Les bienfaits du resvératrol seraient beaucoup plus faibles qu’espérés

Modifié le 14 décembre 2023

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verre de vin et grappe de raisin riches en resvératrol

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Consommé avec modération, le vin rouge aurait des vertus pour la santé, notamment cardiovasculaire, grâce à sa teneur en polyphénols. Aujourd’hui, de nombreux fabricants nous vendent les bénéfices du vin rouge dans des comprimés de resvératrol. Mais attention, il semble y avoir tromperie sur la marchandise…

Maladies cardiaques : les Français au-dessus du lot ?

En 1991, Serge Renaud, un chercheur de l’université de Bordeaux, publie une étude scientifique dans laquelle il fait remarquer une apparente contradiction : alors que les Français consomment plus de graisses animales que les autres, ils sont pourtant moins touchés par les maladies cardiovasculaires.

Concrètement, les Français consomment alors environ 108 grammes de graisses d’origine animale par jour contre 72 pour les Américains, et leur taux de mortalité par maladie cardiaque est de 83 pour 100 000 contre 115 pour 100 000 outre-Atlantique. Dans le détail, les Français mangeaient 4 fois plus de beurre, 3 fois plus de porc et 60 % plus de fromage que les Américains.

Les matières grasses étant considérées à l’époque comme la cause principale des maladies cardiaques, ces chiffres étaient difficilement compréhensibles. S’appuyant donc sur l’humilité légendaire des Français, le Pr Serge Renaud déclare qu’il s’agit là d’un « paradoxe Français » ou « French paradox » dont les causes restaient à découvrir…

La découverte qui bouleverse l’industrie vinicole

Peu de temps après, Serge Renaud s’associe à deux spécialistes de l’alimentation française et du régime méditerranéen : le Dr Michel de Lorgeril et Patricia Salen, pour tenter de mieux comprendre ce paradoxe. Leurs recherches mettent en évidence que le French paradox pourrait être la conséquence d’une association particulièrement bénéfique de polyphénols, des substances colorées retrouvées dans les fruits, les légumes, l’huile d’olive ou le vin.

C’est cette dernière source de polyphénols, en particulier, qui va retenir l’attention des médias, du public et de l’industrie vinicole qui y voient un moyen de promouvoir la fameuse boisson qui souffre d’un manque d’opinions positives en termes de santé. Mais l’industrie vinicole va avoir l’herbe coupée sous le pied par d’autres experts en marketing employés par certaines entreprises de vente de compléments alimentaires.

Ce polyphénol peut vous faire vivre 10 ans de plus

Le polyphénol du vin qui va rapidement attirer toute l’attention est le resvératrol. C’est une substance présente dans la peau du raisin noir, utilisée par la vigne pour se défendre contre l’infection d’un champignon (le Botrytis cinerea).

Mais, dans un premier temps, c’est surtout l’attention de quelques cabinets de conseil américains qui va être retenue. Leur idée est simple : si on peut proposer au public un complément alimentaire du French paradox sans les méfaits de l’alcool, les bénéfices (dans tous les sens du terme) seront encore meilleurs ! Et voilà comment quelques millions d’euros vont atterrir dans des laboratoires de recherche afin d’étudier au mieux les propriétés de ce polyphénol extraordinaire.

En 2001, une étude démontre que le resvératrol augmente jusqu’à 50 % l’espérance de vie de Caenorhabditis elegans, un petit ver transparent d’un millimètre de longueur, ou de Drosophila melanogaster, une mouche, via l’activation d’une protéine appelée SIRT1. Malheureusement, une autre équipe de recherche démontre que les animaux utilisés vivent plus longtemps à cause d’une mutation génétique qui n’a rien à voir avec le resvératrol. Dès lors la polémique ne cessera plus : les uns affirmant que le resvératrol et le gène SIRT1 sont le secret de la longévité, les autres qu’il s’agit en fait de SIRT6, les derniers qu’il s’agit en fait d’une supercherie.

Le fin mot de l’histoire n’est pas encore connu, mais ce qui est certain c’est que cela devrait nous inspirer, au moins, une certaine retenue.

Mythe N°1 : le resvératrol, cause du French paradox

En juillet 2014, une collaboration entre des chercheurs italiens et américains faisait le point sur le lien entre resvératrol et santé chez l’homme. Près de 800 hommes et femmes vivant dans la région de Chianti, en Italie, ont été suivis pendant plus de 10 ans. Les chercheurs ont mesuré leurs apports en resvératrol alimentaire (les personnes qui prenaient des compléments alimentaires de resvératrol avaient été exclues de l’étude) via des prélèvements urinaires, et ils ont ensuite observé son lien avec l’évolution de l’état de santé.

Résultat : les personnes qui avalent le plus de resvératrol dans leur alimentation ont 20 % de risque en plus de mourir que celles qui en absorbent le moins ! Le Dr Semba (université John Hopkins, USA) qui a dirigé l’étude affirme : « L’histoire du resvératrol semble être une mode qui ne résiste pas à l’épreuve du temps. L’idée était que certains aliments seraient bons pour la santé, car ils contiennent du resvératrol. Nous n’avons pas pu trouver cela du tout. »

Le French paradox n’est donc pas une conséquence de la présence du resvératrol dans les aliments. Il faut d’ailleurs se rappeler que l’hypothèse émise au départ par les chercheurs Renaud et de Lorgeril faisait état d’un ensemble de substances alimentaires agissant en synergie, et non d’un seul composé comme le crièrent certains.

Mythe N°2 : les compléments alimentaires de resvératrol sont naturels

Le resvératrol se trouve en petite quantité dans quelques aliments seulement, principalement les cacahuètes, les raisins noirs, le cacao et les myrtilles. Le vin rouge en contient donc aussi : entre 0,4 et 2 mg par litre pour un pinot noir, entre 1 et 20 mg par litre pour un vin rouge espagnol.

Les compléments alimentaires de resvératrol, eux, affichent entre 100 et 300 mg. C’est l’équivalent de 50 à 150 litres de vin dans un seul comprimé ! Il s’agit donc de doses dites « pharmacologiques », comme un médicament, car jamais le corps humain n’a été habitué à recevoir de telles doses.

Mythe N°3 : les compléments de resvératrol sont des antioxydants très intéressants pour la santé

Comme le resvératrol est une substance antioxydante, il semble naturel qu’elle puisse lutter contre des maladies chroniques. Lorsqu’on donne du resvératrol (à fortes doses) à des rats et qu’on les fait ensuite courir, on constate d’ailleurs qu’ils améliorent leurs performances. En particulier leur capacité à utiliser les graisses pour fournir de l’énergie est décuplée, ce qui améliore donc très fortement leur endurance.

Plusieurs études ont donc testé l’effet d’une supplémentation en resvératrol (de 150 à 250 mg par jour) à différents moments de la vie sur des adultes de 20 à 70 ans, et plus ou moins actifs (sédentaires, militaires ou actifs réguliers). Toutes ces études arrivent à la même conclusion, beaucoup moins populaire que celle sur les rats : lorsque les participants ont pris du resvératrol tout en faisant du sport, leur corps ne s’est pas adapté à l’exercice physique ! Autrement dit, au bout de 3 à 4 mois leur cœur n’est pas devenu plus performant, leurs muscles ne sont pas devenus plus forts, leur santé n’a pas été améliorée. À l’inverse, dans les groupes qui avaient reçu le placebo, les capacités physiques et cardiaques ont fortement augmenté !

Comment considérer de tels résultats ? Il se pourrait que l’explication provienne d’une autre analyse faite par les chercheurs. En effet, ces derniers ont constaté que le resvératrol avait bien une forte activité antioxydante. Mais cette activité est si forte et si dirigée sur les radicaux libres produits par l’exercice physique qu’elle empêche l’organisme de ressentir le stress provoqué par ce dernier. Ainsi, rien n’engage l’organisme à s’adapter à un stress qui le pousserait à améliorer ses fonctionnalités cardiaques, vasculaires ou musculaires, et aucun bénéfice santé n’est observé !

Mythe N°4 : personne n’a besoin de resvératrol

Ce mensonge, vous n’en avez sans doute jamais entendu parler. Mais il est vrai qu’on pourrait être tenté (un peu rapidement) de penser que le resvératrol ne sert à rien. En réalité, il y a quelques cas très précis dans lesquels la supplémentation en resvératrol est particulièrement utile. Car il y a au moins quelques études dans lesquelles les résultats observés chez la souris se confirment bien chez l’homme.

Prenez un groupe de 20 souris : la moitié est assignée à recevoir une alimentation « occidentale », riche en graisses et en sucres, quand l’autre moitié est assignée à recevoir la même chose avec, en plus, un complément alimentaire de resvératrol. Dans le premier groupe les souris vont devenir obèses et diabétiques, alors que dans le deuxième groupe le gain de poids sera plus limité et le diabète plus lent à s’installer.

Chez l’homme, plus d’une dizaine d’études ont formellement démontré que le resvératrol était efficace chez les personnes malades, notamment diabétiques, en surpoids et/ou hypertendues. Dans ces cas, le resvératrol améliore nettement la glycémie sanguine (en particulier en conjonction avec les médicaments classiques), favorise la perte de graisses corporelles, diminue les niveaux de cholestérol et de triglycérides.

Toutefois, l’exercice physique reste malgré tout plus efficace que le resvératrol dans tous ces domaines. Une personne qui souhaite prendre soin de sa santé aura donc de meilleurs effets en faisant du sport. En revanche, là où le resvératrol bat le sport à plate couture, c’est chez les personnes qui ne peuvent pas faire de sport ! Car oui, il y a malheureusement des cas où un handicap physique, une maladie cardiaque, un problème neurologique, peuvent nous empêcher de faire du sport. Le resvératrol est à ce moment-là une excellente solution. Bien entendu, dès que la reprise du sport sera possible, un arrêt de la supplémentation est nécessaire (voir Mensonge N°3).

À propos du French paradox

Le resvératrol a peut-être d’autres vertus pour la santé qui ne sont pas encore connues. Certains parlent d’effet anticancer, mais en l’état actuel des connaissances rien ne permet de l’affirmer. Ce qui est sûr c’est qu’il n’a rien à voir avec le French paradox pour lequel il existe aujourd’hui une explication fort simple : si les Français ont moins de maladies cardiaques en mangeant plus de graisses animales, c’est peut-être tout simplement parce que les Américains les remplacent par des graisses végétales comme l’huile de soja ou de maïs dont on sait aujourd’hui que les teneurs en acides gras oméga-6 en font des bombes inflammatoires, endommageant à long terme les vaisseaux sanguins et même notre ADN.

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Références :

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