Le manque de sommeil augmenterait l’appétit

Modifié le 14 décembre 2023

Temps de lecture : 7 minutes
()
Une femme fatiguée mange un sandwich

julienvenesson.fr ce n’est pas que des formations professionnelles en nutrition, la sélection des meilleurs livres et des consultations avec des nutritionnistes, c’est aussi les réponses à vos questions dans les articles du blog. Bonne lecture !

La fatigue et les difficultés de concentrations ne sont pas les seuls stigmates d’une mauvaise nuit. Chez beaucoup, le manque de sommeil entraîne une irrépressible envie de manger, de préférence des aliments riches en calories. Les conséquences sont évidentes sur le poids corporel et la santé métabolique.

Les problèmes de poids sont plus fréquents chez les petits dormeurs

Le mode de vie contemporain est peu compatible avec de longues nuits réparatrices. Au cours des quatre dernières décennies, elles ont été amputées de deux heures. Le manque de sommeil a un impact négatif sur notre état de santé général, et certains spécialistes voient dans cette tendance à écourter nos nuits une des racines de l’épidémie d’obésité qui sévit dans nos sociétés. En effet, bon nombre d’études ont mis en évidence un lien entre le temps de sommeil et le poids corporel.

Une corrélation entre la durée des nuits et l’indice de masse corporelle

Des chercheurs américains ont collecté des données auprès d’un vaste groupe de 1024 personnes, examinant notamment leur profil de dormeur et leur composition corporelle. Leurs analyses ont révélé que chez les participants dormant moins de 8 h par nuit, il existe une relation inversement proportionnelle entre la durée de sommeil moyenne et l’indice de masse corporelle, reflet de la corpulence. Autrement dit, plus le temps de sommeil est bref, plus l’IMC est élevé.

Lien entre temps de sommeil et indice de masse corporelle
Le manque de sommeil est lié à une augmentation de l’indice de masse corporelle

Une étude menée en Grèce auprès d’un petit groupe de femmes de 30 à 60 ans a par ailleurs établi une relation entre la durée de sommeil nocturne et la quantité de masse grasse de l’organisme. Chaque heure de sommeil en moins est associée à une augmentation de 2,8% de graisses corporelles.

L’excès de poids est deux fois plus fréquent chez ceux qui dorment moins de 7h

La durée de sommeil officiellement recommandée est comprise entre 7 à 9 h par nuit chez les adultes. Le risque de surcharge pondérale augmente lorsque le compte n’y est pas, comme l’a montré une analyse conduite auprès de près de 2500 américains. Dans le groupe des petits dormeurs, l’obésité était 1,5 fois plus répandue, et l’excès de poids 2 fois plus fréquent que chez les personnes ayant une durée de sommeil idéale. Chez les femmes, la tendance est encore plus marquée, avec une prévalence de l’obésité 2,59 fois plus importante en cas de nuits de moins de 7h.

Les calories ingérées s’envolent avec les troubles du sommeil

Les études précédentes laissent suspecter une influence du manque de sommeil sur la prise de poids. Celle-ci pourrait s’expliquer par d’autres observations : après une mauvaise nuit, nous avons tendance à augmenter nos apports caloriques. Nous consommerions ainsi environ 250 kcal de plus par jour en cas de manque de sommeil par rapport à la normale. Ces apports excessifs n’ont rien d’anodin et peuvent conduire à une prise de poids si la situation se répète régulièrement.

Les effets du manque de sommeil sur l’appétit ont lieu dès l’enfance

Les adultes ne sont pas les seuls concernés. En effet, chez les enfants d’âge préscolaire, la privation de sommeil entraîne une consommation de 21% de kilocalories de plus qu’à l’accoutumée. Chez les adolescents, des schémas de sommeil irréguliers sont associés à une augmentation des apports caloriques, particulièrement issus d’aliments gras et riches en glucides.

Enfant endormi sur son sandwich

Comment le manque de sommeil nous ouvre-t-il l’appétit ?

La tendance à augmenter notre consommation de nourriture quand nous manquons de sommeil revêt plusieurs aspects. Tout d’abord, une nuit écourtée implique une durée de veille allongée, plus coûteuse en énergie. Nos dépenses énergétiques augmentent d’environ 5% sur 24h, ce qui nous pousse à manger un peu plus. Cependant, si c’était l’unique raison, les kilos ne s’accumuleraient pas. Rester éveillé plus longtemps offre d’autre part plus d’occasions de manger, et s’avère propice à la survenue de petites fringales tard dans la nuit. Les causes profondes résident cependant dans les changements physiologiques qui s’opèrent au sein de l’organisme en cas de déficit de sommeil.

Variation de la dépense énergétique selon la durée de la nuit
Un temps de sommeil plus court provoque une augmentation des dépenses énergétiques

Les effets des nuits écourtées sur les signaux de la faim et de la satiété

Pour éviter les conséquences néfastes d’un déficit énergétique au sein de notre organisme, notre cerveau exerce une surveillance permanente. Il reçoit des signaux de notre système digestif et du tissu graisseux, pour déterminer si nous disposons de ressources suffisantes ou s’il est temps de se nourrir. Une partie de ces signaux circule dans le sang et sont perturbés en cas de manque de sommeil.  

Les signaux impliqués dans la régulation de l’appétit

différentes hormones impliquées dans l'appétit
Le cerveau déclenche la prise alimentaire en fonction de différents signaux hormonaux

Les signaux circulants régulant notre comportement alimentaire peuvent être divisés en deux catégories.

Les premiers agissent sur le long terme et donnent des indications sur le niveau d’énergie stockée dans l’organisme. Il s’agit principalement de l’insuline, produite par le pancréas, et de la leptine, produite par les cellules graisseuses. Ces hormones sont des signaux d’adiposité adressés au cerveau, qui possède des récepteurs spécialisés pour les capter. Ils sont localisés dans des régions cérébrales impliquées dans le contrôle de la prise alimentaire et l’équilibre énergétique. L’administration de leptine et d’insuline provoque une diminution de la consommation alimentaire.

Les seconds signaux exercent un effet à court terme qui régule l’appétit. La plupart sont produits par le tube digestif pendant un repas et sont des signaux de satiété, comme le GLP-1 (glucagon-like peptide-1). La seule hormone qui augmente l’appétit est la ghréline. Sécrétée par des cellules situées au niveau de l’estomac avant le repas, sa production chute rapidement après l’ingestion de nourriture.

Toute perturbation dans ces signaux peut conduire à une surconsommation alimentaire et, avec le temps, au surpoids et à l’obésité.

Le manque de sommeil modifie la sécrétion des signaux de la faim

Le sommeil joue un rôle fondamental dans la régulation de la production des hormones au sein de l’organisme, y compris celles impliquées dans notre comportement alimentaire. Pour comprendre les effets du manque de sommeil sur celles-ci, une étude a été menée auprès de 12 jeunes hommes en bonne santé, soumis à deux jours de restriction de sommeil et deux jours de sommeil normal.

La phase de manque de sommeil s’est traduite par une réduction de la concentration en leptine de 18% et une élévation du taux de ghréline de 28%. Dans cette situation, qui conjugue une raréfaction de l’hormone de la satiété et une quantité accrue d’hormone de la faim, l’appétit des participants a augmenté. Leurs envies étaient focalisées sur des aliments riches glucides et en calories.

Variation de la leptine et de la ghréline selon le temps de sommeil
La sécrétion de leptine (A) et de ghréline (B) dépend du temps de sommeil

Nuits écourtées : la santé métabolique trinque

La sécrétion d’insuline est également bouleversée en cas de nuits trop courtes. Cette hormone permet de réguler le taux de sucre dans le sang et joue un rôle fondamental pour notre équilibre métabolique.

Chez de jeunes hommes en bonne santé qui ne dorment que 4 heures par nuit pendant 6 jours, la sensibilité à l’insuline de l’organisme baisse, et la glycémie s’élève. Soumis à un test de tolérance au glucose, qui consiste à administrer une quantité importante de sucre par voie intraveineuse, leur organisme n’a pas réagi de façon optimale. Il s’est comporté comme celui de personnes âgées ou atteintes de diabète de type 2 dans les premiers stades de la maladie.

mesure de glycémie

Sur le long terme, le manque de sommeil peut ainsi altérer notre métabolisme. Une étude menée en Chine auprès de 7052 adultes a montré que la fréquence du syndrome métabolique est plus élevée chez les personnes qui dorment moins de 7h par nuit, comparativement à ceux qui dorment entre 7 et 9h.

Un sommeil haché provoque les mêmes effets sur l’appétit que des nuits courtes

Au-delà de la quantité de sommeil, sa qualité exerce également une influence sur notre appétit. Une équipe a étudié l’impact d’une nuit hachée chez 12 jeunes hommes. Les volontaires ont dormi de 23h30 à 7h30, soit de façon continue ou entrecoupée de réveils.

La fragmentation de la nuit s’est traduite par une réduction de la durée de la phase de sommeil paradoxal (ou REM), sans affecter le temps de sommeil total. La sécrétion d’insuline a pourtant été perturbée par rapport à la normale, diminuée le matin et augmentée l’après-midi. La production de GLP-1 a été abaissée, allant de pair avec une moindre sensation de satiété après le repas.

Variation de GLP-1 selon la fragmentation du sommeil
La sécrétion de GLP-1 diminue en cas de fragmentation du sommeil

Le manque de sommeil modifie les réactions de notre cerveau à la nourriture

Un dernier phénomène s’ajoute pour expliquer l’augmentation de notre appétit au lendemain d’une mauvaise nuit. Selon certains spécialistes, il en serait même le principal agent causal. La restriction de sommeil modifie la façon de réagir du cerveau vis-à-vis de la nourriture. La vue d’aliments plaisir provoque une activation intense dans les régions impliquées dans le phénomène de récompense. Ce surcroît d’activité ne se manifeste pas après une nuit de sommeil normale. En rendant les aliments riches en calories plus attractifs, le manque de sommeil nous incite à les consommer sans modération.

Une étude menée chez des femmes enceintes a d’ailleurs montré qu’une mauvaise qualité de sommeil est associée à une augmentation des comportements alimentaires liés à la recherche de réconfort, avec des grignotages plus importants et fréquents.

Envies d'aliments caloriques selon le temps de sommeil
Le manque de sommeil augmente l’appétence des aliments riches en calories

Le cercle vicieux entre le manque de sommeil et la malbouffe

Si le manque de sommeil peut conduire à mal se nourrir, la réciproque est également vraie : une alimentation déséquilibrée nuit à la qualité du sommeil. Les interrelations entre ces deux aspects peuvent ainsi entretenir un cercle vicieux, où chacun renforce l’autre.

Un régime alimentaire pauvre en fibres et riche en graisses saturées et sucre est par exemple associé à un nombre de réveils nocturnes plus fréquents, tout comme le fait de manger dans les trois heures précédant le coucher

Par ailleurs, la prise de poids favorisée par le manque de sommeil augmente le risque de développer une apnée du sommeil. Ce trouble est caractérisé par des pauses trop fréquentes de la respiration au cours de la nuit. Le sommeil n’est alors plus réparateur, ce qui peut renforcer les comportements de suralimentation liés aux troubles du sommeil.

Ces liens entre nutrition et sommeil sont importants à considérer pour rester en bonne santé. Veiller à adopter des schémas de sommeil réguliers, avec un temps de repos suffisant, apparaît donc comme un moyen de maintenir son poids de forme, lui-même garant d’un sommeil réparateur.

Avez-vous aimé cet article ?



Autres articles

Vous aimeriez peut-être aussi ?
separation_couleur1