Vitamines B coenzymées : sont-elles plus efficaces ?

Modifié le 14 décembre 2023

Temps de lecture : 7 minutes
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compléments alimentaires de vitamines B

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Dans les compléments alimentaires, les vitamines peuvent se trouver sous différentes formes, appelées vitamères. Les vitamines du groupe B sont parfois présentes dans leur version coenzymée, qui correspond à la molécule active au sein de l’organisme. Si ce choix est judicieux pour certaines vitamines, il apparaît plus discutable pour d’autres.

Les vitamines B, les assistantes des réactions chimiques de l’organisme

Les vitamines de groupe B se déclinent en huit vitamines solubles dans l’eau, présentes dans les aliments d’origine végétale et animale. Si nous sommes en mesure d’en produire certaines d’entre elles de façon autonome, les quantités obtenues sont généralement trop faibles pour satisfaire nos besoins quotidiens.

Les vitamines B participent à de nombreux processus cellulaires

Les vitamines B remplissent un rôle crucial au sein de l’organisme. Elles entrent en jeu dans une multitude de processus cellulaires, servant de cofacteurs à des centaines d’enzymes impliquées dans les fonctions essentielles de notre organisme comme le métabolisme énergétique, la fabrication de l’ADN, des protéines ou des neurotransmetteurs.

complément alimentaire de vitamine B12

Les besoins en vitamines B sont accrus dans certaines circonstances, notamment en cas de pratique sportive, en situation de stress, lors de la grossesse ou en cas d’excès d’alcool.

Le cas de la vitamine B12 est un peu particulier car elle est uniquement présente dans les produits d’origine animale. De ce fait, le régime alimentaire végétalien expose à des carences. 

Les formes coenzymées de vitamines B

Les vitamines du groupe B, à l’exception de la vitamine B8 ou biotine, doivent subir des transformations chimiques pour exercer leur fonction de coenzymes. Ces vitamères, dits « coenzymés », sont donc les formes actives de ces vitamines. Il s’agit :

  • de la thiamine pyrophosphate (TPP) et de la thiamine diphosphate (TDP ou cocarboxylase) pour la vitamine B1 (ou thiamine) ;
  • de la flavine-mononucléotide (FMN) et flavine-adénine dinucléotide (FAD) pour la vitamine B2 (ou riboflavine) ;
  • du nicotinamide adénine dinucléotide (NAD+/NDAH) et du nicotinamide adénine dinucléotide (NADH) pour la vitamine B3 (ou niacine) ;
  • de la pantéthine pour la vitamine B5 (ou acide pantothénique) ;
  • du pyridoxal 5′-phosphate (P5P ou PLP) pour la vitamine B6 (ou pyridoxine) ;
  • du 5-méthyltétrahydrofolate pour la vitamine B9 ;
  • de l’adénosylcobalamine et de la méthylcobalamine pour la vitamine B12 (ou cobalamine).
vitamines du groupe B

Les formes coenzymées suscitent l’engouement sur le marché du complément alimentaire

Certains compléments alimentaires sont élaborés à partir de formes coenzymées de vitamines B, parfois seules, souvent associées au sein de multivitamines. Prêtes à être utilisées par notre organisme, elles permettraient de s’affranchir des étapes nécessaires à l’activation des formes plus habituelles de ces mêmes vitamines.

Les vitamines coenzymées seraient ainsi plus efficaces et parfois dotées de propriétés spécifiques, justifiant de cette manière leur surcoût. Ce n’est pourtant pas toujours le cas.

Les formes coenzymées ne supportent pas toutes le passage par le tube digestif

L’idée de disposer d’une forme de vitamine directement activée a de quoi séduire le consommateur. Il est pourtant nécessaire de se pencher sur ce qu’il advient de ces composés lorsqu’on les consomme par voie orale.

Les formes phosphatées de thiamine sont digérées dans l’intestin

Certains compléments alimentaires de vitamine B1 contiennent de la thiamine pyrophosphate ou de la thiamine diphosphate. Ces formes phosphatées de thiamine sont également naturellement présentes dans les aliments d’origine animale comme la viande de porc par exemple.

Lorsqu’elles sont ingérées et qu’elles atteignent l’intestin, elles subissent l’action d’enzymes appelées phosphatases. Celles-ci ôtent les groupements phosphates pour libérer la thiamine. Les cellules intestinales absorbent cette thiamine libre, qui est ensuite libérée dans la circulation sanguine puis captée par les cellules des muscles, du foie, du cœur, des reins ou du cerveau. Elle est alors transformée en forme coenzymée au sein de celles-ci pour exercer ses fonctions.

mécanisme d'absorption de la thiamine
Après l’action des phophastases, la thiamine est prélevée par les cellules intestinales

La flavine-mononucléotide est transformée en riboflavine dans l’intestin

Un processus comparable est à l’œuvre pour les formes coenzymées de vitamine B2. Cette vitamine est présente dans les produits laitiers, les œufs, les fruits de mer, la volaille, les céréales et les légumes, à la fois sous forme de riboflavine libre, de flavine-adénine dinucléotide (FAD) et de flavine-mononucléotide (FMN).

Cette dernière, également appelée riboflavine 5′ phosphate, est également disponible en supplémentation orale. Lorsqu’elle atteint l’intestin grêle, elle subit l’action des phosphatases qui la transforment en riboflavine libre captée par les cellules intestinales.

métabolisme de la vitamine B2 et de la riboflavine
Les formes coenzymées de vitamine B2 sont dégradées dans l’intestin pour libérer la riboflavine

Les formes coenzymées phosphatées ne sont pas délivrées intactes aux cellules

Ainsi, les formes coenzymées de vitamine comportant des groupements phosphate n’atteignent pas les cellules où elles exercent leur activité sous forme intacte lorsqu’elles sont prises par voie orale. Elles subissent des transformations chimiques pour finalement retrouver leur forme initiale au sein des cellules. Outre les formes coenzymées de vitamine B1 et B2, le pyridoxal 5′-phosphate – la forme coenzymée de la vitamine B6 – est également concerné par ce phénomène.

L’intérêt de telles formes coenzymées se justifie ainsi seulement si elles sont délivrées par voie sublinguale, qui permet de s’affranchir du passage par le tube digestif. Les données scientifiques manquent cependant pour en évaluer l’efficacité.

Formes coenzymées : un engouement pas toujours justifié

Certaines formes coenzymées de vitamines B ont suscité un véritable enthousiasme de la part des équipes de recherche et ont fait preuve de propriétés intéressantes révélées lors d’expériences conduites en laboratoire.

Les promesses anti-âge de la nicotinamide riboside ne sont pas validées chez l’Homme

représentation 3D de nicotinamide riboside
La nicotinamide riboside est le précurseur direct de la forme coenzymée de la vitamine B3

La nicotinamide riboside, qui n’est pas à proprement parler la forme coenzymée de la vitamine B3 mais son précurseur direct, est présenté comme un composé doté de propriétés anti-âge. Des résultats encourageants ont en effet été obtenus sur la longévité de certaines espèces animales, l’administration de ce composé reproduisant les effets de la restriction calorique en activant des enzymes clefs, les sirtuines.

Cependant, les rares études menées chez l’Homme n’ont à ce jour pas donné de résultats très concluants.

L’intérêt de la forme coenzymée de la vitamine B6 reste à démontrer

La forme coenzymée de la vitamine B6, le pyridoxal 5′-phosphate (également appelé PLP ou P5P), est parfois présentée comme le vitamère à privilégier dans le cadre de la supplémentation. 

La supplémentation en forme coenzymée de B6 s’impose rarement

Certaines personnes rencontrent des difficultés à convertir la forme inactive de la vitamine B6 en forme coenzymée. Deux enzymes présentes au niveau du foie, la pyridoxal kinase et la pyridoxine-5’-phosphate oxydase (PNPO), transforment les formes inactives de vitamine B6 en P5P.

représentation 3D de Pyridoxal phosphate (P5P)
Le phosphate de pyridoxal (PLP, P5P) est la forme coenzymée de la vitamine B6

Des mutations génétiques peu communes conduisent à une altération de la production de la PNPO, et sont associées à une raréfaction de P5P dans l’organisme. Elles sont à l’origine de cas d’épilepsie sévères. Cette diminution de la quantité de forme coenzymée de vitamine B6 peut également résulter d’une maladie chronique du foie.

Dans ces circonstances, l’usage du P5P est un traitement incontournable. Il est alors directement injecté dans le sang des patients, pour éviter qu’il ne soit dégradé par les enzymes intestinales.

La pertinence de mégadoses de vitamine B6 est remise en question

En dehors de ces situations très particulières, l’intérêt de la supplémentation en P5P pose question. La forme classiquement utilisée, la pyridoxine, est bien tolérée par l’organisme à doses physiologiques, c’est-à-dire conformes à nos besoins.

Elle comporte en revanche une toxicité pour des posologies importantes, avec une atteinte des nerfs se traduisant par des douleurs, des engourdissements ou des fourmillements, généralement réversibles à l’arrêt du traitement. Ce risque concerne des doses au-delà de 200mg prises plusieurs mois, ce qui est bien loin des recommandations officielles, de l’ordre de 1,5 à 1,8 mg par jour pour les adultes. Le P5P ne présente aucune toxicité et peut donc être administré à très forte dose. On peut néanmoins s’interroger sur la pertinence de recourir à de telles posologies pour entretenir sa santé au quotidien.

Le P5P est par ailleurs présenté comme un agent anti-glycation puissant. Il pourrait donc présenter un avantage pour se prémunir de ce phénomène qui accélère le vieillissement de l’organisme, tout particulièrement chez les personnes souffrant de diabète. Cependant, les données dont on dispose sont issues d’études menées chez l’animal, lors desquelles le P5P est directement injecté dans la cavité abdominale.

comparaison de l'efficacité de la vitamine B6 sous forme coenzymée ou non chez les patients diabétiques
En cas de diabète, la forme coenzymée de la vitamine B6 semble plus efficace que la pyridoxine

Les formes coenzymées sont à privilégier pour la vitamine B9 et B12

Si la supériorité de certaines formes coenzymées reste à prouver, elle est au contraire bien établie pour d’autres vitamines. Dans le cas de la vitamine B12, la méthylcobalamine apparaît comme le meilleur choix, en raison de son coût abordable et de sa bonne métabolisation au sein de l’organisme. Le choix de la forme coenzymée s’impose également pour la vitamine B9.

Activation de la vitamine B9 : un phénomène complexe

Parmi les vitamines du groupe B, c’est la vitamine B9 qui doit subir les étapes de transformation les plus complexes pour être activée. Elle est naturellement présente sous forme de folates dans les aliments. Les aliments enrichis comme les céréales du petit-déjeuner, ainsi que certains compléments alimentaires, contiennent quant à eux de l’acide folique. Pour devenir actifs dans l’organisme, ces composés doivent être transformés en 5-méthyltétrahydrofolate (5-MTHF).

représentation 3D d'une molécule de 5-méthyltétrahydrofolate
Le 5-méthyltétrahydrofolate est la forme active de la vitamine B9

Des enzymes de conversion peu efficientes pour une grande partie de la population

L’une des enzymes qui participent à la transformation de l’acide folique en 5-MTHF est la dihydrofolate réductase (DHFR). Son efficacité est faible chez l’être humain en comparaison avec d’autres espèces animales. De plus, il existe de grandes disparités dans la population, son niveau d’activité variant d’un facteur 5 d’une personne à l’autre. La difficulté à effectuer cette transformation se traduit par une l’accumulation d’acide folique dans le sang, qui pourrait avoir des conséquences négatives sur notre santé.

La MTHFR est une autre enzyme impliquée dans le métabolisme de la vitamine B9. Elle assure la   transformation du tétrahydrofolate obtenu à partir de l’acide folique ou des folates alimentaires en 5-MTHF. En raison de particularités génétiques, cette transformation n’est pas efficace chez un grand nombre d’entre nous.

Ainsi, l’administration de la forme coenzymée de vitamine B9 permet de contourner les défaillances de ces enzymes. Elle est directement prélevée par l’intestin et peut assurer sa fonction de manière directe dans l’organisme.

absorption de la vitamine B9
La forme coenzymée de vitamine B9 (5-méthyl-THF) est directement capté par les cellules intestinales et déversé dans la circulation sanguin

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