Crèmes solaires : leur efficacité serait remise en question

Modifié le 14 décembre 2023

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jeune fille qui se fait mettre de la crème solaire sur le nez

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Protégez-vous du soleil avec une crème solaire pour éviter le cancer de la peau“. Voilà un des nombreux conseils de santé qu’on entend un peu partout lorsque les beaux jours arrivent. Problème : cette affirmation n’est pas scientifique. Pire, elle est contraire à la science. Explications.

Pas de lien entre l’utilisation des crèmes solaires et le risque de mélanome

Pourtant, cet effet protecteur des crèmes solaires est repris en cœur dans les médias traditionnels, sans aucune analyse. Par exemple, en août 2015, Sciences et Avenir titrait : “Plus de crème solaire pour prévenir les cancers de la peau” sous-entendant donc non seulement que les crèmes solaires sont bien efficaces mais que, en plus, nous n’en mettrions pas assez ! Même constat chez le journal Le Monde, qui nous incite en août 2012 à “Suivre les conseils de santé publique” et, en particulier, mettre de la crème solaire la plus protectrice possible; et en grande quantité s’il vous plaît !

Pourtant, sur la question de l’efficacité des crèmes solaires, les données scientifiques négatives s’accumulent. Dernière en date (avril 2018), une étude dirigée par des chercheurs en santé publique de la faculté de médecine de Rio Grande (Brésil). Leurs travaux, publiés dans la revue scientifique European Journal of Dermatology, ont consisté à passé en revue l’intégralité des études sur le sujet, publiées depuis les années 80 jusqu’à maintenant. Ils ont réussi à obtenir des données d’une trentaine d’études, portant au total sur plus de 300 000 personnes.

Résultat : aucun lien n’est observé entre l’utilisation de crèmes solaires et le risque de cancer de la peau; qu’il s’agisse du mélanome ou des autres types de cancer. Des résultats comparables à ceux obtenus par d’autres équipes ces dernières années. Pourtant, les crèmes solaires sont sont toujours promues en tant que protections contre les cancers de la peau. Et quand elles ne sont pas promues à cet égard, leur caractère inutile n’est jamais mis en avant alors qu’il s’agit d’une information d’utilité publique (qui, de plus, peut vous faire faire des économies).

Moins de coups de soleils mais plus de problèmes de santé

Quand on parle de cancer de la peau, on parle souvent du mélanome malin. Ce cancer est en effet le plus grave (c’est celui pour lequel les risques de mourir sont les plus fortes). Mais, même si le mot “cancer” fait peur, la question est de savoir comment ce risque se traduit dans la réalité. Et les chiffres sont très parlants : à l’échelle mondiale, seuls 130 000 mélanomes malins sont diagnostiqués chaque année selon l’OMS ! En France, c’est environ 15 000, ce qui en fait donc un cancer rare.

Mais ce n’est pas parce que c’est rare qu’il ne faut pas s’en préoccuper, d’autant que sur ces trente dernières années, la fréquence du mélanome ne cesse d’augmenter… Malgré l’utilisation massive des crèmes solaires ! Pour prévenir ce cancer il est donc important de connaître les facteurs de risques. Malheureusement, ces derniers sont encore mal connus : on sait surtout qu’il faut éviter de fumer et éviter les coups de soleil, notamment dans la jeunesse.

Or, les crèmes solaires peuvent paradoxalement contribuer aux coups de soleil en procurant un faux sentiment de sécurité qui pousse à s’exposer plus longtemps au soleil. À l’université d’Edimbourg, le Pr Richard Weller, chercheur en dermatologie, étudie depuis de nombreuses années le comportement de la peau au soleil. Il explique : « Dans le nord de l’Europe, le risque de mourir d’une maladie cardiovasculaire ou d’un accident vasculaire cérébral est 60 à 100 fois plus élevé que le risque de décès suite à un cancer de la peau ». Il estime que, même pour les personnes qui s’exposeraient de manière irréfléchie au soleil (ce qu’on ne recommande pas), les bénéfices de l’exposition au soleil sans crème solaire seraient très largement supérieurs aux risques encourus.

Enfin, une étude internationale dirigée par des chercheurs français, allemands et belges suggère que la crème solaire est dangereuse justement parce qu’elle protège des coups de soleil : en effet, elles ne bloquent jamais totalement tous les UV. Avec leur utilisation, on expose donc sa peau à des UV dangereux sans avoir le signal d’alerte du coup de soleil que l’on aurait normalement.

Les crèmes solaires bloquent la synthèse de vitamine D dans la peau

En effet, l’exposition au soleil (surtout en été), est le moyen le plus efficace de produire de la vitamine D, une vitamine dont les bénéfices sur la santé sont maintenant bien documentés : les recherches ont mis en évidence qu’une exposition totale du corps à un soleil d’été entre 12h et 14h permettait de synthétiser dans la peau entre 10 000 et 20 000 UI de vitamine D3 en 30 minutes. Ces valeurs varient individuellement selon le degré de pigmentation de la peau : une personne bronzée ou de couleur noire aura besoin de s’exposer plus longtemps qu’une personne de couleur claire pour produire la même quantité de vitamine D.

Or, pour pouvoir produire de la vitamine D lors de l’exposition au soleil il faut que les rayons UVB parviennent à la peau. Si vous utilisez une crème solaire ces rayons sont bloqués et la synthèse de vitamine D est aussi bloquée totalement ou partiellement. En Scandinavie, des scientifiques ont estimé qu’augmenter l’exposition au soleil de la population éviterait l’apparition d’environ 4 000 cancers internes et sauverait près de 3 000 vies par an, uniquement grâce à la vitamine D. De plus, en cas de cancer cutané, les personnes qui ont les niveaux de vitamine D dans le sang les plus élevés ont le plus de chances d’y survivre.

A ce jour, il est démontré que la synthèse de vitamine D via l’exposition au soleil protège contre une vingtaine de différents cancers et en particulier les cancers du côlon, du sein, de la prostate, de l’endomètre, du rein et du lymphome non-Hodgkinien. Elle protège aussi de la sclérose en plaques (tout en réduisant les poussées chez les malades) et (c’est moins connu) des caries. Cerise sur la gâteau : lorsque nous nous baignons avec de la crème solaire, celle-ci se diffuse dans l’eau qu’elle pollue. A tel point que certains États comme Hawaii veulent interdire leur utilisation.

Comment bien s’exposer au soleil ?

Alors, que faire lorsqu’on part en vacances à la plage ?

  1. Essayez de prendre le soleil entre 12h et 16h, lorsqu‘il est au plus haut dans le ciel, mais pendant une très courte durée. C’est à ce moment que les UV permettent de synthétiser le plus de vitamine D dans le corps humain : entre 10 000 et 20 000 UI de vitamine D3 en 30 minutes (torse nu). Passé ce délai, optez pour les t-shirts et casquettes et découvrez-vous à nouveau en fin d’après-midi pour stimuler les mélanocytes, responsables du bronzage, ceci afin de diminuer votre risque de coup de soleil lors de la prochaine exposition (rappelez-vous : c’est un des principaux facteurs de risque de mélanome). D’une manière générale il ne faut pas passer son après-midi à se dorer la peau au soleil comme un lézard, encore moins en utilisant des huiles et crèmes de bronzage qui augmentent les effets toxiques du soleil. En adoptant cette habitude vous allez certes produire beaucoup de vitamine D mais aussi énormément de stress au niveau de l’ADN de votre peau : sans que cela augmente nécessairement votre risque de cancer cela va par contre provoquer un vieillissement accéléré de la peau.
  2. Attention à l’exposition trop épisodique : mieux vaut s’exposer régulièrement dès l’arrivée des beaux jours. Si votre exposition reste épisodique (vacances et vie en ville le reste du temps), faites très attention en retournant au soleil. Ces comportements permettent de limiter les coups de soleil en été.
  3. Les conseils relatifs à l’exposition aux rayons du soleil doivent être adaptés à chacun : une personne à la peau claire et aux yeux bleus s’exposera plutôt 15 minutes entre 12h et 16h alors qu’une personne d’origine méditerranéenne supportera un peu plus longtemps sans problème. De même, si vous avez de nombreux grains de beauté ou si vous avez déjà connu un cancer de la peau, une vigilance accrue est nécessaire.

Enfin, dernière information utile : vous ne pouvez pas fabriquer de vitamine D en utilisant une cabine de bronzage en France : un décret imposé en 1997 sans expertise scientifique a fixé une réglementation sur les cabines de bronzage. Ces dernières ont interdiction de délivrer plus de 1,5 % d’UVB. Or ce sont précisément les UVB qui permettent la synthèse de vitamine D dans la peau. Les utilisateurs de cabines UV ne sont donc pas exposés à un rayonnement naturel mais à de fortes doses d’UVA, sans pouvoir bénéficier de la protection anti-cancer de la vitamine D.

A lire également :


Références :

  1. Silva ESD, Tavares R, Paulitsch FDS, Zhang L. Use of sunscreen and risk of melanoma and non-melanoma skin cancer: a systematic review and meta-analysis. Eur J Dermatol. 2018 Apr 1;28(2):186-201.
  2. http://www.who.int/uv/faq/skincancer/fr/index1.html
  3. http://www.e-cancer.fr/Professionnels-de-sante/Depistage-et-detection-precoce/Detection-precoce-des-cancers-de-la-peau/Epidemiologie
  4. D Liu, BO Fernandez, NN Lang, JM Gallagher, DE Newby, M Feelisch and RB Weller. UVA lowers blood pressure and vasodilates the systemic arterial vasculature by mobilisation of cutaneous nitric oxide stores. Journal of Investigative Dermatology (2013) 133, S209–S221. 1247.
  5. Autier P, Doré JF, Schifflers E, Cesarini JP, Bollaerts A, Koelmel KF, Gefeller O, Liabeuf A, Lejeune F, Lienard D, et al. Melanoma and use of sunscreens: an Eortc case-control study in Germany, Belgium and France. The EORTC Melanoma Cooperative Group. Int J Cancer. 1995 Jun 9;61(6):749-55.
  6. Saiag et al. Vitamin D level at diagnosis and its variation during follow-up as prognostic factor of cutaneous melanoma. J Clin Oncol 32:5s, 2014 (suppl; abstr 9057).
  7. O’Leary RE, Diehl J, Levins PC. Update on tanning: More risks, fewer benefits. J Am Acad Dermatol. 2014 Mar;70(3):562-8.

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