Manger bio est-il vraiment nécessaire pour la santé ?

Modifié le 6 février 2024

Temps de lecture : 16 minutes
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Agriculteur biologique et ses animaux de basse cours dans la Nièvre en France.

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À l’heure où le marché bio connait ses premiers reculs avec une baisse de consommation de 1,3% en 2021 par rapport à 2020 et d’environ 12% pour 2022. Acheter bio est-il vraiment utile pour notre santé ou s’agit-il d’une mode de « bobo » ? Sur internet, les avis divergent, même entre certains spécialistes. Alors que dit vraiment la science ?

Pour y répondre, il est nécessaire de répondre à plusieurs interrogations :

  • Est-on véritablement plus exposé aux pesticides en mangeant des produits issus de l’agriculture conventionnelle par rapport à des produits issus de l’agriculture biologique ?
  • On peut également se demander : les pesticides retrouvés dans l’alimentation conventionnelle sont-ils plutôt sécuritaires ou non ? 

Regardons en détail les résultats d’analyses des institutions responsables de contrôler la qualité sanitaire de notre alimentation. 

Mesures de l’exposition aux pesticides alimentaires 

En France, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) analyse chaque année plusieurs échantillons de denrées alimentaires d’origine végétale. Son but est de contrôler les taux de résidus de pesticides. En 2017, elle a analysé 4958 échantillons provenant de :

  • La France métropolitaine : 2230 
  • Des territoires d’outre-mer : 334 
  • Des pays de l’Union européenne : 639
  • D’autres pays : 1653

Elle a cherché la présence de 423 produits actifs.

Sur l’ensemble des échantillons analysés, 2 511 présentaient une teneur en résidus de pesticides quantifiable. Pour 316 d’entre eux, la DGCCRF a trouvé un taux résiduel supérieur à la limite maximale autorisée, 181 ont été déclarés non conformes à la réglementation.

DGCCRF

Leurs résultats montrent que plus d’un produit sur deux est contaminé. Plus précisément dans les fruits, on retrouve la présence de pesticides à 62,9 % et 3 % des échantillons dépassent la MRL ou « limite maximale résiduelle ». On retrouve la présence de pesticides dans 43,1 % des légumes et 2,4 % dépassent la MRL.

Afin de protéger les groupes vulnérables tels que les enfants, les limites maximales résiduelles (MRL) sont fixées, non seulement de manière à ne pas présenter de danger, mais également au niveau le plus faible raisonnablement atteignable compatible avec les bonnes pratiques agricoles pour chaque pesticide. Ainsi la non-conformité d’une denrée n’induit que rarement un risque aigu pour la santé du consommateur.

DGCCRF

Si l’on prend les chiffres de la DGCCRF et les recommandations du PNNS sur la consommation des fruits et légumes : Le PNNS nous conseille un apport de 5 fruits et légumes par jour (3 rations de légumes et 2 rations de fruits). On peut alors extrapoler le nombre de fois où en moyenne un Français est exposé aux pesticides par son alimentation. 

LégumesFruits
Nombre de jours dans l’année365365
Nombre de rations par jour32
Nombre de rations à l’année1095730
Taux de contamination aux pesticides43,1%62,9%
Nombre de rations contaminées472459
Taux de contamination dépassant la MRL2,4%3%
Nombre de rations dépassant la MRL2622
Nombre de ration totales contaminées par catégories498481
Aliments contaminés par les pesticides : moyenne d’exposition d’un Français

Un Français peut donc entre sa consommation domestique et hors domicile être exposé 979 fois par an soit 2,68 fois par jour.

De plus, toute notre alimentation a pour base les végétaux : 

  • Les animaux se nourrissent de végétaux
  • Les matières grasses sont extraites de graines végétales
  • Les céréales sont des végétaux

On peut donc en conclure que notre exposition aux pesticides ne se limite pas aux fruits et légumes.

Plus spécifiquement sur les produits européens, comme la DGCCRF, l’Union européenne publie un rapport régulier sur la qualité des produits alimentaires. Les conclusions sont les suivantes :

Premièrement, la présence de 3 produits interdits en tant que pesticides est encore retrouvée dans la graisse des animaux notamment la graisse de bœuf :

  • Le DDT (dichlorodiphényltrichloroéthane) interdit en France en 1971.
  • L’hexachlorobenzène, produit cancérigène interdit en 1981 en UE et en 2001 dans les pays ayant signé la convention de Stockholm.
  • Le lindane, un insecticide cancérigène interdit en France depuis 1998 et en étude pour être inscrit sur la convention de Stockholm. 

Plus de 50, 40 et 20 ans après leurs interdictions, ces produits prouvent leurs persistances dans l’environnement. En 2018, ils ont été détectés dans 7,5 % des échantillons issus de graisses bovines, 2 échantillons de graisses bovines ont dépassé la MRL en hexachlorobenzène et 1 échantillon d’œuf a dépassé la MRL en DDT.

Deuxièmement, l’analyse de 5735 échantillons de produits provenant de l’agriculture biologique montre aussi une contamination aux produits phytosanitaires. 1,4 % des produits dépassent la MRL. Par contre, même si une contamination des produits biologiques est possible, elle reste 4 fois moins importante.

Graphique à barres comparant les taux de pesticides retrouvés dans les produits issus de l’agriculture conventionnelle et biologique. Ce graphique expose le pourcentage d’échantillon contaminé par les pesticides ne dépassant pas la MRL (la limite maximum de résidus) avec les taux retrouvés en 2018 pour l'agriculture conventionnel (vert pâle) et l'agriculture biologique (vert foncé).  Ce graphique compare les taux sur plusieurs familles d’aliments de haut en bas : les produits d’origine animale, les produits céréaliers, les fruits et les graines oléagineuses, les autres produits à base de plantes, les légumes et le total. 
Comparaison entre les taux de pesticides retrouvés en dessous de la MRL dans les produits issus de l’agriculture conventionnelle et biologique
Graphique à barres comparant les taux de pesticides retrouvés dans les produits issus de l’agriculture conventionnelle et biologique. Ce graphique expose le pourcentage d’échantillon contaminé par les pesticides dépassant la MRL (la limite maximum de résidus) avec les taux retrouvés en 2018 pour l'agriculture conventionnel (marron) et l'agriculture biologique (bordeaux).  Ce graphique compare les taux sur plusieurs familles d’aliments de haut en bas : les produits d’origine animale, les produits céréaliers, les fruits et les graines oléagineuses, les autres produits à base de plantes, les légumes et le total. 
Comparaison entre les taux de pesticides retrouvés au dessus de la MRL dans les produits issus de l’agriculture conventionnelle et biologique

Troisièmement, les produits non transformés (bruts) sont largement plus contaminés que les produits transformés. Dans 31,2 % des produits non transformés, on a détecté la présence de résidus contre 12,4 % pour les produits transformés.

Pour terminer, l’origine des produits est importante. Les pays européens sont généralement des bons élèves comparés au reste du monde. 

Graphique à barres représentant l’origine des échantillons testés en provenance des différents pays membres de l’UE et de l’AELE. Ce graphique expose le pourcentage d’échantillon contaminé par les pesticides ne dépassant pas la MRL (la limite maximum de résidus)  avec les taux retrouvés en 2017 (vert pâle) et en 2018 (vert foncé).La liste des pays comprend le Portugal, Chypre, Malte, Le Royaume-Uni, Grèce, Bulgarie, Pologne, Belgique, France, Roumanie, Allemagne, Luxembourg, Espagne, Pays-Bas, Slovaquie, Hongrie, Italie, République tchèque, Estonie, Croatie, Norvège, Lituanie, Autriche, Lettonie, Irlande, Slovénie, Danemark, Suède, Finlande et Islande. 
Taux de pesticides retrouvés inférieur à la MRL dans les échantillons des pays membres de l’UE et AELE
Graphique à barres représentant l’origine des échantillons testés en provenance des différents pays extérieurs à l’UE et de l’AELE. Ce graphique expose le pourcentage d’échantillon contaminé par les pesticides ne dépassant pas la MRL (la limite maximum de résidus) avec les taux retrouvés en 2017 (vert pâle) et en 2018 (vert foncé).La liste des pays comprend le Suriname, Jordanie, Uganda, Pakistan, Viet Nam, République dominicaine, Thaïlande, Chine, Inde, Guatemala, Kenya, Sri Lanka, Mexique, Sénégal, Albanie, Turquie, Maroc, Ghana, Bénin, Israël, Colombie, Brésil, Pérou, Égypte, Russie, Honduras, Macédoine du Nord, Madagascar, USA, Éthiopie, Costa Rica, Argentine, Moldavie, Serbie, Ukraine, Cameroun, Équateur, Chili, Zimbabwe, Canada, Afrique du Sud, Kazakhstan, Tunisie, Nouvelle-Zélande, Côte d’Ivoire et Panama. 
Taux de pesticides retrouvés inférieur à la MRL dans les échantillons des pays hors UE et AELE
Graphique à barres représentant l’origine des échantillons testés en provenance des différents pays membres de l’UE et de l’AELE. Ce graphique expose le pourcentage d’échantillon contaminé par les pesticides dépassant la MRL (la limite maximum de résidus)  avec les taux retrouvés en 2017 (marron) et en 2018 (bordeaux).La liste des pays comprend le Portugal, Chypre, Malte, Le Royaume-Uni, Grèce, Bulgarie, Pologne, Belgique, France, Roumanie, Allemagne, Luxembourg, Espagne, Pays-Bas, Slovaquie, Hongrie, Italie, République tchèque, Estonie, Croatie, Norvège, Lituanie, Autriche, Lettonie, Irlande, Slovénie, Danemark, Suède, Finlande et Islande. 
Taux de pesticides retrouvés supérieur à la MRL dans les échantillons des pays membres de l’UE et AELE
Graphique à barres représentant l’origine des échantillons testés en provenance des différents pays extérieurs à l’UE et de l’AELE. Ce graphique expose le pourcentage d’échantillon contaminé par les pesticides ne dépassant pas la MRL (la limite maximum de résidus) avec les taux retrouvés en 2017 (marron) et en 2018 (bordeaux).La liste des pays comprend le Suriname, Jordanie, Uganda, Pakistan, Viet Nam, République dominicaine, Thaïlande, Chine, Inde, Guatemala, Kenya, Sri Lanka, Mexique, Sénégal, Albanie, Turquie, Maroc, Ghana, Bénin, Israël, Colombie, Brésil, Pérou, Égypte, Russie, Honduras, Macédoine du Nord, Madagascar, USA, Éthiopie, Costa Rica, Argentine, Moldavie, Serbie, Ukraine, Cameroun, Équateur, Chili, Zimbabwe, Canada, Afrique du Sud, Kazakhstan, Tunisie, Nouvelle-Zélande, Côte d’Ivoire et Panama. 
Taux de pesticides retrouvés supérieur à la MRL dans les échantillons des pays hors UE et AELE

Si les pays de l’UE ont un taux de contamination moyen de 45,4 %, le taux des autres pays est en moyenne de 61,8 %.

Maintenant que nous avons plus de précision sur notre exposition aux pesticides, il est temps de répondre à une autre question : est-ce que les doses de résidus des pesticides que l’on retrouve dans nos aliments sont une menace pour notre santé ? 

La sécurité sanitaire des pesticides et herbicides

Les autorités sanitaires définissent des limites de sécurité pour l’usage et la teneur en résidus de pesticides dans les fruits et légumes. Ces limites, établies par des toxicologues, sont censées protéger la population. Or, il y a plusieurs problèmes avec cette méthode :

  • Tout d’abord, il faut savoir que les toxicologues ne considèrent pas tous que la science est la chose la plus importante dans la vie. Certains considèrent que l’argent est un peu plus important. Diverses enquêtes publiées dans des grands journaux « classiques » (Libération par exemple) ont ainsi déjà montré que de nombreux chercheurs et toxicologues avaient été payés par des industriels qui fabriquent des pesticides ou herbicides pour promouvoir leurs produits. Cela pose donc déjà un premier problème sur les doses de sécurité : toutes les études toxicologiques sont-elles fiables ? Il est difficile de répondre avec certitude.
  • Deuxième point, toutes ces limites sont basées sur des études animales, sur des rats. Or le corps humain est plus complexe que celui d’un rat : on ne peut pas tout conclure de ces études ; comme nous allons le voir plus loin.
  • Troisième point, les études toxicologiques se font toujours sur les ingrédients actifs. Or, les produits utilisés par les agriculteurs ou éleveurs contiennent souvent des adjuvants ou excipients. Cette problématique a été pointée du doigt suite aux discussions entourant l’utilisation du Roundup. La chercheur et toxicologue Laurence Huc a ainsi expliqué sur le site du journal L’Express :  

Le principe actif — le glyphosate — est le seul pris en compte dans les études toxicologiques. Or, le Roundup contient un grand nombre d’adjuvants — permettant au glyphosate d’être plus efficace — et ces derniers ne sont pas toujours connus, secret industriel oblige ».

Laurence HUC
  • Quatrième point, les toxicologues ne peuvent pas étudier la toxicité et la nocivité de toutes les molécules présentes sur le marché. En 2002, on dénombrait 85 000 molécules actives sur le marché des produits chimiques. À ceux-là, en moyenne 1000 nouvelles molécules sont mises sur le marché chaque année. De plus, avant 1976, les tests toxicologiques sur les humains n’étaient pas obligatoires pour accorder une autorisation de mises sur le marché. Cela concerne 62 000 produits pouvant être encore utilisés aujourd’hui. C’est pourquoi à ce jour, les effets de 80 % de ces molécules n’ont pas été étudiés par les scientifiques. 
  • Enfin, dernier point, ces études toxicologiques se font toujours sur une seule molécule ; or une étude très récente de l’INRA a démontré qu’il y avait un effet « cocktail » (cumulatif) très important des pesticides à faibles doses. Cette étude de l’INRA a toujours utilisé des rats. Ils ont été suivis pendant un an et ont été exposés aux six pesticides les plus utilisés en France aux doses de sécurité (doses journalières admissibles ou DJA pour les hommes transposés aux rats proportionnellement à leur taille et poids). Selon les autorités, les doses en question auraient donc dû être totalement sécuritaires. Or, en pratique cette étude a montré que l’exposition à plusieurs pesticides à faibles doses générait une toxicité cumulative qui n’est jamais analysée habituellement dans les études : surpoids, diabète, perturbations de la flore intestinale. C’est un vrai problème puisqu’on trouve aussi dans notre sang de nombreux autres polluants liés à notre environnement moderne qui pourraient donc aussi contribuer à cet effet cocktail.

Pour en savoir plus, je vous invite à découvrir une intervention de la chercheur et toxicologue Laurence Huc, spécialiste de la toxicité des pesticides. 

Vidéo explicative des dangers des pesticides sur la santé présentée par deux toxicologues

Avec toutes ces données, entre adjuvants, conflits d’intérêts, études toxicologiques réalisées sur des animaux et non sur des humains et l’impossibilité à tester toutes les molécules sur le marché par les scientifiques, il est vraiment difficile de se faire une idée.

Une chose est sûre, les pesticides sont des produits toxiques et si l’on appliquait le principe de précaution, des études plus poussées seraient réalisées avant de mettre tel ou tel produit sur le marché. Actuellement ce n’est pas franchement le cas. 

Alors, quels sont les effets concrets de notre exposition aux pesticides lorsqu’on mange des aliments issus de l’agriculture conventionnelle ? Avant d’y répondre, je vais faire un petit comparatif pour expliquer les différences nutritionnelles entre produits bios et produits classiques :

Différences nutritionnelles entre aliments biologiques et conventionnels

  • Les vitamines et minéraux : on entend tout et son contraire à ce sujet. Pourtant les études sont très claires : il y a peu ou pas de différence de teneurs en vitamines ou minéraux entre les fruits légumes bios ou issus de l’agriculture conventionnelle. Mais cela ne veut pas dire pour autant que les produits bios ne sont pas meilleurs pour la santé comme le laissent entendre de manière trompeuse certains sites comme Futura-Science. En effet, les effets sur la santé d’un aliment ne se résument pas à la teneur en vitamines et minéraux. D’autres substances sont importantes et notamment les antioxydants et polyphénols.
  • Les acides gras oméga-3 : les chercheurs expliquent que la teneur en acides gras oméga-3 dans les graisses des produits animaux (viandes, laitages, œufs) dépend fortement de l’état de santé des animaux d’une part et de leur alimentation d’autre part. Or, en agriculture bio, quand l’élevage n’est pas industriel, on utilise moins de céréales et plus de fourrages pour nourrir les bêtes (herbe, foin). Même chose pour les poules qui ont accès à l’extérieur et à plus de surface. Or, l’herbe et les trèfles sont riches en acides gras oméga-3 : 30 à 50 % des graisses de ces végétaux sont des oméga-3 contre moins de 10 % pour les céréales. Les viandes, laitages et œufs issus de l’agriculture biologique contiennent donc nettement plus d’oméga-3 : +20 % environ.
  • Les antibiotiques : en agriculture conventionnelle, l’utilisation des antibiotiques pour soigner les animaux est bien sûr autorisée. Mais cette utilisation peut aussi se faire en prévention. C’est une pratique intéressante pour l’industrie, car un des effets secondaires de ces médicaments est de modifier la flore intestinale et de faire grossir, en particulier quand on les prend au plus jeune âge. Officiellement, la pratique est interdite depuis 2006 en Europe, mais en pratique, beaucoup d’élevages industriels donnent des antibiotiques de manière « préventive » et les contrôles sont très laxistes sur ces méthodes. Il s’agit évidemment d’un grave problème d’environnement puisque cette consommation abusive rend les bactéries de plus en plus résistantes au fil du temps, ce qui menace directement la santé de tous les humains. Plusieurs études ont d’ailleurs mis en évidence que les bactéries résistantes qui se développent dans les élevages conventionnels peuvent se transmettre à l’homme par la viande et provoquer par exemple des cystites. De plus, lorsque ces aliments ne transmettent pas de bactéries, ils transmettent tout de même des quantités significatives d’antibiotiques qui restent dans les viandes. Pour les chercheurs, ces résidus d’antibiotiques que l’on ingère avec des viandes issues de l’agriculture classique et des élevages industriels peuvent : affaiblir notre système immunitaire et notre intestin ou augmenter notre risque de maladies auto-immunes. Des risques plus variables selon le type d’antibiotiques sont aussi pointés du doigt : cancers, problèmes de reins, problème de foie, baisse de la fertilité. Ces problèmes ne surviennent pas avec des aliments issus de l’agriculture biologique où les antibiotiques ne sont utilisés que pour soigner les animaux malades et en dernier recours.
Schéma représentant à gauche les avantages de l’alimentation biologique induisant une augmentation de la part de polyphénols donc de la diversité du microbiote intestinal et donc des bénéfices pour l’état de santé générale. À droite, l’influence de l’alimentation conventionnelle induisant une augmentation de la consommation de pesticides, de cadmium et d’antibiotiques est responsable d’une diminution de diversité du microbiote et donc de l’apparition de maladies. 
Impact de l’alimentation biologique et conventionnelle sur la santé du microbiote

Si l’agriculture biologique produit des aliments de meilleures qualités, c’est aussi grâce aux techniques qu’elle utilise. Découvrons à présent ce que disent les études sur l’impact des fertilisants utilisés par les différents types d’agricultures sur les aliments et les sols. 

Bienfaits des techniques de fertilisation utilisées en bio 

Les fertilisants chimiques utilisés par l’agriculture conventionnelle auraient tendance à ne pas forcément rester dans les sols, mais à s’éliminer dans l’environnement. C’est en tout cas ce qu’avance une étude australienne de la « CSIRO Sustainable Agriculture National Research Flagship» dirigée par Richard J. Simpson et une étude brésilienne de l’UFRGS menée par Pedro da Costa.

À la suite d’épandages de fertilisants chimiques sur des parcelles agricoles, les deux études ont indépendamment constaté une fuite de 50 % de l’azote et de 90 % du potassium dans l’atmosphère et l’eau. Cette déperdition engendre des mécanismes responsables d’une génération de gaz à effet de serre, d’une eutrophisation dans l’eau et d’une salinisation du sol.

Paysage de plage bretonne. Sur une plage de sable blanc se trouve une pelleteuse jaune orangé. Elle travaille à rassembler des algues vertes échouées sur la plage. Le phénomène de prolifération de ces algues est dû aux activités humaines qui enrichissent l’eau en nutriments ce qu’on appelle l’eutrophisation.
Le phénomène d’eutrophisation touche nos plages bretonnes avec l’apparition de marée verte

Si les produits censés apporter des nutriments ne restent pas dans le sol et fuient dans l’environnement, il parait logique qu’il y ait moins de ressources pour la croissance de la plante. Ce qui semble corroborer le fait que les aliments issus de l’agriculture biologique présentent un profil nutritionnel plus intéressant : Plus de nutriments disponibles dans le sol = Plus de nutriments retrouvés dans les fruits et légumes. De plus, la pollution de l’environnement parait évidente. 

À l’inverse, l’agriculture biologique utilise majoritairement des fertilisants biologiques provenant de la ferme (lisier, fumier, compost, broyat). D’autres substances sont également autorisées comme le cuivre ou certains intrants ou des champignons de la famille des trichodermas.

Quelle est donc la différence entre l’utilisation de fertilisants chimiques ou biologiques sur les sols et la qualité des produits issus de ces sols ? Une étude chinoise a tenté de répondre à cette question en comparant l’efficacité de 4 mélanges de fertilisants différents :

  • Le premier mélange est un « mélange contrôle » comprenant 100 % de fertilisants chimiques.
  • Le deuxième : 75 % de fertilisants chimiques avec 25 % de fertilisants organiques comprenant des champignons de trichoderma. 
  • Le troisième : un mélange de 75 % de fertilisant chimique et 25 % d’un fertilisant biologique et organique comprenant des champignons de trichoderma.
  • Le quatrième : 75 % de fertilisant chimique par rapport au mélange contrôle auxquels on a ajouté des champignons de trichoderma.

Les scientifiques ont montré 2 choses intéressantes :

  • Premièrement, le mélange avec un fertilisant biologique et organique permettait à la plante de puiser plus de nutriments dans le sol à la différence des autres mélanges qui montraient une richesse en nutriment après la récolte. 
  • Deuxièmement, les tomates, poussant sur le sol fertilisé par le mélange contenant le fertilisant organique et biologique, avaient plus de sucres solubles (+24 %), plus de vitamine C (+ 57 %) et plus de nitrates (+62 %) par rapport aux tomates ayant reçu le fertilisant 100 % chimique. 

Même si nos chercheurs chinois n’étudient pas l’effet d’un fertilisant 100% biologique, l’apport d’un quart de fertilisant organique et biologique est déjà très bénéfique.

Une étude plus récente de 2022, dirigée par une équipe iranienne en collaboration avec l’université de Géorgie (États-Unis), a analysé les résultats de l’étude précédente et s’est demandée : quels seront les effets et les conséquences d’une fertilisation 100 % organique et biologique sur les sols et les aliments produits par rapport à une fertilisation chimique ? Elle a montré des résultats comparables à l’étude chinoise sur les qualités visuelles, organoleptiques et nutritionnelles.

Mais encore plus intéressant, l’étude a montré que l’utilisation d’un fertilisant 100 % organique et biologique utilisé à hauteur de 196 kg par hectare était chaque fois plus intéressante sur la qualité des aliments, mais aussi sur la conservation après récolte d’un point de vue nutritionnel qu’un fertilisant chimique utilisé à hauteur de 322 kg par hectare.Les études montrent clairement que l’agriculture biologique produit des aliments de meilleures qualités, fertilise mieux les sols, pollue moins et tout cela en utilisant moins d’intrants.

Voyons maintenant ce que les études sur les humains ont pu mettre en évidence sur les effets plus globaux des fruits, légumes ou viandes issus de l’agriculture conventionnelle.

Effets des aliments non bio sur la santé

Tout d’abord, il faut savoir que les personnes qui pâtissent le plus des effets des pesticides sur la santé sont… Ceux qui les utilisent. À savoir les agriculteurs qui travaillent de manière conventionnelle.

Une synthèse de l’INSERM publiée en 2013 concluait notamment que les professionnels étaient beaucoup plus à risque de maladie de Parkinson, de lymphome non Hodgkinien, de cancer de la prostate ou de myélome multiple. 

Concernant l’exposition à plusieurs pesticides, il n’y a quasiment pas d’études effectuées sur l’homme. Une étude française a cependant étudié l’effet d’un cocktail de 6 pesticides couramment utilisés dans l’agriculture en France sur des souris. Cette étude s’est déroulée pendant 52 semaines et plusieurs paramètres ont été contrôlés tout le long de l’étude. Les résultats suggèrent que la consommation d’un cocktail de pesticides provoque des troubles de la fertilité, plus de diabète et de surpoids, une augmentation du risque de cancer des testicules et des tumeurs cérébrales.

Cette étude de l’INSERM montre aussi que les enfants de ces agriculteurs sont exposés in utero ou très jeunes et ont beaucoup plus de tumeurs cérébrales, de leucémies, de malformations congénitales ou encore de troubles du développement chez leurs enfants (autisme, hyperactivité, etc.). 

Ensuite, en ce qui concerne les consommateurs qui avalent des pesticides par les aliments, très peu d’études ont été financées pour observer les effets. Les travaux les plus fiables concernent les femmes enceintes.On a pu montrer que les femmes qui sont exposées aux pesticides pendant la grossesse donnent naissance à des enfants ayant des QI plus bas, des troubles du développement plus important, plus de risque d’hyperactivité et de troubles de l’attention. Une étude a aussi trouvé une diminution de la matière grise dans le cerveau de ces enfants.

En 2018, une très large étude française faite grâce à des fonds publics (INSERM et INRA) portant sur près de 70 000 personnes vient de démontrer un lien entre produits bios et cancer : les personnes qui mangent le plus de produits biologiques auraient un risque de cancer réduit de 25 %, tous cancers confondus.

Le reste des données représente principalement l’exposition aux pesticides non alimentaires, par exemple dans son jardin ou quand vous achetez un produit anti-insecte à pulvériser chez vous : l’exposition aux insecticides domestiques contenant des organophosphorés augmenterait chez les enfants le risque de cancer du cerveau.

De plus, les parents qui utilisent des solvants chlorés présents dans les pesticides, mais aussi des encens, de la peinture en spray, des teintures et des pigments exposent leurs enfants à un risque de leucémie infantile.Les enfants exposés aux pesticides dans leur première année auraient aussi 2 fois plus de risques d’avoir de l’asthme avant 5 ans. Et ceux exposés aux herbicides auraient 4 fois plus de risque. 

Chez les adultes, une étude menée sur des femmes vivant à Long Island à New York montre un lien entre l’exposition aux pesticides domestiques et le cancer du sein.

Le sujet n’est donc pas encore clos même si les données sont déjà plutôt inquiétantes. Donc pour répondre à la question initiale : non, il n’est pas possible de minimiser les risques pour sa santé sans manger intégralement bio. De manière visible ou non, les aliments issus de l’agriculture conventionnelle endommagent la santé.

Comment limiter son exposition aux pesticides ?

Pour limiter son exposition aux pesticides, il faut déjà savoir comment nous nous retrouvons en contact avec eux. On distingue 3 types de contacts :

  • Le contact professionnel : il concerne les personnes qui fabriquent ou utilisent ces produits comme les chimistes et les agriculteurs comme on a pu le voir un peu plus haut et l’incidence de ces produits sur leur santé.
  • Le contact environnemental résidentiel : il concerne tout le monde, car l’eau, l’air et les sols peuvent être contaminés. Vous pouvez être exposé quand vous vous promenez dans la nature par exemple ou quand vous désherbez votre allée de jardin. 
  • Le contact alimentaire : l’alimentation est le principal vecteur qui nous expose aux pesticides et cela représente 80 % de notre exposition. 

Les notices d’utilisations de ces produits exigent généralement le port d’EPI (Équipements de Protection Individuelle) lors de la manipulation de ces produits. De plus, les produits utilisés par les professionnels comme les agriculteurs ou même les particuliers se retrouvent vendus généralement en solution concentrée. Sous cette forme, avant dilution, la concentration est d’autant plus toxique et nécessitent vraiment des précautions d’usages pour préserver sa santé. 

Une femme métisse habillé d’un tablier bleu et d’un t-shirt rose est en train de pulvériser sans protection un produit chimique sur des plantes dans son jardin. Pour cela, elle utilise un pulvérisateur. 
L’utilisation des pesticides par les particuliers se fait généralement sans protection

Un conseil quand vous pulvérisez vos jardins ou vos allées de maison, protégez-vous avec un masque ou tout simplement désherber sans utiliser ces produits. 

Pour les contacts environnementaux proches de votre résidence, une carte gouvernementale de l’agence bio précise où se trouvent les parcelles biologiques et conventionnelles.

Pour limiter le contact par l’alimentation, deux solutions : 

Pour préserver la biodiversité et la santé des populations, la France a adopté une loi depuis le 1er janvier 2017 pour interdire l’usage des pesticides chimiques sur une grande partie des espaces ouverts au public. De plus, depuis le 1erjanvier 2019, la réglementation a changé pour les particuliers : la détention et l’utilisation des pesticides de synthèse hors produits autorisés (produits uniquement utilisés par l’agriculture biologique) est dorénavant interdite et constituent un délit pouvant être sanctionné de 6 mois d’emprisonnement et de 150 000€ d’amende. Les changements de réglementation récents montrent bien que ces produits sont toxiques, persistant dans l’environnement et donc dangereux. 

Le bio est-il la meilleure solution pour manger sain et pour le bien-être animal

La France est le 8ème pays en matière de consommation de pesticides exprimé en tonnes en 2020 selon la base de données de la FAO. Nous consommons 65 216,43 t de pesticides par an. Pour comparaison, l’Australie, le pays avec la plus grande surface bio au monde, est la 9ème du classement et consomme 63 416,48 t par an.

Cependant, pour mettre ces quantités en perspective l’Australie est aussi 14 fois plus grande que la France et sa consommation en pesticides est inférieure à la nôtre. Sur le podium de ce classement, on trouve en 3ème position la Chine avec 273 375,75 t, en 2ème position le Brésil avec 377 176 t et en 1er position les États-Unis avec 407 779,2 t. 

Les pesticides étant des produits chimiques non reconnus par les plantes et micro-organismes, ils sont aussi persistants dans l’environnement. En conséquence, ils gagnent les rivières, les nappes phréatiques et tout l’écosystème.

Les fruits et légumes bios sont donc aussi contaminés de manière indirecte. C’est simplement « beaucoup moins pire » ; mais ce n’est pas parfait.

Schéma représentant les contaminations possibles par les pesticides. En trait plein, les contaminations directs, en trait pointillé, les contaminations indirects. L’application de pesticides induit une contamination directe : 1- par application foliaire sur les champs de l’agriculture conventionnelle ; 2- par contrôle des parasites sur les lieux de stockage sur la chaine alimentaire ; 3- par traitement des sols sur les sols et induit une contamination indirecte par la pulvérisation non contrôlée et le transport longue distance sur l’air. La contamination des sols induits des contaminations indirectes : 1- par drainage, érosion des sols, ruissellement et lessivage sur l’eau ; 2- par érosion du vent sur l’air ; 3- par absorption sur les champs de l’agriculture biologique.
Les contaminations directs et indirects consécutifs des applications de pesticides

Le bio permet aussi d’améliorer les conditions de vie des animaux du fait d’accès plus importants à l’extérieur, une meilleure alimentation, une meilleure qualité de soins. Mais le bio n’améliore pas les pratiques d’abattage qui sont un véritable problème puisque les animaux sont souvent emmenés en camion dans les abattoirs sans eau ni nourriture dans des conditions extrêmement stressantes. 

Pour les animaux, le bio est donc mieux, mais pas parfait non plus. Il y a encore du chemin, mais cela reste un pas positif dans la bonne direction. Il faut donc encourager le bio.

Enfin, sachez que des études ont montré que quand on se met à manger bio, les niveaux sanguins de pesticides commencent à décliner dès une petite semaine chez l’adulte et aussi chez l’enfant, ce qui est plutôt positif.

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