Le mode de vie serait plus important que la génétique contre Alzheimer

Modifié le 8 juillet 2024

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Un homme âgé est perdu dans ses pensées

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Pourquoi certains d’entre nous développent-ils un état de démence alors que les autres en sont épargnés ? Comme pour la grande majorité des pathologies, la réponse est double : le risque est à la fois déterminé par les particularités de notre patrimoine génétique, mais aussi par notre mode de vie.

La part génétique de la maladie d’Alzheimer

Certaines versions de gènes augmentent le risque de développer la maladie d’Alzheimer, la principale cause de démence. Il convient toutefois de distinguer deux formes de la maladie : héréditaire et sporadique.

Les formes héréditaires sont rares

La forme héréditaire de la maladie d’Alzheimer ne concerne qu’une proportion mineure des patients, de l’ordre de 1 %. Elle se manifeste généralement avant l’âge de 65 ans, souvent dans la quarantaine ou la cinquantaine.

Cette forme de la maladie est causée par des mutations de gènes spécifiques et suit un mode de transmission autosomal dominant, ce qui signifie qu’un enfant d’un parent atteint a 50 % de chances d’hériter de la mutation et de développer la maladie.

Trois altérations génétiques majeures déclenchent la maladie

Représentation d'un brin d'ADN portant une mutation.
Les mutations génétiques directement responsables de la maladie d’Alzeihmer sont peu fréquentes.

La mutation peut tout d’abord concerner le gène APP, qui code pour la protéine précurseur amyloïde. Cette protéine est normalement coupée par des enzymes pour produire des fragments, donnant notamment naissance aux peptides bêta-amyloïdes. Les mutations dans le gène APP peuvent augmenter la production de formes anormales et toxiques de ces peptides, qui s’agrègent pour former des plaques amyloïdes, une caractéristique clé de la maladie d’Alzheimer.

Deux autres mutations jouent également un rôle crucial, celles des gènes PSEN1 (préséniline 1) et PSEN2 (préséniline 2), qui font partie intégrante du complexe gamma-sécrétase. Ce complexe est responsable du clivage de la protéine APP. Lorsque ces gènes subissent des mutations, son fonctionnement est altéré, entraînant une accumulation de peptides bêta-amyloïdes toxiques dans le cerveau.

Ainsi, ces trois gènes (APP, PSEN1 et PSEN2) sont considérés comme causatifs, car leur mutation provoque directement la maladie.

La forme sporadique et ses gènes de susceptibilité

Dans la grande majorité des cas cependant, la maladie d’Alzheimer survient de manière sporadique, le plus souvent après 65 ans. Le poids occupé par la génétique dans cette situation est beaucoup plus faible.

Les études à grande échelle sur le génome (appelées GWAS) ont permis de détecter 101 variations génétiques différentes, réparties sur 81 régions du génome, associées au risque de développer la maladie d’Alzheimer. La grande majorité d’entre elles ne l’augmente que légèrement. Parmi les gènes de susceptibilité identifiés, l’un des plus importants est le gène de l’apolipoprotéine E (ApoE), qui permet la production d’une protéine de transport des lipides dans le sang. Il existe sous trois formes : ApoE2, ApoE3 et ApoE4.

Cette dernière est présente en un exemplaire chez plus de 50% des personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer, contre 15 % à 25% de la population saine.

Discriminer l’impact de la génétique et du mode de vie

En repérant les particularités génétiques d’une personne, il est ainsi possible d’établir un score de risque polygénique, qui traduit la probabilité de développer la maladie d’Alzheimer.

Cette approche, qui trouve des applications pour de nombreuses pathologies comme le cancer, a été utilisée par une équipe internationale pour déterminer si les prédispositions génétiques à la démence pouvaient être contrebalancées par nos comportements.

Les chercheurs ont procédé à cette analyse au sein d’un vaste échantillon de population de 196 383 personnes d’origine européenne. En fonction du score obtenu, elles ont été réparties en 5 groupes :

  • le groupe 1 a rassemblé les personnes présentant un risque génétique faible de développer la maladie (20% du groupe) ;
  • les groupes 2, 3 et 4 ont regroupé les participants présentant un risque intermédiaire (60%) ;
  • le groupe 5 a réuni les personnes à haut risque génétique (30%).

En parallèle, le mode de vie de chacun a été examiné par rapport à 4 critères : la qualité de l’alimentation, la pratique d’une activité physique, le tabagisme et le niveau de consommation d’alcool. Au sein de ce groupe, 68,1% des participants ont été classés dans la catégorie correspondant à un style de vie favorable, 23,6% intermédiaire et 8,2% défavorable.

Une vie saine compense un profil génétique à risque

Dresser ces sous-groupes a permis d’établir des comparaisons dans l’évolution de la santé mentale des participants, qui étaient tous exempts de démence au début de l’étude, sur la période de suivi de 8 ans.

Lorsqu’on s’intéresse aux deux catégories extrêmes, on constate que parmi les personnes à haut risque génétique et au mode de vie défavorable, 1,78% développent un état de démence. Seulement 0,56% des participants ayant un risque génétique faible et un style de vie sain suivent la même évolution.

Lorsqu’on se focalise sur les personnes présentant un risque génétique élevé, on constate qu’un mode de vie sain permet de diminuer les cas de démence. De 1,78%, le chiffre descend à 1,13%.

Cette étude apporte une preuve solide que les choix de vie peuvent atténuer les risques liés aux facteurs héréditaires, sur lesquels on ne peut intervenir.

Les habitudes de vie ayant un impact sur la maladie d’Alzheimer

De quels comportements vertueux ou au contraire délétères est-il réellement question par rapport au risque de démence en général et de maladie d’Alzheimer en particulier ? De nombreux travaux apportent un éclairage à cette question.

La prévention par l’alimentation

La qualité de l’alimentation joue un rôle majeur dans la prévention de la maladie d’Alzheimer. Tout d’abord parce qu’elle module des facteurs de risque de la maladie bien identifiés comme les maladies cardiovasculaires, le syndrome métabolique, l’hypertension, l’obésité et le diabète de type 2. Ensuite parce qu’elle exerce une influence sur l’inflammation et le stress oxydatif, des phénomènes impliqués dans la survenue des troubles cognitifs et de la maladie d’Alzheimer.

Les bienfaits du régime méditerranéen et ses dérivés

Les régimes alimentaires qui ont fait les preuves de leur efficacité en matière de maladie d’Alzheimer sont le régime méditerranéen, DASH (« Approches alimentaires pour arrêter l’hypertension ») et MIND (Intervention méditerranéo-DASH pour retarder la neurodégénérescence). Selon l’analyse de 56 études, ce dernier offre la protection la plus forte.

Ces approches nutritionnelles ont pour point commun de comporter peu d’aliments transformés, de mettre l’accent sur les aliments d’origine végétale et d’être riches en acide gras polyinsaturés, en particulier en oméga-3 fournis par les poissons et les graines oléagineuses, et mono-insaturés (les oméga-9 de l’huile d’olive).

Les apports en ces deux types d’acides gras ont d’ailleurs étaient associés une protection contre la survenue du déclin cognitif lié au vieillissement, dans une étude ayant suivi un groupe de personnes âgées non démentes à l’origine pendant 8,5 ans.

Assortiment d'aliments typiques du régime méditerranéen
Le régime méditerranéen est bénéfique pour la cognition.

Les nutriments clefs de la santé cognitive

Dans une analyse ayant compilé les données d’études observationnelles de grande taille et des essais cliniques avec un suivi de plus de 6 mois, les nutriments et substances permettant de prévenir la perte des capacités cognitives ont été identifiés. Il s’agit des oméga-3, des vitamines du groupe B, en particulier les folates, de la vitamine D et des antioxydants comme les flavonoïdes.

Pour ces derniers, une étude sur 10 ans menée auprès de 1 640 personnes âgées ne souffrant pas de démence lors de leur inclusion a mis en évidence que les apports en flavonoïdes étaient à la fois associés avec un meilleur fonctionnement cognitif au début de l’étude et à un plus faible risque de déclin mental sur la période de suivi.

La choline, abondante dans le jaune d’œuf, pourrait être ajoutée à cette liste de composés bienfaiteurs, dans la mesure où elle apparaît en mesure de réduire le risque de démence.

Impact de l’alcool : une question de dosage

La consommation d’alcool peut avoir des effets variés sur la santé cognitive, dépendant largement de la quantité consommée. Cette dualité a été mise en évidence par l’analyse de 20 études, rassemblant 175 550 participants, dont 6 395 cas de démence y compris liés à Alzheimer.

Les résultats ont mis en évidence l’effet protecteur d’une consommation légère d’alcool, le bénéfice le plus important étant obtenu avec une dose de 6g par jour, donc moins d’un verre (environ 10g d’alcool). Un risque accru de démence, d’environ 10%, a en revanche été associé à des niveaux de consommation importants, de 23 verres par semaine ou 38g d’alcool par jour.

Inflammation cérébrale et dysfonction mitochondriale

Des chercheurs ont décrit les mécanismes par lesquels l’excès d’alcool favorise le développent de la maladie d’Alzheimer. Il augmente la perméabilité intestinale, favorisant le passage de lipopolysaccharides (LPS), des molécules complexes provenant de la membrane externe de certaines bactéries, dans la circulation sanguine.

Ces LPS activent alors les cellules immunitaires qui libèrent des messagers pro-inflammatoires. Ils peuvent gagner le cerveau et y stimuler d’autres cellules immunitaires, les cellules microgliales et les astrocytes.

Au niveau du cerveau, l’alcool augmente également l’expression d’un récepteur, le TLR4, et d’une protéine qui se lie à celui-ci. Cette activation conduit à la production de cytokines pro-inflammatoires, mobilisant une quantité encore plus importante de cellules microgliales et d’astrocytes, exacerbant les phénomènes inflammatoires.

Enfin, l’alcool endommage les mitochondries au sein des cellules cérébrales, provoquant une production accrue de radicaux libres qui contribue à la neurodégénérescence caractéristique de la maladie d’Alzheimer.

Graphique illustrant les liens entre l'excès d'alccol et la maladie d'Alzheimer
Mécanisme reliant l’excès d’alcool à la maladie d’Alzheimer, d’après B. E. León et al.

Les méfaits du tabagisme

Certains travaux ont suggéré que le tabagisme pouvait représenter un facteur de protection contre le risque de développer la maladie d’Alzheimer, alors que d’autres sont arrivés à la conclusion inverse. Pour démêler le vrai du faux, des chercheurs ont analysé la littérature scientifique consacrée à ce sujet, en prenant en compte un critère crucial : l’éventuelle affiliation de leurs auteurs avec l’industrie du tabac. Ils ont notamment retenu 17 études de cohortes – menées auprès de larges échantillons de population – parmi lesquelles ils ont pu établir des liens avec cette industrie pour 3 d’entre elles, les 14 autres étant indépendantes.

Sans surprise, d’après les recherches financées par l’industrie du tabac, le fait de fumer est associé à un risque de maladie d’Alzheimer diminué de 40%

Les études indépendantes ont quant à elles mis en évidence un risque accru de 45% de développer cette affection chez les fumeurs. En affinant ce chiffre par la prise en compte de la qualité méthodologique des études, le surrisque était même plus important, de 72%. Un chiffre qui rejoint les conclusions d’une autre méta-analyse, qui a montré que les fumeurs présentaient un risque augmenté de 78% de développer la maladie par rapport aux non-fumeurs.

Des chercheurs ont quant à eux établi qu’environ 14% des cas de maladie d’Alzheimer à travers le monde sont attribuables au tabagisme. Ils ont calculé qu’une réduction de 10% de la prévalence du tabagisme réduirait de 400 000 le nombre de malades, tandis qu’une réduction de 25% se traduirait par une baisse d’un million de cas !

Graphique indiquant le nombre de cas de maladie d’Alzheimer qui pourraient être prévenus en réduisant les facteurs de risque modifiables de 10 % et 25 %
Nombre de cas de maladie d’Alzheimer qui pourraient être prévenus en réduisant les facteurs de risque modifiables de 10 % et 25 %, d’après K. Yaffe.

Lien entre fumée de cigarette et plaques amyloïdes

Une partie des effets délétères reposerait sur la présence de composés de la fumée de cigarette capables de favoriser le processus d’agrégation des peptides β amyloïdes. Par exemple, certains ions métalliques du plomb (Pb⁴⁺) se lient à une portion spécifique de ces peptides, favorisant la formation de petits agrégats. Le toluène, un hydrocarbure aromatique, promeut quant à lui la formation de plus gros agrégats.

Le sport, bouclier contre la neurodégénérescence

Un couple de séniors pratique la course à pied.
L’activité physique est un facteur de protection contre Alzheimer.

La pratique sportive apparaît comme un des leviers pour se prémunir de la maladie d’Alzheimer. Une méta-analyse conduite sur 16 études ayant rassemblé près de 164 000 personnes a mis en évidence une réduction du risque de 45% pour les participants ayant le niveau d’activité physique le plus élevé par rapport aux plus sédentaires.

Des chercheurs ont récemment examiné les gènes associés à la masse musculaire pour déterminer s’ils étaient aussi liés au risque de développer la maladie d’Alzheimer. Ils ont analysé les données de plus de 450 000 participants issus d’une vaste base de données biomédicales britannique ainsi que de milliers d’autres personnes atteintes ou non de la maladie. Les résultats ont montré que des niveaux plus élevés de masse musculaire, déterminés par les gènes, étaient associés à une réduction du risque de développer la maladie. Cette association est restée solide même après avoir pris en compte des facteurs comme l’âge, le sexe et l’ascendance génétique.

L’effet bénéfique du sport contre la maladie d’Alzheimer repose sur de nombreux mécanismes. L’activité physique favorise le flux sanguin au niveau cérébral, combat l’inflammation et régule la formation des peptides β amyloïdes. Elle permet le relargage de substances bénéfiques, les myokines, qui exercent de nombreux effets protecteurs sur l’organisme et qui sont dotées de vertus anti-âge. L’une d’elles, l’irisine, apparaît particulièrement utile contre cette maladie neurodégénérative.

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