Les fortes doses d’oméga-3 seraient sans danger

Modifié le 14 décembre 2023

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Les fortes doses d'oméga-3 ne présentent pas de danger

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La plupart des organisations de santé recommandent de consommer au quotidien 500 mg d’acide eicosapentaénoïque (EPA) et d’acide docosahexaénoïque (DHA), deux acides gras polyinsaturés à longue chaîne de la famille des oméga-3 importants pour notre santé. Ces besoins peuvent être couverts avec deux portions de poissons gras par semaine ou par la prise d’un complément alimentaire. 

Cette quantité d’oméga-3 ne permet cependant pas de tirer les bénéfices optimaux de ces matières grasses, notamment dans le cadre de certaines pathologies. Si aucune dose tolérable n’est à ce jour officiellement définie, il apparaît que des apports bien plus élevés n’ont pas de conséquences négatives sur notre santé.

Quels sont les risques à consommer des oméga-3 à haute dose ?

Certains travaux avaient soulevé des doutes par rapport à l’innocuité de doses élevées d’oméga-3, sur différents aspects de notre santé. Les principaux sont liés à leurs effets sur la fluidification sanguine, sur le métabolisme du glucose ou sur la fonction immunitaire.

Les Inuits : une bonne santé cardiovasculaire générale mais un risque accru d’AVC hémorragique

La préoccupation relative à l’influence des oméga-3 sur la coagulation sanguine trouve son origine dans des études épidémiologiques menées chez les Inuits. Le régime alimentaire de ce peuple du Groenland est particulièrement riche en poissons gras, qui leur fournit une quantité quotidienne élevée d’oméga-3 d’environ 6,5g par jour.

S’ils sont globalement mieux épargnés des maladies cardiovasculaires que les populations occidentales, les inuits sont plus sujets aux saignements spontanés et présentent un taux de mortalité plus élevé par AVC hémorragique. Il apparaissait dès lors légitime de s’interroger sur l’éventuelle responsabilité de ces nutriments.

Le mode de vie des inuits les conduit à consommer de fortes quantités d'oméga-3
Le mode de vie des inuits les conduit à consommer de fortes quantités d’oméga-3

Les études ne confirment pas la responsabilité des oméga-3 dans la survenue des saignements

De multiples études ont alors été menées pour mieux comprendre les effets des oméga-3 sur la fluidification du sang. Elles ont mis en évidence que les oméga-3 réduisent l’agrégation plaquettaire sans pour autant augmenter le risque de saignement, même en cas de traitements par des médicaments anti-thrombotiques. Une revue de la littérature scientifique indique qu’il n’y a pas de raison de cesser un traitement à base d’oméga-3 dans ce cas.

La prise d’oméga-3 avant une opération n’augmente pas le risque d’hémorragie

On conseille généralement aux patients devant bénéficier d’une intervention chirurgicale d’éviter de prendre des oméga-3 avant l’opération pour limiter les risques hémorragiques.

Pour évaluer la validité de cette recommandation, des chercheurs ont utilisé les informations recueillies lors d’une étude évaluant les effets de la supplémentation en oméga-3 sur le risque de survenue d’arythmie après une chirurgie cardiaque. Un large échantillon de 1516 patients a reçu une dose massive de 8 à 10g d’EPA et de DHA deux à cinq jours avant l’opération, puis 2g le jour de l’opération jusqu’à la sortie de l’hôpital.

La supplémentation n’a pas augmenté les saignements consécutifs à l’opération et les a au contraire atténués. En effet, les patients ayant pris des oméga-3 ont eu besoin d’une quantité de sang par transfusion plus faible que les patients ayant reçu le placebo. Par ailleurs, plus le taux sanguin d’EPA et de DHA était élevé le jour de l’opération, moins le risque de saignements était important.

Une analyse de la littérature scientifique consacrée à ce sujet est parvenue au même constat : il n’y a pas lieu de proscrire la prise d’huile de poisson avant une chirurgie ou une procédure invasive.

Contrairement à une idée répandue, il n'y a pas lieu d'éviter la complémentation en oméga-3 à l'approche d'une opération
Contrairement à une idée répandue, il n’y a pas lieu d’éviter la complémentation en oméga-3 à l’approche d’une opération

Les fortes doses d’oméga-3 peuvent-elles perturber la fonction immunitaire ?

Les oméga-3 ont par ailleurs tendance à atténuer certains aspects de la réponse immunitaire, ce qui a pu laisser entrevoir une augmentation du risque de contracter des infections. En 2013, des chercheurs mettaient ainsi en garde contre les forts apports en oméga-3, se basant sur les résultats d’études menées chez l’animal. Elles montraient qu’en cas d’infection bactérienne, virale ou fongique, les oméga-3 pouvaient atténuer la réponse immunitaire et contrarier l’élimination des pathogènes.

Les effets des oméga-3 sur l’immunité ne se résument pourtant pas à une simple atténuation. Leurs propriétés immunomodulatrices peuvent s’avérer bénéfiques pour tempérer les allergies ou les maladies auto-immunes. Par ailleurs, ils apparaissent en mesure d’améliorer certaines de ces réactions, optimisant l’action des lymphocytes B responsables de la sécrétion d’anticorps. Ils participent également au processus de guérison après une infection.

Oméga-3 et métabolisme du glucose

Des données issues d’études anciennes suggéraient que la prise d’oméga-3 pouvait compliquer le contrôle de la glycémie, et donc poser un problème chez les personnes souffrant de diabète. Les analyses récentes révèlent que ça n’est pas le cas.

La compilation des informations recueillies lors de 20 essais cliniques menés chez des patients atteints de diabète de type 2 a montré que la supplémentation en oméga-3 n’a pas d’impact sur les paramètres liés au métabolisme du glucose, à savoir le taux d’hémoglobine glyquée qui reflète la glycémie sur plusieurs semaines, et le taux de glucose à jeun et après les repas.

Une autre analyse de 17 essais cliniques prouve que les oméga-3 n’abaissent pas la sensibilité de l’organisme à l’insuline. La supplémentation a même un effet positif sur celle-ci chez les participants qui présentent au moins un des signes du syndrome métabolique.

La supplémentation en oméga-3 présente des effets positifs en cas de syndrome métabolique
La supplémentation en oméga-3 présente des effets positifs en cas de syndrome métabolique

Un essai clinique récent de grande envergure, REDUCE-IT (Reduction of Cardiovascular Events With EPA Intervention Trial), a montré que l’administration de 4g d’EPA par jour sur le long terme ne conduit pas à une augmentation du taux d’hémoglobine glyquée ou à une hausse du nombre de nouveaux cas de diabète.

Quels cas peuvent justifier la prise de fortes doses d’oméga-3 ?

Si pour une personne en bonne santé, une dose d’oméga-3 de l’ordre de 500 à 1000mg d’EPA et de DHA au quotidien permet d’entretenir sa santé de façon optimale et de se préserver des maladies cardiovasculaires, des dosages plus importants sont utiles dans le cadre de certaines pathologies.

Les bienfaits des fortes doses d’oméga-3 en cas de risque cardiovasculaire élevé

L’utilisation de fortes doses d’oméga-3 est nécessaire pour obtenir des bénéfices sur la santé cardiovasculaire au sein des populations à risque.

Par exemple, une méta-analyse a montré que des apports moyens de 3,25g d’EPA et/ou de DHA sont nécessaires pour normaliser un taux de triglycérides excessif. Lors de l’essai REDUCE-IT, la supplémentation à base de 4g par jour d’EPA a permis de réduire de 25% la survenue d’événements cardiovasculaires majeurs chez des personnes dans cette situation. Pour obtenir des effets sur la tension artérielle, un dosage d’environ 3g par jour est indiqué.

De fortes doses d'oméga-3 sont nécessaires en cas de risque cardiovasculaire élevé
De fortes doses d’oméga-3 sont nécessaires en cas de risque cardiovasculaire élevé

Doses élevées d’oméga-3 et troubles de la sphère cérébrale

Les bienfaits des oméga-3 contre différents troubles psychiques sont à l’étude depuis plusieurs années. Des bénéfices en cas de schizophrénie ont pu être mis en évidence avec des doses relativement importantes.

En cas de trouble de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), les résultats obtenus sont d’autant plus importants que la dose d’EPA utilisée est forte :

L'efficacité de la complémentation en EPA pour le trouble du déficit de l'attention augmente avec la dose

Pour les états dépressifs, les essais cliniques menés utilisent des doses très variables d’EPA, comprises entre 45 et 4400mg par jour. Une compilation de ces données a établi la supériorité des fortes doses par rapport aux plus faibles.

Par ailleurs, l’utilisation de quantités trop limitées d’oméga-3 pourrait expliquer l’absence d’efficacité dans le cadre de la prévention de la maladie d’Alzheimer, malgré des données préliminaires encourageantes. Des chercheurs ont montré que l’administration d’un peu plus de 2g de DHA pendant 6 mois ne conduit qu’à une augmentation de 28% en moyenne de son taux dans le cerveau. En utilisant la dose classiquement privilégiée dans la plupart des essais cliniques, soit 1g, l’élévation du taux de DHA au niveau de la sphère cérébrale est ainsi trop modeste pour obtenir un effet thérapeutique.

Jusqu’à quelle dose peut-on se complémenter en oméga-3 ?

Un groupe d’experts de l’autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a analysé l’information scientifique disponible pour définir un apport maximal tolérable en oméga-3. S’ils ont estimé qu’ils n’avaient pas les éléments nécessaires pour l’établir, ils ont conclu qu’une dose de 5g est sans danger pour la santé. Selon ces spécialistes :

« La supplémentation à long terme en EPA et DHA combinés jusqu’à 5g par jour n’augmente pas le risque de saignements spontanés et n’aggrave pas les saignements chez les personnes prédisposées (par exemple qui prennent des anticoagulants ou de l’aspirine). […] La supplémentation en EPA et DHA jusqu’à 5g par jour n’affecte pas le contrôle de la glycémie ni chez les hommes diabétiques ni chez les hommes en bonne santé. La supplémentation n’a pas non plus d’impact négatif sur le système immunitaire et n’affaiblit pas le système immunitaire ni ne provoque de réaction anormale de ce dernier. »

EFSA Journal

Il est important de signaler que l’EFSA se limite à 5g par jour dans ses conclusions en raison d’un manque de données pour des doses plus importantes, mais rien n’indique qu’elles poseraient problème.

Le risque n’est pas tant dans la dose que dans le manque de qualité du produit

Les experts de l’EFSA précisent que les oméga-3, même fortement dosés, ne représentent pas de risque pour la santé à condition que leur stabilité oxydative soit garantie. En effet, les oméga-3 sont des substances fragiles, particulièrement sujets à l’oxydation lorsqu’ils sont exposés à la lumière et à la chaleur.

Prendre un complément alimentaire de mauvaise qualité prive non seulement des bienfaits des oméga-3 mais expose de plus à des risques pour la santé. Il est donc indispensable de s’assurer du faible degré d’oxydation de son produit en se référant à son indice TOTOX, qui doit être le plus faible possible.


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