Quelles protéines végétales en poudre utiliser pour préserver sa santé ?

Modifié le 14 décembre 2023

Temps de lecture : 8 minutes
()
protéine végétale de pois en poudre

julienvenesson.fr ce n’est pas que des formations professionnelles en nutrition, la sélection des meilleurs livres et des consultations avec des nutritionnistes, c’est aussi les réponses à vos questions dans les articles du blog. Bonne lecture !

ATTENTION ! Cet article est une suite de l’article : Quelles protéines en poudre utiliser pour préserver sa santé ? Je recommande de le lire avant de lire celui-ci.

Mise à jour début 2016 : Suite à la parution de cet article j’ai été contacté par plusieurs « grandes marques » ayant pignon sur rue dans le domaine des protéines en poudres végétales et clamant haut et fort que leur produit ne présentait pas les problèmes cités car « fermentés » ou « biofermentés ». Leur processus de fabrication donnerait lieu à un produit largement meilleur et cela serait prouvé par des études scientifiques. Malheureusement lorsque j’ai demandé à recevoir des informations précises et des documents techniques détaillant ces méthodes de fermentation et les études scientifiques en question, aucune marque n’a donné suite.

De plus en plus de personnes choisissent un mode alimentaire végétarien et les entreprises l’ont bien compris. Surfant sur le business du végétal, ils proposent nombre de produits nouveaux pour les sportifs végétariens et en particulier de nombreuses protéines en poudre végétales. C’est aussi un choix que certaines personnes sont tentées de faire après avoir découvert que leur intestin est en mauvaise santé et que la consommation de protéines de lait expose à une fragilité face aux maladies auto-immunes, comme le diabète de type 1 (pour en savoir plus à ce sujet, lire cet article précédent en cliquant ici).

Dans cet article je vais passer en revue toutes les protéines végétales existantes dans le commerce et expliquer lesquelles sont inoffensives, lesquelles sont dangereuses, et pourquoi.

Protéines de riz brun cru germé et santé

  • Le problème de l’acide phytique : les fibres du riz brun (ou riz complet) contiennent de grandes quantités d’acide phytique où il représente une forme de stockage de phosphore et d’énergie mais c’est aussi un puissant agoniste du zinc et du fer et dans une moindre mesure du calcium. Cela signifie qu’après ingestion, les minéraux et les oligoéléments présents dans l’écorce des céréales complètes, ou dans les aliments qui accompagnent le riz, sont accrochés par l’acide phytique pour former du phytate de zinc, du phytate de fer ou du phytate de calcium qui ne pourront pas être absorbés et seront excrétées par les voies naturelles. On pourrait penser que cette petite réaction est sans grande conséquence mais dans les pays en voie de développement où les céréales complètes représentent la majeure partie de l’alimentation, les habitants développent des carences en minéraux aux conséquences dramatiques sur la santé. Par ailleurs, les associations des diététiciens américains et canadiens considèrent que c’est l’acide phytique qui est responsable des fréquents déficits en fer et en zinc chez les végétariens. Les végétariens et les végétaliens, bien informés de cette problématique, ont pour habitude de faire tremper les céréales complètes dans de l’eau, la nuit précédant la cuisson ou de les faire germer comme c’est le cas dans les compléments alimentaires de protéiens de riz brun en poudre. En effet, les céréales contiennent aussi de la phytase dans leur enveloppe, une enzyme dont le rôle est de dégrader l’acide phytique : le trempage ou la germination permettent ainsi de libérer l’enzyme qui attaque l’acide phytique, si bien que sa teneur finit par diminuer mais rarement plus de 60%. De plus cette technique n’est pas toujours efficace si la céréale ne contient pas suffisamment de phytase, et c’est notamment le cas du riz complet. Les protéines de riz brun sont donc à éviter pour ne pas se déminéraliser.
  • Le problème des lectines : Les lectines sont des protéines retrouvées en grandes quantités dans les céréales, les légumineuses, les pommes de terre mais aussi à la surface de certaines bactéries et en quantités infimes dans certains fruits et légumes. Malgré leur omniprésence, et après plus d’un siècle de recherches sur ces substances, leur rôle biologique exact chez les plantes n’est toujours pas parfaitement compris. On considère cependant qu’elles jouent un rôle dans leur croissance et leur défense face aux pathogènes, agissant comme des insecticides naturels. Les lectines ont commencé à intéresser la recherche lorsqu’on s’est rendu compte qu’elles pouvaient être toxiques : l’exposition à moins de 2 mg de ricine, la lectine du ricin (dont on tire l’huile de ricin) par inhalation ou injection provoque la mort, ce qui classe la ricine comme étant 6000 fois plus toxique que le cyanure. Bien qu’il s’agisse d’une toxicité exceptionnelle, la plupart des lectines sont préoccupantes car il a été démontré que certaines d’entre elles n’étaient pas complètement détruites à la cuisson ni par nos enzymes digestives et qu’elles pouvaient passer dans le sang. Et lorsqu’elles ne passent pas dans le sang, elles peuvent perturber les villosités intestinales, augmenter la perméabilité et ainsi ouvrir la porte de nombreuses maladies, en particulier auto-immunes. D’une manière générale les lectines semblent exercer des activités biologiques fortes au niveau de toutes les muqueuses : dans l’estomac elles peuvent stimuler la production d’acide et empêcher la régénération de la muqueuse ce qui provoque un ulcère de l’estomac. Au niveau des voies respiratoires les lectines rendraient perméables les muqueuses ce qui faciliterait la survenue d’infections respiratoires (bronchites, sinusites, rhinopharyngiytes, etc.). Contrairement à ce qu’affirment de nombreux coachs la germination ne permet pas d’éliminer les lectines du riz (l’agglutinine) (c’est différent pour les légumineuses), les études montrent qu’elle n’a soit aucun effet soit qu’elle en diminue un peu la teneur mais pas de manière suffisante (c’est exactement la même chose avec la germination du gluten, cliquez ici pour en savoir plus). Il faut dire que ces derniers sont généralement rémunérés par les vendeurs de protéines de riz, on comprend donc mieux leur volonté d’imposer leur point de vue. En réalité si on souhaite préserver sa santé on évitera de consommer des protéines de riz brun cru germé.

Protéines de pois / protéines de soja et santé

D’après la société Roquette, un des leaders mondiaux dans la production d’amidons et de protéines obtenues par des moyens chimiques, les protéines de pois et de soja sont chauffées avant d’être broyées. La chaleur permet de détruire une bonne partie des lectines ce qui est une bonne chose. En revanche ce processus n’a aucun effet sur la présence de l’acide phytique et d’autres anti-nutriments : les saponines et les glycosides cyanogènes.

  • Les protéines de soja et de pois sont promues comme sources intéressantes de protéines végétales, parce qu’elles seraient « très digestes » en raison d’un bon score PDCAAS. Le PDCAAS est un calcul qui permet d’estimer la qualité d’une protéine en comparant sa teneur en acides aminés et en la comparant à ce qui serait notre besoin idéal, tout en tenant compte de notre capacité à la digérer. Cette méthode est la plus fiable actuellement pour mesurer la qualité d’une protéine, notamment si on la compare aux anciennes méthodes qu’étaient la valeur biologique (BV), le coefficient d’efficacité protéique (CEP/ PER) ou l’indice chimique. Mais le PDCAAS n’est pas non plus exempt de défaut, on sait par exemple que cette mesure ne tient pas correctement compte de la présence des antinutriments des aliments. Ainsi, en 2005, des chercheurs Canadiens en santé publique ont démontré que si on tient compte de l’effet des antinutriments sur la digestion alors le PDCAAS du soja ou du pois est diminué de 50%. Comme pour les céréales, les antinutriments des légumineuses ont pour objectif de protéger la plante des prédateurs que sont les oiseaux, les rongeurs, les bactéries ou de plus grands mammifères. Il existe des méthodes de fabrication qui permettent d’éliminer totalement l’acide phytique mais elles sont couteuses et pas utilisées pour la fabrication des produits pour sportifs. A croire qu’il y a écrit « pigeon » sur notre front…
  • Le problème des saponines : les saponines sont des antinutriments présents dans toutes les légumineuses. Les études menées sur des souris ou des cellules humaines concluent toutes que les saponines perturbent la barrière intestinale et forment littéralement des « trous ». Ce processus est la première étape vers l’apparition d’une maladie auto-immune (voir ici pour plus de précisions et les références scientifiques) et les maladies inflammatoires. Mais la toxicité des saponines n’est pas immédiate : elle dépend de la dose ingérée et de la durée de la cuisson. Alors que des lentilles ou du tofu contiennent entre 1 à 4 mg de saponines par kilo, les protéines de soja en poudre qui ne sont presque pas cuites en contiennent plus de 10 mg par kilo !
  • Le problème du glycoside cyanogène : Le glycoside cyanogène est responsable de la toxicité majeure des légumineuses lorsqu’elles sont mangées crues. Les symptômes sont la diarrhée, les vomissements, les douleurs musculaires, la rhabdomyolyse (destruction massive du tissu musculaire pouvant entrainer une destruction des reins), la myocardite et éventuellement la mort. Fort heureusement les glycosides cyanogènes sont détruits par la cuisson et personne n’aurait l’idée de manger des légumineuses crues. Le processus de fabrication des protéines en poudre permet également de le détruire. Le problème c’est que la chaleur transforme le glycoside cyanogène en thiocyanates, des substances qui sont reconnues pour interférer avec le fonctionnement normal de la glande thyroïde en empêchant la captation de l’iode. Bien que cela soit préoccupant pour les adultes en bonne santé, il semble que cela le soit nettement plus pour les femmes enceintes car les hormones thyroïdiennes sont nécessaires au développement normal du cerveau du fœtus. En 2007, des chercheurs de l’université du Texas aux Etats-Unis ont postulé que le manque temporaire d’hormones thyroïdiennes pendant les semaines 8 à 12 de la grossesse empêchait la migration des cellules neuronales dans le cerveau du fœtus, provoquant des changements morphologiques irréversibles retrouvés dans l’autisme. Parmi les causes de ce déficit temporaire en hormones ils citent l’exposition aux herbicides, au tabac, au mercure ou aux PCB qui ont pour propriété de bloquer les enzymes de la thyroïde mais aussi les aliments riches en thiocyanates au premier rang desquels les légumineuses, les pommes de terre, le millet, le fonio et en dernier les légumes de la famille des crucifères (choux, brocolis, etc.).

Protéines de chanvre et santé

Le chanvre est utilisé par l’homme depuis quelques milliers d’années seulement, on ne dispose donc pas d’un énorme recul sur ses propriétés. Toutefois, le chanvre présente d’énormes avantages comparativement aux autres protéines végétales en poudre : peu ou pas d’antinutriments connus, pas de phyto-oestrogènes, bon apport en oméga-3.

En raison d’un manque d’études scientifiques spécifiques sur cette protéine il est difficile d’affirmer avec certitude absolue qu’elle ne posera aucun problème en cas de maladie auto-immune ou intestinale mais cela semble une excellente alternative aux protéines de lait de vache ou aux protéines de riz ou de soja. C’est la protéine végétale que je recommande mais surveillez les réactions de votre organisme suite à sa consommation.

Conclusion

Si vous souhaitez manger plus de protéines végétales, le meilleur conseil que je puisse vous donner est de manger des aliments entiers et naturels. Les lentilles, haricots rouges ou le riz, lorsqu’ils sont cuits présentent beaucoup moins de dangers pour la santé. Rappelez-vous que toutes les poudres de protéines qu’elles soient animales ou végétales ne doivent être vues que comme des outils pratiques lorsqu’il ne vous est pas possible de manger de vrais aliments solides.


Références :

  1. Hurrell RF. Influence of vegetable protein sources on trace element and mineral bioavailability. J Nutr. 2003 Sep;133(9):2973S-7S.
  2. American Dietetic Association, et al. Position of the American Dietetic Association and Dietitians of Canada: Vegetarian diets. J Am Diet Assoc. 2003 Jun;103(6):748-65.
  3. Rosalind S. Gibson, Fiona Yeudall, Nancy Drost, Beatrice M. Mtitimuni, Timothy R. Cullinan. Experiences of a Community-Based Dietary Intervention to Enhance Micronutrient Adequacy of Diets Low in Animal Source Foods and High in Phytate: A Case Study in Rural Malawian Children. J. Nutr. 2003 133: 11 3992S-3999S.Perlas L & Gibson RS. Household dietary strategies to enhance the content and bioavailability of iron, zinc and calcium of selected rice- and maize-based Philippine complementary foods. Maternal Child Nutr 2005;1: 263-273.
  4. Hotz C & Gibson RS. A home-based method to reduce phytate content and increase zinc bioavailability in maize-based complementary diets. Int J Food Sci Nutr 2001;52:133–142.
  5. Wang Q, Yu LG, Campbell BJ, Milton JD, Rhodes JM. Identification of intact peanut lectin in peripheral venous blood. Lancet. 1998 Dec 5;352(9143):1831-2.
  6. Rabia Hamid, Akbar Masood. Dietary Lectins as Disease Causing Toxicants. Pakistan Journal of Nutrition 8 (3): 293-303, 2009. ISSN 1680-5194.
  7. P. C. Morris, S. E. Maddock, M. G. K. Jones, D. J. Bowles. Changes in the levels of wheat- and barley-germ agglutinin during embryogenesis in vivo, in vitro and during germination. November 1985, Volume 166, Issue 3, pp 407-413.
  8. Michael Mishkind, Kenneth Keegstra, Barry A. Palevitz. Distribution of Wheat Germ Agglutinin in Young Wheat Plants. Plant Physiol. Nov 1980; 66(5): 950–955.
  9. Gilani GS, Cockell KA, Sepehr E. Effects of antinutritional factors on protein digestibility and amino acid availability in foods. J AOAC Int. 2005 May-Jun;88(3):967-87.
  10. Mattias Fredrikson, Pierre Biot, Marie Larsson Alminger, Nils-Gunnar Carlsson, Ann-Sofie Sandberg. Production Process for High-Quality Pea-Protein Isolate with Low Content of Oligosaccharides and Phytate. Journal of Agricultural and Food Chemistry 2001 49 (3), 1208-1212
  11. Francis G, Kerem Z, Makkar HP, Becker K. The biological action of saponins in animal systems: a review. Br J Nutr. 2002 Dec;88(6):587-605.
  12. Ruiz RG, Price KR, Arthur AE, Rose ME, Rhodes MJ, Fenwick RG.  Effect of soaking and cooking on saponin content and composition of chickpeas (Cicer arietinum) and lentils (Lens culinaris). J Agric Food Chem 1996;44:1526-30.
  13. Tuxen MK, Nielsen HV, Birgens H. Poisoning by kidney beans (Phaseolus vulgaris). Ugeskr Laeger. 1991 Dec 16;153(51):3628-9.
  14. Vichova P, Jahodar L. Plant poisonings in children in the Czech Republic, 1996-2001. Hum Exp Toxicol. 2003 Sep;22(9):467-72.
  15. Tonacchera M, Pinchera A, Dimida A, Ferrarini E, Agretti P, Vitti P, Santini F, Crump K, Gibbs J. Relative potencies and additivity of perchlorate, thiocyanate, nitrate, and iodide on the inhibition of radioactive iodide uptake by the human sodium iodide symporter. Thyroid. 2004 Dec;14(12):1012-9.
  16. Román GC. Autism: transient in utero hypothyroxinemia related to maternal flavonoid ingestion during pregnancy and to other environmental antithyroid agents. J Neurol Sci. 2007 Nov 15;262(1-2):15-26.

Avez-vous aimé cet article ?



Autres articles

Vous aimeriez peut-être aussi ?
separation_couleur1