Pourquoi les jus de fruits ne sont pas bons pour la santé

Modifié le 21 décembre 2023

Temps de lecture : 6 minutes
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verre de jus d'orange à côté d'une orange coupée en deux

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Les fruits sont riches en vitamines, fibres et autres molécules bénéfiques pour la santé et il n’y a pas de doutes que leur consommation régulière est bénéfique pour la santé. Mais est-ce aussi le cas des jus fabriqués à partir des fruits ? Y a-t-il des différences d’effets sur la santé entre un jus de fruits pressé à la maison et un jus de fruits acheté en magasin ?

Une étude trompeuse financée par l’industrie agro-alimentaire

La question fait de nouveau débat sur internet ces derniers temps, suite à différents messages postés par des blogueurs dans le domaine du fitness sur Instagram ou YouTube. Selon ces derniers, boire du jus de fruits quotidiennement ne serait pas un problème, ils vont même jusqu’à recommander cette pratique en mettant en avant des études scientifiques, en particulier une méta-analyse de 2017 qui semble très rassurante. Pourtant, cette étude n’a aucune valeur et voici pourquoi :

  1. Une méta-analyse qui sélectionne les études pour modifier les conclusions. C’est un grand classique mis en œuvre dans cette étude : seules les études ayant observé la glycémie ou l’insuline à jeun ne sont retenues et uniquement sur une courte période (trois mois maximums !). Ces informations ne sont malheureusement pas suffisantes pour conclure quoi que ce soit.
  2. Une méta-analyse financée par un lobby industriel. Cette étude est financée par le cabinet Exponent. Un article du Monde de mai 2019 sur les lobbies qui agissent au sein de l’Union européenne citait le cabinet Exponent parmi ceux qui produisent des « études qui permettront d’entretenir le doute sur la dangerosité des produits face à des velléités réglementaires. »

Alors, que disent les études indépendantes de qualité sur le sujet ?

Les jus de fruits augmentent le risque de diabète à long terme

Une étude récente réalisée par l’ université de Harvard a montré que le fait de consommer plus de boissons sucrées, y compris des jus de fruits naturels faits maison, augmente le risque de développer un diabète de type 2. La force de cette étude réside dans sa durée et sa taille puisqu’elle a pris en compte 22 à 26 années de données sur 192.000 personnes, qui faisaient partie de trois grandes études : Nurses’ Health Study (l’étude dite « des infirmières »), Nurses’ Health Study II (l’étude numéro 2 des infirmières), et Health Professionals’ Follow-up Study (l’étude dite « des professionnels de santé »).

Résultats : les personnes qui augmentent de 120 g leur consommation quotidienne de boissons sucrées, y compris en jus de fruits, pendant quatre ans, ont 16 % de risque de plus de développer un diabète de type 2 dans les quatre années suivantes. Inversement, en remplaçant une portion de boisson sucrée par du thé, du café ou de l’eau, on réduit son risque de diabète de 2 à 10 %.

Le principal auteur de cette recherche, Jean-Philippe Drouin-Chartier, est un docteur en médecine expérimentale de l’université de Laval qui effectue son stage post-doctoral à Harvard, dans le département de nutrition. La recherche, co-signée par dix scientifiques américains et chinois, a été dirigée par Frank Hu, professeur de nutrition et d’épidémiologie à l’université de Harvard.

En 2013, une autre étude avait déjà démontré que la consommation de jus de fruits augmente le risque de diabète de type 2. Les données de trois cohortes regroupant plus de 180.000 personnes montraient qu’une augmentation de trois portions de jus de fruits par semaine (une demi-portion par jour !) élève le risque de diabète de type 2 de 7 %. 

La consommation de jus de fruits augmente la mortalité et le risque cardiovasculaire

Mais le diabète de type 2 ne serait pas le seul problème… Dans un article paru en mai 2019 dans la revue scientifique internationale JAMA Network Open, des scientifiques, issus de plusieurs universités américaines, ont examiné le lien entre la mortalité et la consommation de boissons sucrées. Ils ont étudié une cohorte de 13.000 adultes de plus de 45 ans suivis pendant six ans. Les chercheurs ont constaté que la consommation d’une portion (350 g) de jus de fruits par jour augmentait le risque de mortalité de 24 %. D’après eux, l’augmentation de la mortalité pourrait être due à un effet sur l’obésité et la résistance à l’insuline, à cause de la présence de sucre dans les jus.

De plus, une étude de 2015 a trouvé que les personnes qui consomment des jus de fruits tous les jours ont une pression artérielle plus élevée que ceux qui en boivent rarement, ce qui accroît leur risque cardiovasculaire. 

Pourquoi les jus de fruits sont mauvais pour la santé

Les jus de fruits, même ceux préparés à la maison, contiennent souvent autant de sucres et de calories que les boissons sucrées. Par exemple, 100 g de jus de pommes apportent 11 g de glucides et 46 calories, quand 100 g de cola en contiennent respectivement 10 g et 38 calories. Certes, le sucre des jus de fruits peut être qualifié de « naturel » car il n’est pas ajouté à la boisson. Mais il comprend du glucose, du fructose, et du saccharose, qui est métabolisé en glucose et fructose dans l’organisme : les molécules sont quasiment les mêmes que celles des boissons sucrées dans lesquelles les sucres sont ajoutés. 

Ces sucres pourraient augmenter les risques de caries et de surpoids, notamment chez les enfants, comme le suggérait une étude britannique de 2015 sur les boissons aux fruits destinées aux plus jeunes. Chez de jeunes enfants, d’après les auteurs, les apports en sucres libres ne devraient pas dépasser 19 g par jour. Mais cette limite est dépassée avec 200 mL de jus de fruits…

Le lien entre diabète et jus de fruit peut s’expliquer par l’indice glycémique qui est généralement beaucoup plus élevé dans les jus que dans les fruits entiers. Par exemple, l’indice glycémique d’un jus de pamplemousse est quasiment le double de celui d’un pamplemousse. Le jus de fruits, liquide, passe plus vite dans l’intestin que le fruit entier, solide, qui est digéré plus lentement : les jus de fruits modifient donc plus rapidement la glycémie que les fruits entiers.

Les jus de fruits apportent du fructose qui est métabolisé en graisses

De plus, le fructose présent dans les jus de fruits n’est pas un sucre anodin. En effet glucose et fructose ne sont pas métabolisés de la même manière : alors que le glucose est le principal sucre circulant dans le sang la plupart du fructose alimentaire est extrait de la circulation et métabolisé dans le foie où il favorise la formation de lipides

Contrairement au glucose, le fructose ne stimule pas la sécrétion d’insuline : c’est un problème car cette hormone envoie normalement un signal au cerveau pour réduire l’appétit et diminuer la prise alimentaire. Cet effet du fructose sur l’appétit a été démontré dans une petite étude de 2015, où les chercheurs ont analysé les IRM de 24 personnes qui avaient absorbé du fructose ou du glucose. Les participants ont répondu à des questionnaires sur leur appétit. Les résultats ont trouvé que le fructose rassasie moins que le glucose : le fructose augmente l’appétit et le désir de manger des aliments caloriques. Il faut noter aussi que, par rapport aux fruits entiers, les jus contiennent moins de fibres même s’il y a toujours la pulpe, qui sont des molécules importantes pour ralentir le passage du fructose dans le sang : si 100 g d’oranges contiennent 2 g de fibres, un jus d’orange en apporte dix fois moins.

Il est à noter que même les autorités de santé très « conservatives » en termes de nutrition déconseillent aussi les jus de fruits : le Programme National Nutrition Santé PNNS indique : « Les jus de fruits quels qu’ils soient sont très sucrés et pauvres en fibres. Si vous en buvez, il est recommandé de ne pas en consommer plus d’un verre par jour et de prendre alors plutôt un fruit pressé. »

Lectures recommandées :


Références :

  1. Murphy et al. 100 % Fruit juice and measures of glucose control and insulin sensitivity: a systematic review and meta-analysis of randomised controlled trials. J Nutr Sci. 2017.
  2. Dagorn et Horel. Petit guide de lobbying dans les arènes de l’Union européenne. Lemonde.fr 2019.
  3. Drouin-Chartier et al. Changes in Consumption of Sugary Beverages and Artificially Sweetened Beverages and Subsequent Risk of Type 2 Diabetes: Results From Three Large Prospective U.S. Cohorts of Women and Men. Diabetes Care. 2019.
  4. Collin et al. Association of Sugary Beverage Consumption With Mortality Risk in US Adults. A Secondary Analysis of Data From the REGARDS Study. JAMA Netw Open. 2019.
  5. Muraki et al. Fruit consumption and risk of type 2 diabetes: results from three prospective longitudinal cohort studies. BMJ. 2013.
  6. Pase et al. Habitual intake of fruit juice predicts central blood pressure. Appetite. 2015.
  7. Boulton et al. How much sugar is hidden in drinks marketed to children? A survey of fruit juices, juice drinks and smoothies. BMJ Open. 2016.
  8. Luo et al. Differential effects of fructose versus glucose on brain and appetitive responses to food cues and decisions for food rewards. Proc Natl Acad Sci U S A. 2015.

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