sur les performances physiques (endurance et force). Cette absence d’effet de la supplémentation a été constatée dans de nombreux autres essais cliniques. La synthèse des données de trois d’entre eux menés à l’université de Tromsø en Norvège a conclu à l’inefficacité de l’approche, que les participants soient déficients ou non en vitamine D. Une conclusion qui rejoint celle d’une autre compilation de trois études où des doses quotidiennes de 600, 1200 ou 2000UI ont été administrées à des volontaires pendant 16 semaines. Des résultats négatifs ont également été obtenus avec une supplémentation hebdomadaire de 20 000IU pendant 12 semaines, chez des hommes d’âge moyen  en situation d’hypogonadisme ou non.

De la même manière, lors un essai clinique de grande ampleur, la prise de 4000UI par jour pendant 3 ans n’est pas parvenue à temporiser le déclin du taux de testostérone chez des hommes souffrant d’insuffisance cardiaque.

Comment expliquer ces disparités ?

Ces différences de résultats peuvent s’expliquer par de nombreux facteurs. En effet, les protocoles de supplémentation ne sont pas les mêmes d’un essai clinique à l’autre. Les doses utilisées varient généralement de 600 à 4000UI par jour à 60 000UI par semaine, les durées de 6 semaines à 36 mois. Les profils des participants sont également très divers, avec des âges, des caractéristiques morphologiques et des états de santé particuliers.

Le type de supplémentation qui a le plus de chance de fonctionner repose sur l’administration d’une dose quotidienne suffisante – au moins 3000UI plutôt que des fortes doses espacées – sur une période prolongée et en cas de statut en vitamine D non optimal.

Mode d’action de la vitamine D sur la testostérone

Les études d’observation et les essais cliniques de supplémentation ne permettent pas d’établir formellement l’implication de la vitamine D dans la production de testostérone. D’autres éléments viennent cependant s’ajouter au faisceau de preuves disponibles.

Le récepteur de la vitamine D est présent au niveau du système reproducteur

Pour que la vitamine D puisse agir sur la production de testostérone, il y a un prérequis : elle doit être en mesure d’interagir avec les cellules de Leydig qui en sont responsables, présentes au niveau des testicules. Les récepteurs de la vitamine D ont bel et bien été identifiés au niveau du système reproducteur masculin. Des expériences chez la souris ont montré que les mâles privés de ceux-ci souffrent d’hypogonadisme, ont un nombre réduit de spermatozoïdes dont la mobilité est limitée. L’équipement enzymatique indispensable pour disposer de vitamine D sous forme active est également présent dans les tissus reproducteurs.

Activation d’enzymes impliquées dans le métabolisme de la testostérone

Des chercheurs ont décrit le mécanisme probable par lequel la vitamine D est en mesure d’accroître la production de la testostérone. Elle stimulerait l’expression des gènes fabricant certaines des enzymes impliquées dans le métabolisme des androgènes, comme la P450scc et la SRD5A1, au sein des cellules de Leydig.

La P450scc est une enzyme présente au niveau des mitochondries de ces cellules. Elle assure la première étape de la production de testostérone, convertissant le cholestérol en prégnénolone. Cette dernière quitte la mitochondrie et atteint un autre compartiment de la cellule, le réticulum endoplasmique. Elle y transformée en DHEA, puis en androstènédiolet enfin en testostérone.

La seconde enzyme, la SRD5A1, est une des formes de la 5 alpha-réductase. Elle transforme la testostérone en dihydrotestostérone, au pouvoir androgénique encore plus puissant.

Graphique représentant les mécanismes d'action de la vitamine D dans le métabolisme de la testostérone.

La vitamine D s'attache à un récepteur à la surface des cellules de Leydig, à la suite de l'activation du récepteur l'enzyme P450scc est stimule au niveau de la mitochondrie stimulant la conversion du cholestérol en prégnénolone. Cette prégnénolone serra ensuite transportée dans le RE (réticulum endoplasmique) pour être convertie en DHEA puis en Androsténédiol puis en testostérone. La testostérone sera ensuite relargé dans le sang ou les certaines cellules la transformeront en Dihydrotestostérone. La vitamine D vient stimuler l'enzyme responsable de cette conversion la SRD5A1.
Activation par la vitamine D des enzymes p450scc et SRD5A1 nécessaire au métabolisme de la testostérone 

Un effet direct observé chez l’homme

Cette stimulation directe de la production de testostérone au niveau des organes reproducteurs sous l’effet de la vitamine D a été mise en évidence récemment par une équipe danoise. Les chercheurs ont utilisé du tissu testiculaire prélevé sur des hommes ayant subi une ablation du testicule en raison d’un cancer. Les cellules ont ensuite été cultivées en laboratoire, puis exposées ou non à de la vitamine D. L’ajout de la vitamine a conduit à une sécrétion de testostérone accrue de 15%.

Forts de ce résultat, les chercheurs ont voulu observer ce qu’il se passe dans l’organisme de ces hommes. À cette fin, ils leur ont injecté une hormone déclenchant la production de testostérone. Après 72h, ils ont quantifié l’hormone dans le sang des volontaires. Chez les participants déficients en vitamine D, l’élévation a été plus ténue que chez ceux disposant d’un bon statut. Ainsi, les testicules des hommes manquant de vitamine D répondent ainsi moins bien au signal hormonal commandant la sécrétion de testostérone.

Une approche naturelle et sûre

L’ensemble de ces données plaide ainsi en faveur de l’utilité de la vitamine D pour entretenir une bonne production de testostérone. Garante de la fonction sexuelle et de l’état de santé général, cette hormone est aussi particulièrement précieuse dans le cadre de la pratique sportive. La prise de stéroïdes anabolisants, liée à des effets indésirables sévères et relevant du dopage, n’est pas une option valide pour y parvenir. Il en va de même pour la plupart des aliments ou des compléments alimentaires censés booster la sécrétion de testostérone comme l’acide d-aspartique, qui sont le plus souvent inefficaces. Ces travaux offrent donc une piste naturelle fiable et simple à mettre en œuvre pour soutenir ses performances physiques.


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