Peut-on stimuler sa graisse brune pour maigrir ?

Modifié le 22 décembre 2023

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L'exposition au froid pendant une durée suffisante permet d'activer la graisse brune

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Dans notre organisme, les graisses sont stockés dans le tissu adipeux : le tissu adipeux blanc, qui représente le principal stock de lipides, et le tissu adipeux brun, plus réduit, qui produit de la chaleur. Comme ce tissu utilise des acides gras de l’organisme pour produire de la chaleur, on peut se demander si l’activation de la graisse brune pourrait permettre de perdre du poids.

Les adipocytes bruns brûlent des graisses

Les cellules du tissu adipeux sont appelés adipocytes. Sous certaines conditions, les adipocytes bruns et beiges ont la capacité de produire de la chaleur : c’est la thermogénèse sans frisson. Ils utilisent pour cela plusieurs sources d’énergie, dont des lipides, c’est-à-dire des graisses. 

Dans une optique de perte de poids, il serait intéressant d’activer les adipocytes bruns et beiges, et de fabriquer de nouveaux adipocytes beiges : c’est ce que nous appellerons le « brunissement » des adipocytes.

Comme la graisse brune a pour fonction de nous permettre de nous adapter à des températures basses, le moyen le plus évident de l’activer consiste à s’exposer au froid.

La graisse brune produit de la chaleur pour lutter contre le froid

L’organisme dispose de plusieurs moyens pour produire de la chaleur : la thermogénèse avec et sans frisson, et l’activité physique volontaire. Seule la thermogenèse sans frisson active la graisse brune. La thermogenèse avec frisson, quant à elle, utilise l’énergie libérée par la contraction musculaire pour produire de la chaleur.

Lors d’une exposition à un froid léger, jusqu’à 20 % de la chaleur produite par l’organisme provient de la thermogenèse sans frisson. Cette proportion est suffisante pour influencer la balance énergétique de l’organisme.

L’acclimatation au froid stimule la graisse brune

Dans une étude japonaise parue en 2013, les chercheurs ont montré qu’une acclimatation à 17 °C deux heures par jour pendant six semaines permettait de réduire les graisses de l’organisme. En même temps, l’activité de la graisse brune augmentait sur cette période. 

De même, dans une petite étude du NIH aux Etats-Unis, cinq hommes ont dormi un mois à 24 °C, un mois à 19 °C, à nouveau un mois à 24 °C, et enfin un mois à 27 °C. Après un mois à la température la plus fraîche, la graisse brune avait augmenté de 42 % et son activité métabolique de 10 %. Mais le retour à la température plus élevée avait annulé ces effets. L’augmentation de la graisse brune s’accompagnait aussi d’une meilleure sensibilité à l’insuline. 

L’exposition à des températures fraiches s’avère donc globalement bénéfique.  Une température ambiante comprise entre 18 °C et 19 °C active la graisse brune, sans pour autant affecter notre confort. 

La cryothérapie pour activer la graisse brune

Comme le froid active la graisse brune, des instituts d’esthétique proposent des séances de cryothérapie dans le but de brûler des graisses. Cette technique qui consiste à passer quelques minutes dans une cabine froide est déjà utilisée par les sportifs pour gérer les douleurs

Une séance de cryothérapie est trop brève pour stimuler efficacement la graisse brune

En 2017, deux chercheurs de l’institut Baker de Melbourne en Australie expliquaient sur le site The Conversation pourquoi ces thérapies courtes ne peuvent pas fonctionner 

« L’entraînement de la graisse brune nécessite une exposition au froid pendant plusieurs heures par jour. Il est donc peu probable que de brèves périodes telles que quelques minutes sous la douche ou une immersion dans l’azote gazeux entrecoupées d’un mode de vie chaud entraînent la graisse brune de manière significative. »

Carey A. & Kingwell B.

Ces deux chercheurs rappellent aussi que l’objectif de la graisse brune n’est pas de faire maigrir, mais de participer à survivre dans le froid. Cet environnement difficile va également stimuler la faim pour que l’organisme ne manque pas de carburant. C’est pourquoi d’après eux l’exposition au froid a en pratique peu de chances de faire maigrir.

Une séance de cryothérapie ne dure pas assez longtemps pour activer la graisse brune
Une exposition brève au froid, comme lors d’une séance de cryothérapie, ne permet pas d’activer significativement la graisse brune

Le sport active la graisse brune grâce à l’irisine

D’après une étude parue en 2014, l’irisine favorise la thermogenèse sans frisson dans les adipocytes. L’irisine est une myokine induite par l’exercice musculaire et libérée dans la circulation sanguine. Elle provient du clivage d’une protéine cellulaire : FNDC5, ou fibronectin-type III domain-containing 5, qui est la forme cellulaire de l’irisine.

Dans cette étude, les chercheurs ont suivi la sécrétion d’irisine chez dix volontaires en bonne santé. Ils ont observé que l’exercice physique augmente le taux d’irisine. Puis, les volontaires ont été exposés au froid en utilisant des couvertures thermiques dont la température a été réduite progressivement de 27 °C à 12 °C. Sept personnes ont eu des frissons et leur niveau d’irisine a augmenté.

Lorsque l’exposition au froid se prolonge dans le temps, les frissons ont tendance à diminuer et la graisse brune prend le relais. Ceci pourrait expliquer que l’exercice favorise la libération d’irisine, qui va alors avoir un effet sur la thermogenèse sans frisson. 

Pour les auteurs, le frisson stimule la production d’irisine, grâce à un mécanisme qui mime l’exercice physique. Des expériences sur des cellules ont montré que le traitement des adipocytes avec la protéine FNDC5 augmente l’expression de gènes typiques des adipocytes bruns et beiges, comme le gène de la protéine UCP1, indispensable à la thermogenèse sans frisson. FNDC5 favorise donc la production de chaleur par les adipocytes. 

L’irisine est donc une molécule induite par l’exercice physique qui favorise le brunissement des adipocytes. Une autre étude a montré que le niveau d’irisine est plus élevé chez des personnes qui font de l’exercice physique aérobie que chez des personnes sédentaires.

L’alimentation joue un rôle sur l’activation de la graisse brune

L’alimentation active elle aussi la thermogenèse sans frisson, notamment avec des repas riches en glucides. Mais il apparaît que, à long terme, les régimes faibles en glucides (ou low carb) sont plus efficaces que les régimes pauvres en graisses et riches en glucides pour perdre du poids.

Des molécules pour activer la graisse brune

Chez les personnes obèses, la graisse brune est moins active et son volume moins important, d’où l’idée de fabriquer de la graisse brune et de la réactiver pour maigrir. 

Des molécules présentes dans certains aliments interagissent avec les récepteurs présents sur les adipocytes bruns. Ces substances pourraient donc mimer les effets du froid et activer la graisse brune

En 2019, des chercheurs de l’université de Grenade en Espagne ont publié une revue de littérature sur des molécules capables d’activer la graisse brune. Ils ont trouvé 14 études à ce sujet : six sur les capsinoïdes, trois sur les catéchines, trois sur l’ephédrine, et les autres sur des extraits de plantes.

Les capsinoïdes

Les capsinoïdes sont des molécules extraites des piments (piment banane, piment de Cayenne, piment jalapeno, piment fort du chili…) et ressemblant à la capsaïcine. Les capsinoïdes sont moins piquants que la capsaïcine et plus efficaces pour stimuler la thermogenèse. 

Chez les rongeurs comme chez les humains, l’administration de capsaïcine et de capsinoïdes à haute dose favorise la thermogenèse et la dépense énergétique. Cependant, l’exposition à des températures froides est nécessaire pour activer la thermogenèse induite par les capsinoïdes chez l’homme. Ce phénomène est également valable chez les personnes dont la graisse brune est peu active.

Dans une expérience menée par Yoneshiro, les volontaires prenaient 4,5 mg de capsinoïdes par jour (trois gélules de 1,5 mg) pendant six semaines. La diminution des graisses chez les participants s’est révélée insignifiante. Mais dans une autre étude sur 80 hommes et femmes obèses, la prise de 6 mg de capsinoïdes par jour pendant 12 semaines a conduit à une perte de graisses abdominales.

les capsinoïdes sont des molécules issues des piments, et qui stimulent la thermogenèse

Les catéchines

Les catéchines sont des polyphénols présents dans le thé vert, comme l’EGCG, ou gallate d’épigallocatéchine. Les compléments de thé vert sont d’ailleurs souvent commercialisés pour perdre du poids, et leur action consisterait en l’activation de la thermogenèse par l’EGCG. 

D’après une revue de 2017, la consommation de thé vert, avec 100 à 460 mg d’EGCG par jour, permet de réduire les graisses corporelles et le poids sur une période de 12 mois. La caféine favorise cet effet, surtout chez les personnes qui en consommaient peu avant la période d’intervention.

Ephedra et éphédrine

L’éphédrine est une molécule qui mime l’effet du système nerveux sympathique. Elle est présente dans les plantes du genre Ephedra. 

Une étude a montré que l’éphédrine active le tissu adipeux brun chez les personnes minces, mais pas chez les personnes obèses, peut-être parce que le tissu adipeux brun fonctionne mal chez elles. Les effets de l’éphédrine ne font pas consensus : une autre étude a trouvé que, chez l’homme, la prise d’éphédrine diminue les graisses de l’organisme mais n’augmente pas l’activité du tissu adipeux brun.

Dans une méta-analyse datant de 2004, il a été trouvé que l’éphédrine et l’éphédra favorisent une perte de poids modeste à court terme (0,9 kg/mois), mais il n’y avait pas de données sur le long terme. 

Attention, la consommation d’éphédra ou d’éphédrine conduit à des effets indésirables comme des palpitations cardiaques.  En France, l’éphédrine et les préparations d’Ephedra sont interdits à la vente depuis 2003 en raison des risques pour le cœur 

Ail et allicine

L’allicine, une molécule de l’ail, favorise le brunissement des adipocytes dans des modèles animaux. Des études suggèrent également que l’ail a des effets anti-obésité. 

Dans un article de 2019 réalisé par des chercheurs de l’université de Téhéran, les auteurs ont compilé les résultats de 13 essais cliniques sur l’effet d’une complémentation en ail. La méta-analyse suggère que la complémentation en ail réduit le tour de taille, mais pas le poids.

Une étude récente parue en mai 2020 a montré que, chez la souris, l’allicine stimule la graisse brune et inhibe la prise de poids. D’après les auteurs, cela fait de l’allicine une approche thérapeutique prometteuse pour le traitement de l’obésité.  

Des extraits de diverses plantes

Les extraits de plantes qui pourraient activer la graisse brune sont par exemple: la maniguette (ou graine de paradis), Kaempferia Parviflora (Thai Ginseng), ou encore le Xanthigen (un complément contenant de la fucoxanthine et de l’huile de grenade). 

Le Xanthigen a été testé chez des femmes obèses et non-diabétiques. Le complément a favorisé la perte de poids et la diminution des graisses. Mais une autre petite étude sur deux femmes obèses qui ont pris du Xanthigen pendant trois mois n’a pas trouvé d’effet sur le poids. Les analyses montrent tout de même que le complément peut activer la graisse brune.

Globalement, le niveau de preuve de l’efficacité de ces molécules reste faible

Les autres pistes de recherche pour activer la graisse brune

Différents travaux de recherche de sont donné pour objectif d’identifier des médicaments prometteurs pour activer la graisse brune et faire maigrir. Elles s’orientent notamment vers les agonistes des récepteurs bêta-adrénergiques : des molécules qui vont mimer le messager qui active la graisse brune quand il fait froid.

Le  mirabégron fait partie des agonistes de ces récepteurs. Il s’agit d’un médicament prescrit contre l’hyperactivité de la vessie. Une étude récente du NIH l’a testé sur 14 femmes en bonne santé, pendant quatre semaines. Le médicament a bel et bien activé la graisse brune des volontaires, mais il n’y a pas eu de changement dans leur poids.

Les hormones thyroïdiennes activent la graisse brune

Les hormones thyroïdiennes constituent une autre piste intéressante. En effet, ces dernières influencent le poids, la production de chaleur et la dépense énergétique de l’individu. La thermogénine, la protéine indispensable à la thermogenèse dans les adipocytes bruns, est contrôlée de manière hormonale : par exemple, l’hormone thyroïdienne T4, la thyroxine, stimule la transcription de son gène.

En 2018, une étude de l’université de Porto (Portugal) a analysé la perte de poids de 641 patients ayant subi une opération de chirurgie bariatrique. Ils ont trouvé que les patients qui avaient des niveaux élevés d’hormone thyroïdienne T3 avant l’opération perdaient significativement plus de poids. 

Chez le rat, des injections d’hormones T3 provoquent le brunissement des adipocytes et une perte de poids. Les effets des hormones thyroïdiennes sur le poids sont bien connus en santé humaine : l’hyperthyroïdie conduit à une perte de poids, tandis que l’hypothyroïdie a tendance à faire grossir. C’est pourquoi l’activation des voies de signalisation thyroïdiennes pourrait aussi être une piste pour lutter contre l’obésité, afin de stimuler la graisse brune des adultes. La recherche pourrait ainsi s’orienter vers des molécules qui se fixent sur les récepteurs des hormones thyroïdiennes pour mimer leurs effets.

Il est en outre important de préciser que la lévothyroxine, qui est prescrite chez les personnes souffrant d’insuffisance thyroïdienne, ne doit pas être utilisée pour perdre du poids, comme l’indique formellement la notice du Levothyrox.


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