Les compléments de vitamine C sont inefficaces contre la cataracte

Modifié le 14 décembre 2023

Temps de lecture : 7 minutes
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oeil atteint de cataracte

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L’excès de radicaux libres au niveau de l’œil favorise le développement de la cataracte, une affection oculaire courante chez les personnes âgées. Les antioxydants qui les neutralisent, comme la vitamine C, ont ainsi été pressentis pour se prémunir de cette maladie. La supplémentation n’apporte pourtant pas les effets escomptés et pourrait même s’avérer dangereuse.

L’œil, un organe vulnérable face au stress oxydatif

Le stress oxydatif est l’un des facteurs qui contribue au vieillissement de notre organisme. Il survient lorsque les tissus contiennent de fortes quantités d’espèces chimiques dérivées de l’oxygène ou de l’azote. Ces radicaux libres sont produits lors du fonctionnement normal de nos cellules. Ils peuvent l’être d’avantage dans le cas de certaines maladies ou sous l’influence de facteurs externes, comme le tabagisme ou la pollution de l’air.

Les espèces réactives dérivées de l’oxygène ou de l’azote sont très instables et cherchent à prélever des électrons sur d’autres composés. Elles s’attaquent ainsi aux différents constituants de notre organisme comme les protéines, les lipides ou l’ADN, favorisant l’installation des pathologies chroniques.

L’exposition à la lumière génère un haut niveau de stress oxydatif

Si l’ensemble de nos organes est soumis au stress oxydatif, les yeux le sont tout particulièrement. Ils sont en effet directement exposés à la lumière une bonne partie de la journée. Les rayonnements solaires, notamment ultraviolets, entraînent la formation de radicaux libres au sein des tissus oculaires.

pénétration des rayons ultra-violet selon leur longueur d'onde
Les rayons ultraviolets pénètrent plus ou moins profondément dans l’œil selon leur longueur d’onde

En intérieur, la lumière bleue des éclairages ou émise par les écrans d’ordinateurs et téléphones agresse également nos yeux. Les cellules de l’œil sont de plus particulièrement actives pour transformer les informations lumineuses en signaux électriques décodés par le cerveau. Elles génèrent ainsi elles-mêmes une forte quantité d’espèces chimiques réactives.

La cataracte, conséquence des méfaits des radicaux libres sur le cristallin

La présence de cet excès de radicaux libres au sein de l’œil interfère avec le fonctionnement des cellules et l’expression des gènes, favorisant l’apparition de maladies oculaires.

Le cristallin, la lentille optique naturelle et transparente de l’œil qui concentre les rayons lumineux sur la rétine, y est particulièrement sensible. Il est constitué de fibres qui abritent une forte concentration de protéines cristallines. Quand elles sont endommagées par le stress oxydatif, elles ne peuvent pas être remplacées. Le cristallin s’opacifie et la cataracte s’installe. Elle représente la première cause de cécité à travers le monde, responsable de près de la moitié des cas. La fréquence de cette maladie augmente avec l’âge et on estime qu’environ 70% des plus de 79 ans présentent des signes de cette maladie.

Causes de la cécité en 2002
Causes de la cécité en 2002

Un arsenal d’antioxydants protecteurs au niveau oculaire

Défenses de l’organisme face au stress oxydatif qui opacifie les tissus oculaires

Pour protéger les tissus oculaires du stress oxydatif, ceux-ci contiennent des composés antioxydants de diverse nature.

Certains, comme la glutathion peroxydase, la glutathion réductase, la catalase ou la superoxyde dismutase, sont directement produits par l’organisme.

Les apports alimentaires complètent les antioxydants endogènes

D’autres antioxydants protecteurs pour les yeux sont issus des aliments que nous consommons. Il s’agit par exemple de la lutéine et la zéaxanthine, des pigments végétaux appartenant à la famille des caroténoïdes. Ces derniers s’accumulent au niveau des photorécepteurs, les cellules spécialisées dans la captation de la lumière. De couleur jaune, ils permettent de filtrer la lumière bleue pour en atténuer les dommages.

La vitamine C est fortement concentrée dans l’œil

Chez l’homme, l’humeur aqueuse, c’est-à-dire le liquide nourricier qui baigne l’œil, contient 20 à 70 fois plus de vitamine C que le sang. Outre ses propriétés antioxydantes, elle permet le recyclage de la vitamine E, une autre vitamine qui partage la même propriété et avec laquelle elle agit en synergie. La vitamine E protège notamment certaines portions de la membrane des photorécepteurs.

Après avoir neutralisé une espèce radicalaire, elle se retrouve sous une forme oxydée. La vitamine C, localisée à l’extérieur des membranes, lui fournit un électron pour qu’elle puisse de nouveau assurer sa fonction antioxydante.

Une association entre vitamine C et risque réduit de cataracte

Des expériences conduites chez l’animal ont ainsi montré que le cristallin subit de nombreux dégâts lorsque l’alimentation est déficiente en vitamine C. Il semble en être de même chez l’homme. Une étude menée en Inde auprès de 5638 personnes de plus de 60 ans a mis en évidence une association inverse entre la concentration sanguine en vitamine C et le risque de développer une cataracte.

Au sein de cette population, les carences en vitamine C sont très fréquentes et pourraient contribuer à la forte prévalence de cette maladie dans le pays.

La supplémentation en antioxydants peut-elle préserver de la cataracte ?

Comme les antioxydants jouent un rôle protecteur au niveau de l’œil, il est légitime de se demander si leur administration sous forme de compléments alimentaires pourrait prévenir ou améliorer l’évolution de la cataracte. Plusieurs études se sont intéressées à cette question.

Un cocktail d’antioxydants reste sans effet sur la cataracte

Des chercheurs ont évalué les effets de l’administration d’une forte dose d’antioxydants sur le développement et la progression de la cataracte lors d’un essai clinique. Plus de 4500 participants âgés de 55 à 80 ans ont reçu un mélange de 500mg de vitamine C, 268mg de vitamine E et 15mg de bêta-carotène par jour ou un placebo. Ils ont été suivis pendant une période de 6,3 ans en moyenne.

Aucune différence n’a pu être constatée entre les deux groupes, ce qui tend à montrer que la supplémentation n’a apporté aucun bénéfice contre cette maladie.

compléments alimentaires antioxydants

Les résultats de recherche ne laissent pas planer de doute

Une analyse de neuf autres essais cliniques consacrés à l’évaluation des effets de la supplémentation en ces nutriments antioxydants à dose élevée, seuls ou associés, a été conduite. Elle a porté sur 117272 personnes de différents pays, suivies de 2 à 12 ans. Là encore, aucun avantage n’a pu être mis en évidence, tant au niveau du risque de survenue de la cataracte ou d’opération de la cataracte, de la progression de la maladie ou de la perte d’acuité visuelle. Face à cette absence de résultats, la conclusion des auteurs est définitive :

« Nous ne recommandons aucune autre étude pour examiner le rôle des vitamines antioxydantes bêta-carotène, vitamine C et vitamine E dans la prévention ou le ralentissement de la progression de la cataracte liée à l’âge ».

Milan C Mathew et al.

À dose élevée, la vitamine C pourrait augmenter le risque de cataracte

Des données suggèrent même que l’administration d’antioxydants en quantité importante ne serait pas sans danger pour la vision. Une étude menée chez près de 25000 femmes a en effet mis en évidence une augmentation de 38% du risque de cataracte avec une supplémentation à base de 1g de vitamine C par jour sur le long terme. Le risque apparaît encore plus élevé chez les femmes qui suivent par ailleurs un traitement hormonal substitutif de la ménopause. L’usage de compléments multivitaminés ne contenant que 60mg de vitamine C ne semble en revanche pas problématique.

Cette situation ne concerne pas uniquement les femmes. En effet, des travaux conduits auprès d’un échantillon important de plus de 31000 hommes vivant en Suède a mis en évidence un risque accru de cataracte chez ceux qui prennent de fortes doses de vitamine C ou de vitamine E. Le risque est majoré chez les plus de 65 ans, en cas de prise de médicaments de la famille des corticostéroïdes et de supplémentation sur le long terme.

La vitamine C peut modifier les protéines du cristallin par glycation

Si ce type d’études ne permet pas d’établir formellement la responsabilité des fortes doses de vitamine C dans la survenue de la cataracte, ces données invitent tout de même à la prudence. D’autant que certains phénomènes pourraient expliquer la manière dont elle commet des dégâts. Lorsqu’un stress oxydatif est présent au niveau de l’œil de façon chronique, les défenses antioxydantes sont débordées. La forme oxydée de la vitamine C, l’acide déhydroascorbique, va alors être transformée en acide dicétogulonique. Ce produit de dégradation va contribuer à la modification de la structure chimique des protéines du cristallin par glycation. Elles s’agrègent alors, provoquant une perte de transparence du cristallin.

différentes localisation de cataracte
La glycation provoquée par le stress oxydatif conduit à l’opacification du cristallin

Le glucose est un agent de glycation bien connu, qui fait « caraméliser » les protéines de l’organisme lorsqu’il est présent en grande quantité, en cas de diabète notamment. Des expériences en tube à essai ont montré que la vitamine C est 70 fois plus active que le glucose pour modifier les protéines du cristallin.

La vitamine C peut par ailleurs devenir pro-oxydante en interagissant avec des métaux comme le fer et le cuivre.

effets de la vitamine C sur les mécanismes d'oxydation
La vitamine C peut selon les circonstances contrer ou promouvoir les phénomènes d’oxydation

L’accumulation de vitamine C dans le cristallin conduit à son opacification 

Pour valider l’existence de ce phénomène chez les êtres vivants, des chercheurs ont conçu une lignée de souris génétiquement modifiées, qui produisent une quantité accrue d’un transporteur qui achemine la vitamine C au sein du cristallin. Chez ces animaux, les taux de vitamine C et de ses dérivés d’oxydation sont 5 à 15 fois plus élevés qu’à la normale. En conséquence, les protéines du cristallin s’altèrent rapidement, comme on peut l’observer en cas de cataracte.  

Si l’œil doit contenir des niveaux adéquats de vitamine C pour protéger les tissus des dommages oxydatifs, il semble donc qu’une présence excessive de vitamine C puisse favoriser dans certaines situations l’apparition de la cataracte.

Une alimentation riche en fruits et légumes est bénéfique contre la cataracte

Miser sur une forte quantité d’antioxydants pris de façon isolée n’apparaît pas en mesure de prévenir le risque de développer une cataracte ou de freiner son évolution. Des choix alimentaires stratégiques semblent en revanche à même d’exercer une protection contre cette maladie.

Une étude menée auprès de 599 personnes de plus de 65 ans vivant en Espagne a mis en évidence une diminution de la prévalence de la cataracte en cas de consommation importante de fruits et légumes. Les niveaux d’apports en vitamine C et E bénéfiques dans ce contexte sont bien en dessous des doses utilisées dans le cadre d’une supplémentation, autour de 100mg pour la vitamine C et 8mg pour la vitamine E. Au-delà des vitamines qu’ils apportent, en quantités adaptées à nos besoins, les fruits et légumes contiennent de nombreux composés actifs qui agissent de concert pour protéger notre santé oculaire.

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