Microplastiques et nanoplastiques : quels effets sur notre santé ?

Modifié le 12 janvier 2024

Temps de lecture : 10 minutes
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Photo d'une table bleu où se trouvent des morceaux de plastiques multicolores. une main dans un gant de laborantin se tient sur la gauche de l'image. Cette main tient une pince à épiler et tente de récupérer un morceau de plastique avec.

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Lors de nos activités quotidiennes, nous sommes exposés à de minuscules fragments de plastique, qui s’infiltrent insidieusement dans notre corps. Les effets de cette contamination sur notre organisme sont encore mal cernés. Des données inquiétantes suggèrent qu’elle pourrait affecter les fonctions respiratoires, digestives, reproductrices et même neurologiques.

D’où viennent les micro et nanoplastiques ?

Le plastique est omniprésent dans nos vies et sa production globale n’a cessé d’augmenter, passant de 15 millions de tonnes en 1964 à 359 millions de tonnes en 2018.

Le plastique est pourtant une matière qui n’est pas durable : dès sa fabrication terminée, elle entame lentement son processus de vieillissement. Au cours de leur utilisation normale et au fil du temps qui passe, tous les objets en plastique libèrent des particules de petite taille, complètement invisibles.

Elles sont qualifiées de microplastiques lorsqu’elles mesurent de 1μm à 5 mm, et de nanoplastiques en dessous de ce seuil. À titre de comparaison, la taille des nanoplastiques est proche de celle des virus, qui mesurent environ 100 nm.

Ces microplastiques, issus de plastiques de grande taille, sont dits secondaires. Les microplastiques primaires correspondent quant à eux à de petits morceaux de plastiques ajoutés volontairement à certains produits. L’industrie cosmétique y a recourt largement, notamment en raison de leurs propriétés exfoliantes.

Les micro et nanoplastiques contaminent l’ensemble des milieux – océans, sols et même l’air – et les êtres vivants qui y vivent. L’homme ne fait pas exception. Les données s’accumulent sur leur présence au sein de notre organisme.

De nombreux déchets plastiques flottent sur l'océan. Une bouteille en plastique est l'élement principal. On devine d'autre déchets plastiques à l'arrière plan, qui sont flous. En fond, il y a du ciel bleu.
La pollution plastique contamine l’ensemble des mers et océans du globe.

Les voies de contamination

Les microplastiques nous contaminent de plusieurs manières. Nous ingérons tout d’abord ces petites particules au moment des repas.

Des études menées à travers le monde ont pu mettre en évidence leur présence dans du sel de table, du sucre, des sachets de thé, des produits de la mer (poissons, mollusques, crustacés…), du lait, du miel, des fruits et des légumes… Différents types de microplastiques ont par ailleurs été identifiés dans l’eau en bouteille. Plus inquiétant, ils contaminent également l’eau prélevée dans des nappes souterraines. Des chercheurs ont estimé qu’en moyenne, un être humain ingère entre 0,1 et 5g de microplastiques par semaine.

En raison de leur petite taille, les micro et nanoplastiques peuvent également être directement inhalés. L’air des bâtiments est plus chargé en particules que l’air extérieur. Elles émanent des objets, meubles et matériaux environnants. Les microplastiques pourraient enfin nous contaminer par contact dermique, en empruntant les pores de la peau.

Ce schéma présente les trois voies d'exposition aux microplastiques. Au centre, un être humain est représenté, avec des microplastiques à l'intérieur. A gauche, se trouve un cercle comportant des vêtements et de la lessive correspondant au contact cutané. A droite se trouvent un cercle avec des fragments de plastique représentant l'inhalation et un cercle avec des aliments correspondant à l'ingestion.

Des microplastiques dans notre corps

Des microplastiques ont ainsi été retrouvés dans diverses parties de notre corps. Une analyse de tissus pulmonaires a identifié leur présence dans 13 échantillons sur les 20 étudiés. On les rencontre également dans les sécrétions bronchiques de personnes ayant une infection respiratoire.

Lors d’une étude réalisée sur des placentas humains, ils ont été détectés dans l’ensemble des 17 échantillons examinés. Les tissus présentaient en moyenne 2,7 de ces particules par gramme, avec onze types différents de plastiques. Les microplastiques contaminent également le lait maternel, le sang et les selles, la semence masculine

Les nanoparticules s’invitent au cœur des cellules

Des expériences menées en laboratoires avec des nanoplastiques fluorescents ont montré que ces particules peuvent pénétrer à l’intérieur même des cellules humaines. Il s’agissait de cellules intestinales, où les nanoplastiques se sont accumulés en surface et sont entrés en quantité modeste, et des macrophages, qui les ont massivement accumulés.

Ce phénomène d’internalisation a été décrit également pour des globules rouges et des cellules pulmonaires. Les fragments de plastique présents dans les cellules ne sont pas attachés à la membrane, et sont donc libres d’interagir avec ses composants internes.

L’action nocive des microplastiques sur l’organisme

Il est à ce jour difficile d’appréhender les conséquences de l’exposition à ces micro et nanoplastiques sur notre santé. Pour des raisons éthiques évidentes, il n’est pas possible d’exposer volontairement des sujets humains à ces contaminants pour en observer les effets directs. De plus, tous les êtres humains sont contaminés, il devient donc impossible de faire des « groupes contrôles » dans une telle étude !

On dispose en revanche d’une solide littérature basée sur des études in vitro – en laboratoire, utilisant des cultures de cellules – et chez l’animal. Si les recherches étaient initialement principalement menées chez des espèces aquatiques bien éloignées de notre physiologie, de nombreux travaux sont aujourd’hui consacrés aux mammifères, plus proches de nous.

Effets sur le système respiratoire

L’inhalation de microplastiques met à mal le système respiratoire. Lorsque des souris reçoivent un spray nasal contenant ces fines particules, elles se dispersent dans l’ensemble des poumons. Elles atteignent les alvéoles pulmonaires et le tissu qui les soutient, l’interstitium.

Leur présence désorganise la structure de l’épithélium bronchique, qui représente la barrière physique protectrice de l’organe. Des expériences menées sur des cultures de ces cellules ont montré que les microplastiques refrènent leur prolifération et peuvent même les détruire.

Schéma expliquant le mécanisme potentiel à l'origine des méfaits des microplastiques sur le poumon

Inflammation et stress oxydatif

Les microplastiques stimulent la production de divers messagers pro-inflammatoires au niveau de ces cellules. Il s’agit notamment du TGF-β, dont la surproduction est observée dans le cadre de diverses pathologies respiratoires comme la fibrose pulmonaire, l’emphysème, l’asthme ou le cancer du poumon.

Ils augmentent par ailleurs la production des radicaux libres et altèrent les défenses antioxydantes, rendant l’appareil respiratoire vulnérable face aux méfaits du stress oxydatif.

Une jeune femme brune aux cheveux longs est assise sur son canapé. Elle se mouche dans un mouchoir blanc.
Les microplastiques pourraient aggraver les allergies respiratoires.

Exacerbation des allergies respiratoires

Ces contaminants pourraient augmenter la sensibilité aux allergènes respiratoires, en facilitant leur passage à travers la membrane protectrice des alvéoles. L’exposition conjointe de souris asthmatiques à des acariens et des microplastiques aggrave leur situation. Elle conduit à l’augmentation de la production d’une protéine impliquée dans les allergies, MALT1, dans les tissus pulmonaires.

Impact sur la sphère digestive

Lors de l’ingestion de microplastiques, ces petites particules transitent le long du tube digestif et atteignent l’intestin, où elles induisent de nombreux bouleversements.

Une étude menée chez la souris a tout d’abord montré qu’elles provoquent une diminution de la sécrétion de mucus. Le mucus intestinal joue un rôle essentiel dans la protection et le bon fonctionnement de l’intestin. Il forme une couche protectrice qui empêche les agents pathogènes, les toxines et les particules indésirables d’endommager la paroi intestinale. Il favorise également la lubrification et la régulation de l’absorption des nutriments. L’expression des principaux gènes impliqués dans la formation du mucus a diminué chez les animaux exposés aux microplastiques.

Une augmentation de la perméabilité intestinale

Les chercheurs ont ensuite constaté une diminution de la production de certaines des protéines participant à la formation des jonctions serrées, la zonuline-1 et la claudine-1. Celles-ci sont les garantes de l’intégrité de la barrière intestinale, qui empêche les molécules indésirables d’entrer dans la circulation sanguine. Les microplastiques pourraient donc augmenter la perméabilité de l’intestin et jouer un rôle dans l’apparition d’intolérances alimentaires.

Déséquilibre du microbiote

Ces polluants mettent par ailleurs à mal l’écosystème qui peuple l’intestin. Chez des souris, l’exposition à des microplastiques pendant 6 semaines provoque des modifications dans les populations du microbiote.

L’abondance de 13 genres de bactéries, dont les bénéfiques Bifidobacterium, a diminué, tandis que les populations de 2 genres (Coprococcus et Anaeroplasma) ont augmenté. De plus, le métabolisme de certains acides aminés et des acides biliaires a été altéré chez ces animaux.

D’autres types de perturbation du métabolisme ont été observés en cas d’exposition aux microplastiques. Ils conduisent à une augmentation de la glycémie à jeun et de la concentration en insuline et pourraient favoriser le développement de la maladie du foie gras non alcoolique.

Effets pro-inflammatoires sur l’intestin

Les déséquilibres du microbiote se traduisent par une élévation des niveaux d’inflammation de l’intestin. En effet, certaines bactéries alliées facilitent l’apparition de globules blancs régulateurs (les Treg) et la production de messagers anti-inflammatoires. Elles contribuent ainsi à contrôler l’intensité de la réponse immunitaire, évitant qu’elle ne s’emballe et ne provoque des dommages.

Une augmentation des niveaux sanguins d’IL-1α, un messager pro-inflammatoire, et une diminution de la proportion de Treg ont été observées chez des souris nourries avec différentes doses de microplastiques, 6, 60 et 600 μg/jour pendant 5 semaines. Chez les animaux ayant reçu la plus forte quantité de microplastiques, l’intestin présentait des signes manifestes d’inflammation.

S’il n’existe pas de données suffisantes pour établir un lien entre les microplastiques et les maladies inflammatoires de l’intestin chez l’homme, certains éléments sont préoccupants. Une étude a en effet mis en évidence une concentration en microplastiques supérieure dans les selles de personnes souffrant d’une pathologie de ce type, par rapport aux personnes en bonne santé (41,8 particules par gramme contre 28). L’intensité des symptômes allait de pair avec le degré de contamination.

Altération de la fonction reproductrice, avec un impact transgénérationnel

Plusieurs anomalies dans la fonction reproductrice ont été observées chez des animaux exposés au microplastiques. Chez des souris mâles, ils provoquent une altération de la qualité du sperme, une inflammation au niveau des testicules et une baisse des niveaux de testostérone.

Chez les femelles, ils induisent une inflammation des ovaires et diminuent le taux de survie des ovules. L’exposition des mères en cours de gestation se traduit par une réduction du nombre de petits par portée. Le poids de naissance des souriceaux est plus faible qu’à la normale. Même sans avoir reçu directement les microplastiques, ils présentent des altérations au niveau des globules blancs de leur rate, tout comme leurs mères. Les méfaits des microplastiques peuvent ainsi être transmis à la génération suivante, au moins partiellement.

Une femme enceinte portant une robe verte est au centre de l'image. Un homme en jeans et chemise bleue est derrière elle et lui touche le bras. Dans le fond, se trouve un champ avec des tons jaunes, flou.
Les microplastiques pourraient représenter une menace pour la fertilité.

Un risque neurologique ?

Aucune barrière naturelle du corps ne semble en mesure de bloquer les particules de plastiques, pas même l’une des plus sélectives : la barrière hémato-encéphalique.

L’administration de nanoplatiques d’une taille de 50 nm pendant 7 jours à des souris se traduit par une augmentation de la perméabilité de cette enveloppe qui protège le cerveau. Ils s’accumulent dans l’organe et provoquent l’activation des cellules microgliales, la première ligne de défense immunitaire du cerveau, et des dommages au niveau des neurones.

Dans le second volet de l’étude ayant mis en évidence ce phénomène, les chercheurs ont utilisé des cellules humaines couramment employées comme modèle d’étude de la barrière hémato-encéphalique. Ils ont pu vérifier que les nanoplastiques pénétraient dans ces cellules. Elles y déclenchent un stress oxydatif, favorisent leur mort cellulaire et perturbent la formation des jonctions serrées qui les unissent.

L’éventuel accès au cerveau est déterminé par la taille des particules. Lors de travaux ayant scruté le passage de fragments de 9,55 µm, 1,14 µm et de 0,293 µm, seuls les plus petits ont pu traverser la barrière hémato-encéphalique et ce très rapidement, 2h après ingestion.

La présence de ces nanoplastiques a des conséquences très concrètes : les fonctions cognitives des souris diminuent, notamment leur mémoire à court terme. Dans un contexte où les maladies neurodégénératives affectent une part croissante de la population, il est légitime de s’interroger sur un éventuel rôle aggravant de l’exposition à ces contaminants.

Des portes d’entrée pour des éléments nocifs

Si les microplastiques font réagir l’organisme par leur simple présence, l’exposition à ceux-ci fait planer une autre menace. Ils véhiculent en effet diverses substances dangereuses pour notre santé.

Des additifs chimiques problématiques

Lors de la production des plastiques, différents types d’additifs sont utilisés pour améliorer leurs propriétés. Ils représentent en moyenne 4% de leur poids. Lorsque le plastique se dégrade, ces additifs migrent de l’intérieur vers la surface, ce qui facilite leur libération dans l’organisme en cas de contamination.

Une analyse publiée en 2021 a identifié plus de 10 000 substances chimiques utilisées dans les plastiques. Parmi celles-ci, plus de 2400 sont jugées problématiques en raison de leur persistance dans l’environnement, leur tendance à s’accumuler dans les organismes vivants (bioaccumulation) et/ou leur toxicité.

Certaines d’entre elles comme les phtalates, le bisphénol A ou des produits ignifuges bromés interfèrent avec notre système hormonal. Ces perturbateurs endocriniens peuvent être à l’origine de cancers hormonaux, de troubles du métabolisme, de la reproduction et du développement. Fait singulier avec cette catégorie de composés, la dose ne fait pas le poison : une faible exposition peut avoir des effets significatifs.

Des co-contaminants environnementaux

Au-delà des substances délétères qui font partie de leur composition, les microplastiques peuvent fixer différents types de contaminants : métaux lourds, polluants organiques persistants, agents pathogènes… Ils leur permettent ainsi de pénétrer au sein des organismes vivants, et sont pour cela souvent qualifiés de chevaux de Troie.

Métaux lourds

Une équipe a étudié l’accumulation de 55 métaux ou semi-métaux sur deux types de microplastiques communs, le polyéthylène et le polyéthylène téréphtalate. Les tests ont été réalisés sur des particules d’une taille variant de 63 à 250 micromètres. Les chercheurs ont constaté que les plus petites particules sont paradoxalement celles qui accumulent la plus grande quantité de métaux.

Certains comme le chrome, le fer ou l’étain se lient très fortement aux microplastiques. Les particules de polyéthylène ont tendance à accumuler ces composés plus facilement que celles de polyéthylène téréphtalate. Une dernière phase de tests a permis d’établir que dans des conditions reproduisant celles du tube digestif, les métaux fixés aux microplastiques se détachent. Ils ont ainsi tout loisir de se répandre dans l’organisme et d’y exercer leur toxicité.

Microbes pathogènes pour l’homme

Les matières plastiques qui dérivent sur l’océan sont colonisées par une communauté de bactéries et autres micro-organismes. Un véritable écosystème se forme, que certains désignent sous le terme de plastisphère.

La longue durée de vie des microplastiques offre un habitat durable à ces espèces, qui peuvent dériver sur de grandes distances. Des chercheurs allemands ont collecté et analysé des échantillons prélevés dans 39 stations de la mer du Nord et 5 de la mer Baltique. La presque totalité des microplastiques hébergeait une communauté microbienne.

Parmi les résidents, ils ont pu identifier la présence de bactéries appartenant au genre Vibrio, dont des espèces pathogènes pour l’homme (V. cholerae et V. parahaemolyticus). Des bactéries affectant le système digestif de la famille des Campylobacteraceae ont également été identifiées sur des microplastiques présents en station d’épuration.

Ces découvertes amènent à considérer les microplastiques comme des vecteurs potentiels de propagation des microbes pathogènes.

schéma présentant la formation de la plastisphère à partir des espaces pionnières capables de digérer le plastique
D’après Sujata Dey et al.

Comment limiter l’exposition aux microplastiques ?

Les microplastiques étant répandus de façon massive dans l’environnement, il serait illusoire de penser s’en prémunir totalement. Cependant, certains gestes quotidiens peuvent réduire notre niveau d’exposition à ces contaminants :

  • choisir des produits cosmétiques exempts de microplastiques. Dans la liste des ingrédients, de nombreux termes peuvent évoquer leur présence. Il s’agit notamment de polyamide, polyéthylène, polystyrène, polyuréthane, acrylate ou des mots se terminant par -one, -oxane, -vinyl, -polymer. Pour être sûr de leur échapper, l’idéal est de sélectionner des produits bénéficiant d’un label bio, qui garantit leur absence ;
  • privilégier les aliments bruts et en vrac pour votre alimentation quotidienne. Cela permet de réduire le risque de contamination et de réduire les déchets plastiques générés ;
  • limiter sa consommation des aliments les plus contaminés comme les fruits de mer. Le fait de consommer l’animal entier, et donc le contenu de son tube digestif, est une source importante d’exposition ;
  • bannir le thé en sachets, car ils sont souvent élaborés en plastique (nylon ou PET). Une étude a montré qu’une simple tasse pouvait contenir 11,6 milliards de microplastiques et 3,1 milliards de nanoplastiques ;
  • éviter l’eau en bouteille. Il existe des systèmes de filtration pour éliminer les produits indésirables que contient l’eau du robinet ;
  • éviter les ustensiles de cuisine, les contenants (gourdes, shakers) et les biberons en plastique ;
  • délaisser les textiles synthétiques, qui libèrent des microfibres notamment lors du lavage, au profit des matières naturelles.

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